Le Tisseur de MémoireMaitre du Jeu
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| Sujet: Légende du Sceptre de Flarmya Dim 1 Sep 2013 - 13:43 | |
| °°°° ~°~° Légende du Sceptre de Flarmya °~°~ ou la véritable origine de la Malédiction des deux Lunes [/size] Chapitre I : La révélation de Flarmya
Eneylinn- Saaria, jeune apprentie prêtresse au temple de Flarmya Les temps étaient troublés en cette veille de célébration à la Gloire de Flarmya. Eneylinn- Saaria, la jeune prêtresse, frissonna en resserrant les pans de son manteau pourpre contre son corps gracile. Ses frères se dressaient les uns contre les autres, les uns ayant l'indécence de s'ériger contre les Dieux, de prétendre en être une alternative, de s'affirmer comme leurs égaux, les autres essayant de retirer le maximum de pouvoir ou de profit du chaos émergeant et enfin, une petite poignée plus lucide que les autres, conscients que cette hérésie ne resterait pas sans effet ni rétorsion des Dieux, tentant de sauvegarder ce qui pouvait l'être. Ces derniers avaient bien essayé de mettre en garde leurs frère de la folie qui s'était emparée d'eux mais toutes leurs paroles de bon sens s'étaient heurté soit à une mégalomanie sans borne soit à une avidité sans nom. En désespoir de cause, les lucides s'étaient regroupés en une petite communauté toujours fidèle aux Dieux et éloignée des motivations égocentriques et démesurées de leurs frères. Eneylinn en faisait partie. Prêtresse de la mère des Dragons, elle la servait depuis son enfance avec dévotion. Elle longea le bâtiment sobre mais néanmoins magnifique qui avait été érigée à la gloire de la mère de la Terre de l'Aube par les Valherus à l'époque où ils se souvenaient devoir reconnaissance à la Déesse pour le Don de ses enfants aux simples mortels. Puis un jour , leur condition éphémère les avait fait jalouser les Dieux au point de vouloir les supplanter. Il avaient accumulé puissance et gloire, mettant à profit leur supériorité mentale et intellectuelle pour asservir les autres formes de vie. Grisés par le pouvoir que leur conférait les Dragons, ils avaient perdu tout sens de la pondération et toute bonté d'âme. Les plus virulents avaient rallié le Mar Dinèn et y fomentaient des projets d'une terrible noirceur. Cette nuit-là, la petite prêtresse avait eut une vision de sa Divinité aimée qui se lamentait sur les projets fous de ses protégés d'antan. Elle lui avait demandé de venir aux aurores au temple pour y recevoir ses recommandations. La jeune femme aux longs cheveux bruns et à la peau pâle s'était donc hâté des le lever du jour. Elle poussa les lourds battants du temple et s'agenouilla devant la si belle statue de la Mère du Premier Dragon. Les yeux fermés, elle inspira profondément cherchant la communion avec celle qu'elle servait fidèlement. Une douce chaleur bienveillante l'envahit doucement alors qu'elle ouvrait son coeur devant l'autel. - Ma fille... Ouvre les yeux... - Mère … Soyez honorée pour l'amour que vous portez encore à vos enfants malgré leur ingratitude … - Tous ne le sont pas, mon enfant … Et ceux-là, il faut les sauver de la folie de leurs frères... - Comment faire , ma Mère ? Je ne suis qu'une enfant, une de vos humbles servantes . - Ton coeur est si pur dans cet océan de vilénie. D'autres viendront t'aider, tout aussi vaillants que toi. Laisse-moi à présent te conter ce qui menace plus précisément votre monde et l'équilibre cosmique également actuellement, ma fille. Il te faudra beaucoup de courage pour déjouer ce péril mais tu es forte et tu aimes les Dragons mes enfants , tu aimes ta Mère Divine et ce monde qui est notre.
- Oh oui ma Mère... - Un petit groupe de tes frères est à la tête de la rébellion qui vise à abolir le règne des Dieux. Ce groupe galvanise une grande partie de la population en lui faisant miroiter une puissance infinie, une gloire éternelle. Cette petite poignée d'hommes, si brillante soit elle, n'a pas eu cette idée seule. L'instigateur de départ de toute cette agitation est un dément, un mage , ancien prêtre d'Ouranos qui fut refoulé des ordres pour sa défaillance mentale déjà avérée. Cet homme a moult noms et peut prendre nombre d'apparences. Sa magie est très puissante... Sa magie cosmique surtout … Il a employé sa vie à repousser les limites de la mort et à commander aux astres, à influer sur mes semblables les plus sensibles. Ainsi sa magie a-t-elle convaincu certains des miens de la nécessité d'éradiquer l'équilibre actuel de nos mondes. Il veut dresser les simples mortels contre les Valherus et les Valherus contre leurs Dieux. Mes frères et soeurs, Ouranos et Gaïa eux -même, sentent venir le chaos mais ne peuvent intervenir sous peine d'entrainer la fin de toute chose.
La petite Prêtresse ouvrit de grands yeux emplis de larmes. - Sommes-nous perdus, ma Mère ? - Un faible espoir demeure... Ce mage a pour projet de modifier la course de mes soeurs, Eurylia et Iolya en les persuadant par un enchantement éphémère du bonheur qu'elles auront à s'étreindre enfin et de la force que leur puissance conjuguée offrira au monde qu'elles aiment. J'ai honte de le dire mais elles ne seront pendant la période d'une révolution que le jouet de ce monstre. Notre messager, Zakeriel, est venu nous rapporter ses agissements. Le rituel est déjà en place et il aurait été efficient si je n'en avais eu vent à temps. J'ai pu déjouer le sortilège fort heureusement. - Mais alors, Mère … Si vous nous avez sauvés de cela … - Las, ma fille, je n'ai écarté le péril que pour cette fois et je ne pourrais éviter que d'autres fous et monstres avides de pouvoir n'entrainent tes frères à leur perte... Leur destin semble déjà fixé par le courroux des autres Dieux qui grondent. - Nous allons tous mourir, alors ? - Je puis intercéder pour que la vie ne soit pas éradiquée dans son ensemble de Rhaëg. Seules les formes de vie les moins néfastes seront épargnées mais je doute que les Valhérus dans leur ensemble en fassent partie. Cependant , je sais ton attachement à tout ce qui est vie mon enfant... et je veillerai, si tu parviens à mener la mission que je vais te confier, à exaucer un voeu . Tu pourras me demander protection et vie devant la vindicte des miens. - Et tous mes frères innocents devront périr ? Tous ne sont pas coupables d'hérésie, ma Mère... - Certains trouveront peut-être arrangement avec d'autres Dieux … Après, tu seras libre d'utiliser ton voeu pour l'un d'entre eux … mais je voudrais que tu le gardes pour toi. Je sais ta noblesse de coeur mon enfant. - Mère, c'est trop d'estime … Vous disiez que vous n'aviez écarté le péril que momentanément … Ne pouvez-vous pas sceller à jamais l'action de ce sortilège ? - Las, non ma fille. Dit la Déesse en effleurant la joue d' Eneylinn. Il sera récurrent, lié au cycle de mes deux soeurs et réactivé tous les cent ans. - Mais comment le déjouer ? Ne pouvez-vous intervenir chaque fois ? - Non, mon enfant … Ce qui a été fait par un mortel ne peut être défait directement par un immortel qu'une fois. Ainsi va la loi des Dieux. Si la folie frappe deux fois parmi les non divins alors qu'un Dieu les a sauvé déjà une fois, cela signifie pour Ouranos qu'ils ont méprisé l'aide et la mansuétude des Dieux dans ce cas précis et ne pourront plus y prétendre une seconde fois. - Alors notre monde est voué à destruction dans cent années ? Que produira l'enlacement des deux lunes ? - Il abolira les frontières entre les mondes en engendrant un déséquilibre cosmique. Le monde des morts entrera dans celui des vivants, celui des spectres dans celui des tangibles, le monde des Dieux se refermera à jamais sur lui-même ignorant sa création et laissera Rhaëg livré à lui-même. Le cours du temps et le climat seront modifiés, l'incarnation de Gaïa entrera dans une activité chaotique privée de l'influx divin de sa créatrice. Ce sera lentement mais sûrement, la fin de toute chose sur votre monde, mon petit...Dit la Déesse d'une voix brisée. Et la fin de mes enfants … les Dragons, en tant que tels, même si Ouranos le Grand leur permettra de devenir de purs esprit pour leur grande sagesse. - Je ne puis m'y résoudre , Mère … Même si je ne suis plus là pour le voir, ayant rejoint depuis longtemps les bras d'Isashani. Ne pouvons-nous rien faire pour l'empêcher et briser cette malédiction. Si nous contraignions ce mage à l'inverser. - Il n'est rien que nous ne puissions faire pour l'inverser ou la contrer dès à présent. Impossible de contraindre le mage à le faire car il a pris peu après l'apparence d'un minéral pour échapper à notre vigilance. Il est plus que probable qu'il se réveillera et reprendra sa forme initiale le moment venu. C'est esprit est malfaisant et machiavélique, il a tellement bien étudié la cosmogonie qu'il sait les moyens d'échapper même au courroux d'Ouranos. Notre père à tous pourrait le détruire en bombardant Rhaëg de ses éclairs mais il réduirait en poussière la création de son épouse aimée et toute vie créée par les Dieux . - Comment est-ce possible, Mère ? Un simple mortel qui se joue de tous les Dieux réunis ? - L'histoire regorge de mortels qui nous ont tenus tête un moment, mon petit . Nous en sommes toujours venus à bout à notre échelle temporelle qui est différente de la votre mais pour le moment, cet individu a réussi à nous tenir en échec. Pour nous ce n'est qu'un contretemps fâcheux. Pour vous c'est l'annonce de votre possible fin dans une centaine d'année. - Possible ? Y aurait-il donc un espoir ? - L'amour que je voue à mes enfants et aux plus purs d'entre vous qui s'y sont liés, mais aussi ma pitié envers les vivants asservis par tes frères m'ont poussé à implorer la magnanimité de mon père Ouranos et il m'a accordé le droit de créer un artéfact de protection. - Un artéfact de protection ? - Oui une création concrète que l'un de vous, un mortel, pourra invoquer le moment venu pour écarter la malédiction. - Ohh Mère ! Merci … soyez honorée à jamais ! Ô Divine Flarmya ! Je savais que vous ne pourriez nous abandonner à une fin si funeste. S'exclama la jeune Prêtresse en se jetant sur la dalle en signe de gratitude. - Relève-toi, mon enfant ! Ecoute à présent ce que je vais te dire avec attention car tout repose désormais sur toi. Répondit la Déesse avec gravité. - Je suis prête, Mère ... Répondit Eneylinn en se redressant et essuyant furtivement ses larmes. - Je vais te confier l'Artefact que tu devras mettre en lieu sûr dans un grotte souterraine dont l'accès est immergé sous un Lac. Ce lac se trouve à l'Orée de la Sylve de Norui, il porte le nom de Lac Immortel. Je te nomme Prêtresse des Deux Lunes et dépositaire de l'Artefact. Tu pourras chercher refuge chez tes soeurs Prêtresses d'Eurilya et de Iolya avec ce sceau. Ajouta-elle avant de disparaître. Sur l'autel un sceptre de pierre en forme de Dragon et une bague elle aussi à l'effigie de l'enfant sacré de Flarmya étaient apparus. La jeune fille s'en empara avec précaution et dissimula l'objet lourd sous sa cape tandis qu'elle glissait fébrilement l'anneau à son doigt. * Divines de la Nuit, Eurilya et Iolya, aidez-moi à être digne de la volonté des Dieux et à maintenir votre course immuable pour les siècles. Aidez-moi à être digne de vous et de Flarmya . *
La fragile silhouette s'élança en dehors du temple. Il lui tardait de se rendre au bord de ce Lac Eternel. Elle ne vit même pas l'ombre furtive qui s'éclipsait entre les colonnes ... ************* Chapitre II : Villám-Árnyék un Valheru parmi d'autres
Préambule Ici seront couchés tous les souvenirs d'un guerrier Valheru parmi d'autres. Une âme égarée et vouée à n'être bientôt plus qu'un spectre pour expier les fautes de sa race. J'ai échoué dans la quête qui a porté ma vie, j'ai manqué à une promesse faite à l'être qui a compté le plus pour moi. Par mon échec, la vie de ceux qui viendront après moi est rendu incertaine. Ces lignes que vous lirez peut-être, lecteur de fortune, sont celles d'un homme brisé qui a perdu ses rêves et sa dignité en échouant. Je te demande pardon, lecteur, pour cette lecture qui sera doublement pénible par ses aveux et par sa forme car je ne suis ni scribe ni érudit, juste un simple guerrier lié à un Dragon. Est-ce que celui qui lira ces lignes comprendra que cela ait existé, que des êtres volants si magnifiques furent nos compléments d'âmes, à nous Valherus. Lié si magnifique que mes frères ont spolié en l'entachant de cupidité et de démesure. Peut-être même, lecteur, as-tu cessé déjà ta lecture de ces lignes et jeté au feu ce carnet en découvrant simplement la nature de son auteur. Pourtant si tu continues … si la curiosité est plus forte que le dégoût dans ton coeur, alors lis et laisse-toi porter par l'histoire d'Eneylinn- Saaria, Prêtresse de Flarmya et de Villám-Árnyék, simple guerrier, lié à un Dragon. Le veux-tu ? Si tu me lis, c'est que tout espoir n'est pas perdu et que tu peux chercher ce que je n'ai pas su trouver, peut-être sauver encore ce qui peut l'être... Je t'en supplie, au nom de ce monde qui est peut-être différent du mien mais héritage, survivance de ce que nous fûmes, nous qui luttions pour sa survie, au nom de celle qui donna sa vie pour que demeure l'espoir, lis-moi; moi qui te parle à travers les âges et ne sois pas étonné de sentir ma présence alentour car spectre je suis devenu à présent- comme tellement d'entre nous- et spectre j'attends depuis des lustres qu'une main se pose sur ces écrits.
*********** Je sortais juste de la salle de réunion secrète pour un rassemblement d'une poignée d'entre nous qui avait été un triste point d'orgue à la résolution de notre petit groupe, mes frères pondérés et sensés, opposés à la déraison de la majorité des Valherus, ayant décidé d'abandonner tout espoir de les raisonner, en trop petit nombre devant la montée du délire collectif et de se réfugier en différents points du Rhaëg dans l'hypothétique espérance d'y semer une survivance de ce que nous étions. Je n'étais qu'un simple guerrier mais voir les plus avisés, les plus sages, les plus lettrés et philosophes se résigner m'avait choqué. Peu d'entre eux avaient suggéré de ne pas abandonner encore, de ne pas baisser les bras mais leur voix avait été faible face à la peur bien légitime des coeurs bons dont les rangs se voyaient chaque jour décimés par les assassinats perpétrés par les plus sanguinaires des nôtres. Des nôtres ? Pouvait-on ainsi les qualifier, ces êtres abjectes qui se vautraient depuis des générations dans la luxure et l'esclavagisme, s'érigeant à présent en Dieux vivants contre la volonté desquels nul ne devait se dresser, pas mêmes les Dieux ?
Je ne me reconnaissais aucun parenté même éloignée avec ces êtres abjectes même si beaucoup étaient de plus haute lignée que moi. J'étais né dans la barrière de Nightfall, fils de Valhéru de petite lignée. J'avais grandi dans les cimes enneigées, appris à nager dans les chutes, couru la Sylve. Ce continent, la Terre de l'Aube, terre des Dragons coulait dans mon sang aussi vrai que la sève coule dans le jeune sapin qui borde la forêt. J'aimais ma terre, j'honorais mes Dieux, mon âme soeur était leur plus beau témoignage de la confiance qu'ils mettaient en moi et me dresser contre eux aurait signifié pour moi renier une moitié de moi-même... Kalanyth … Dragon brun, bien modeste parmi les empereurs noirs et le élégantes petites blanches. Ses couleurs se fondaient aux tons de l'automne et j'affectionnais sa voix un peu cassée qui chantait des complaintes étranges. Moins fort que ses frères mais tellement vaillant.
Aux premières heures des batailles fratricides, sa bravoure m'avait plusieurs fois sauvé la mise. Mes parents furent au nombre des premières victimes. Un Valheru guérisseur qui parlait aux animaux et une petite magicienne esclave, quel couple illicite dans le monde dominateur des Grands Valhérus. Leur mort scella définitivement ma volonté de ne pas plier au vent de folie qui soufflait sur notre monde. Si aimer devait être soumis à quelque loi et illicite alors ceux qui avaient promulgué cette loi ne pouvaient avoir mon allégeance. Je me mis à haïr les miens, me retirant des grandes cités qu'ils avaient construites et vivant avec mon lié de chasse et de cueillette. Pourtant de nobles voix s'élevaient encore souvent réduites au silence par la lame meurtrière des assassins et Kalanyth vivait l'extinction de ses frères , leur agonie suite au meurtre de leur Lié comme autant de petites morts. Il ne disait rien, ne me reprochait rien mais cela me minait de le voir, de l'entendre entonner plusieurs fois par jour le chant d'adieu. Je me vis bientôt comme un lâche face à ce fratricide qui durait depuis des années et un matin je m'envolai pour prêter ma lame à la poignée de Valherus sensés qui se dressait encore contre la folie presque généralisée. Je ne dégainais jamais mon glaive qu'à contre coeur contre des êtres qui partageaient une communauté de sang avec moi mais affichaient une telle divergence d'aspiration, qu'il me fallait bien défendre les vies de ceux avec lesquels j'étais en accord. Nos forces s'amenuisaient au fil des saisons bien qu'il sembla que cette guerre civile ne devait jamais prendre fin.
C'est donc à l'issue de cette dernière réunion durant laquelle quelques uns seulement avaient manifesté leur volonté toujours vive de faire rempart à cette folie – un jeune mage, notamment, pondéré et aux propos pleins de sagesse – et n'avaient pas réussi à convaincre les autres à ne pas renoncer, que je la rencontrai ou plutôt que je la heurtai alors que je sortais de la taverne qui nous servait de quartier général . Elle semblait perdue, affolée serrant contre elle un objet enveloppé dans un châle en soie. Elle poussa un cri en se reculant après avoir percuté mon torse de plein fouet et tomba sur les fesses son paquet toujours contre elle. Lorsque nos yeux se croisèrent alors que je l'aidai à se relever je sentis que cette rencontre était guidée par quelque chose qui nous dépassait tous deux. Elle balbutia quelques mots incompréhensibles et à peine avais-je eu le temps de m'excuser que trois silhouettes sortaient de l'ombre et fondaient sur nous lame au clair. Je dégainais promptement en appelant Kalanyth à la rescousse et comprit rapidement que ma personne intéressait peu les agresseurs."
*************
Nous avons fuit sur mon brave Kala après que j'eus mis hors combat deux des agresseurs. Je ne savais pas qui elle était, ni même pourquoi ces hommes lui en voulaient mais je savais voir quand un combat était déséquilibré ou déloyal et il m'avait toujours paru lâche de s'en prendre à plusieurs à un seul individu, a fortiori une femme qui semblait sans défense. Je n'avais donc pas réfléchi lorsque je la hissais sur mon Lié, lui demandant de nous emmener loin. Consciemment ou pas, il choisit les hauteurs de Nightfall et la modeste demeure de mes défunts parents. Nous y restâmes plusieurs jours, cachés sans sortir. Plusieurs fois, elle tenta de me fausser compagnie mais chaque fois Kalanyith la rattrapait et la ramenait, fulminante boudeuse, en rage.
Elle nous maudissait, affirmant que par notre bêtise nous mettions Rhaëg en son entier en grand péril mais je ne pouvais la laisser partir. Les informations que percevait mon brun n'étaient que trop alarmantes. Des dragons et leurs Liés patrouillaient par dizaines à la recherche d'une "voleuse de relique sacrée" qui avait souillé l'honneur de Flarmya. Je pensais avoir trouvé celle dont la tête était mise à prix et mon honneur me criait de la remettre aux autorités alors que mon coeur me soufflait déjà tout autre chose. D'autre part, je n'avais aucune confiance dans les "autorités " en place, les capitaines de garde étaient tous compromis et à la solde des ambitieux Valherus qui commençaient à jeter à bas les symboles de notre panthéon.
Pourquoi leur livrerai-je une voleuse qui avait dérobé un objet sacré afférant à ce qu'ils voulaient détruire ? D'ailleurs, pourquoi, si leurs intentions étaient si honnêtes, ne pas avoir envoyé la garde pour l''intercepter aux portes du temple plutôt que ces sbires masqués ? Tout cela me faisait penser que l'histoire n'était pas si simple qu'il pouvait y paraître. De là à la cacher et à l'aider, il y avait un pas que mon éducation rigoureuse et droite ne pouvait accepter. Alors qu'elle en était à sa dernière tentative lors de laquelle mon âme soeur la cueillit en train de traverser la Sylve de Norui en direction du Lac immortel, j'entrai dans une violente colère, une colère telle que je faillis la gifler. Ce fut la première et dernière fois que j'en éprouvai l'envie à son égard et à l'heure où j'écris ces lignes je le regrette encore amèrement. Je lui arrachai de force le paquet qu'elle ne quittait jamais, le serrant contre elle même lorsqu'elle dormait, d'un oeil seulement, comme j'avais eu l'occasion de m'en apercevoir en voulant le lui dérober pendant son sommeil.
Elle finit par m'avouer qu'elle était une prêtresse de Flarmya et qu'elle devait partir sans délai sans quoi un grand malheur s'abattrait sur le futur si l'objet tombait entre de mauvaises mains. Elle me supplia à genoux et en pleurs de le lui rendre et de la laisser aller vers son destin. Perplexe, je refusai sans avoir plus de précisions sur ce qu'elle commençait à peine à me dévoiler, arguant de ce que la rumeur des Liés laissait peser sur elle, voleuse, fugitive, recherchée pour un sacrilège gravissime. Au pied du mur, elle me conta alors la mission dont elle avait été chargée et me montra la bague, sceau que la Déesse en personne lui avait confié.
A travers son récit et ses yeux voilés de larmes, je voyais révélée toute la noblesse d'une âme que j'avais déjà soupçonnée en l'observant à la dérobée. Rien dans sa façon d'être n'était le reflet d'une âme cupide ou avide de pouvoir ou de richesse. Lorsqu'elle me supplia une dernière fois de la laisser partir avec son précieux leg, je crois que c'est à ce moment là que je commençais à prendre conscience vraiment de ce qui m'avait retenu depuis le début de la livrer. Je refoulai au fond de mon coeur cette révélation et arguai de mon honneur, de ma droiture et de mes convictions pour lui offrir mon aide. Troublée de ma proposition, elle me sonda un instant qui me parut une éternité et devant les arguments que j'avançai presque timidement , un peu honteux, elle convint que si je l'avais tirée des griffes de ses poursuivants, hébergée chez moi et cachée malgré ce que mon lié m'avait rapporté, c'est que je croyais en sa "mission" et en sa foncière honnêteté. *************
Nous partîmes en pleine nuit, espérant sans doute notre envol moins visible, moins détectable mais il était illusoire d'espérer échapper à une escouade de dragons et leurs liés quadrillant le ciel à notre recherche. Nous nous enfonçâmes toutefois dans la Sylve sans trop de mal et y progressâmes assez vite. Je la connaissais comme ma poche pour y avoir chassé depuis mon adolescence. A couvert des arbres nous étions relativement à l'abri . Nous traversâmes les clairières et les buissons à marche forcée et nous n'interrompîmes notre progression qu'à la tombée de la nuit pour monter un bivouac sommaire. Je ne sais comment cela arriva, ni pourquoi Flarmya le permit mais lors de cette nuit froide et humide sous les frondaisons, alors qu'elle frissonnait je refermai mes bras sur elle et dans la chaleur de nos capes nous nous unîmes. Ce devait être notre première et dernière nuit ...
Le lendemain, l'aube nous cueillit enlacés mais la réalité nous rattrapa bien vite. Nous nous remîmes en route et arrivâmes bientôt à l'orée de la Sylve face à laquelle miroitait au bout d'une vaste plaine parsemée d'arbres le Lac Immortel. C'est à ce moment là que des battements d'ailes déchirèrent le ciel au dessus de la Sylve. Je demandai alors à Kala de reprendre sa forme première et échangeai un regard avec elle. Elle comprit sans que j'eus à parler et se mit à courir à travers le pré, serrant son précieux trésor contre elle tandis que je sautait sur mon lié pour m'interposer. Nous prîmes notre envol au dessus de la forêt où cinq dragons vinrent à notre contact.
Le combat s'engagea, féroce et d'une violence rare. Le but de ces chevaliers impossibles à identifier car masqués, n'était pas de nous capturer vivants. Je jetais fréquemment des regards en arrière pour tenter d'apercevoir Eneylinn. Cela me valut quelques coups reçu alors que je baissais ma garde mais Kala compensait ma préoccupation par sa bravoure face à la vindicte de deux petits blancs, d'une verte, d'un brun et d'un bronze plus grand que lui. Alors que je voyais celle que je protégeais arriver à mi chemin du but près d'un bosquet, un des blancs et son lié ainsi que le bronze étaient déjà en pitoyable état. Kalanyth souffrait lui aussi de multiples blessures mais, féru de chasse au dessus de la Sylve , il savait à merveille préserver l'intégrité de ses ailes des attaques et des meurtrissures occasionnées par les branches d'arbres. Nos deux adversaires n'avaient pas eu ce bonheur et tandis que l'un partait en vrille, une aile complètement déchirée, l'autre se débattait, aux prises avec un lierre grimpant qu'il avait croisé en survolant un vieux chêne de trop près. Restaient les trois autres, plus coriaces, le blanc et la verte attaquant de concert et le bronze représentant un adversaire puissant. J'étais pourtant confiant car il me semblait que j'arrivais à les contenir mais mon Lié et moi-même commencions à nous affaiblir.
Alors que je faisais face aux rudes attaques du bronze sur lequel était certainement juché un tohril tant la force de ses coups rayonnait dans mon bras lorsque je parais, les deux petits dragons se désengagèrent de la lutte. Mon étonnement fut de courte durée. Nous fûmes assaillis par un empereur noir qui arrivait par l'arrière. Je compris que le combat prenait une autre tournure ... J'allais mourir... je me refusais à laisser le champ libre et à les laisser passer. Alors que Kala, très habilement, se glissait sur le dos sous le grand dragon de nuit et plantait ses griffes sous le poitrail du noir, lui arrachant des cris de douleur et m'offrant une vue tête à l'envers, je vis le pré vide. Ma tendre prêtresse avait disparu ... Mais de curieux remous agitaient le lac sacré, comme si les eaux venaient de se refermer. J'aperçus les deux petits dragon, le vert et le blanc qui tournoyaient à la surface du lac. Mon lié exultait. "Elle a réussi, elle est passé sous les eaux, le sceptre est en sécurité... et elle aussi tant qu'elle reste dans la caverne"...
************* La suite, je n'ai fais que l'imaginer en pleurant, les longs soirs et les longues nuits ou je ne serrais que du vide de mes bras . Eneylinn avait couru, éperdue, à travers le pré, perdant son voile de prêtresse dans sa course folle. Elle serrait très fort contre elle le Sceptre précieux lorsque le dragon vert et le blanc la rattrapèrent. Ce dernier la fit tomber en lacérant ses frêles épaules. Elle chut face contre terre et sentit le talisman protecteur se briser en quatre morceaux sous son ventre. Ses mains fiévreuses essayèrent de rassembler les fragments dans un pan de sa robe. Elle s'était agenouillée fouillant avec angoisse les touffes d'herbe mais le vert avait fondu sur elle à son tour et l'avait fait rouler sur la berge du lac. En larmes elle avait invoqué Flarmya avant que les flammes ne viennent lécher ses cheveux. Les eaux s'étaient ouvertes et refermées derrière elle sitôt qu'elle était entrée dans le couloir luminescent. Arrivée dans la grotte, elle vit le dragon quadricéphale et présenta devant lui le sceptre incomplet. Une niche s'ouvrit doucement sous le cou de pierre et elle y déposa les morceaux. La petite paroi minérale se referma aussitôt avec un bruit sec. Elle n'avait plus rien à faire ici.
Il lui fallait ressortir pour mettre la main sur le morceau manquant et le mettre à l'abri avec les autres parties. Elle avait failli à sa mission et brisé ce trésor sacré que lui avait confié sa Déesse mais si elle retrouvait le quatrième fragment, le mal serait moindre. La magie n'avait pas déserté l'artéfact malgré qu'il fut brisé. Elle pourrait rouvrir les eaux et la niche avec si elle le retrouvait. Elle soupira longuement, il lui fallait affronter à nouveau les tueurs qui les traquaient elle et Villàm. Son Villàm... Pourvu qu'ils soit sorti victorieux de leurs griffes. Elle s'avança vers l'affleurement d'eau dans la grotte et l'eau s'écarta à nouveau. Sur la berge ses bourreaux l'attendaient en arpentant l'herbe d'un pas rageur. Ils l'attrapèrent aussitôt et la trainèrent sur le sol en la sommant de leur donner ce qu'elle avait. Elle dit qu'elle avait eu peur et l'avait perdu dans les eaux profondes du lac. Ils ne la crurent pas et commencèrent à la malmener, à la gifler mais ils ne voulaient pas encore la tuer. Il fallait qu'elle parle. Ils la laissèrent s'enfuir pour mieux lancer leurs dragons à sa poursuite. Ils voulaient la terroriser pour qu'elle les supplie d'arrêter et qu'elle parle enfin mais elle ne parla pas...
Nous avions enfin réglé leur compte à nos attaquants Kalanyth et moi. Nous nous élançâmes au devant des dragons qui tournoyaient au dessus de la prairie. Mon lié était plus grand que les deux petits mais très affaibli.Pourtant il se battit avec rage , jetant ses dernières forces dans la bataille, certainement galvanisé par ma colère et ma détresse de voir celle que j'aimais en péril.
Eneylinn était allongée sur le dos, une main appuyant contre son flanc lacéré, le souffle court et le regard fiévreux lorsque j'arrivai auprès d'elle. Je m'agenouillai éperdu voulant la serrer dans mes bras mais elle retint mon geste. Sa voix faible avait du mal à se faire entendre dans le râle d'agonie des dragons. Elle passa doucement son bras autour de mon cou pour m'obliger à pencher mon oreille sur ses mots.
" J'ai échoué, je n'ai pu mette le spectre en lieu sûr en son entier car lors de ma course, il m'a échappé et s'est brisé en quatre morceaux , mon valeureux chevalier. J'ai pleuré mais Flarmya dans sa grande bonté m'est apparue et m'a dit que ce n'était pas grave , que tout n'était pas perdu et que tant que les quatre morceaux demeuraient en un même endroit ils suffirait de les assembler pour contrer la malédiction puisqu'elle a doté chaque morceau d'un aura particulier. Notre puissant Mar, le Màr Dinèn, va sombrer dans l'oubli, ainsi est écrit l'avenir lointain qu'a vu Flarmya et ainsi en décideront les Dieux dans un avenir lointain. Le péril premier concerne les Valherus qui périront tous . Ainsi en ont décidé les Dieux courroucés par la démesure de nos frères mais ma Déesse, mère des Dragons, dans son infinie sagesse va donner une autre chance aux mortels. Trois autres Kaerls émergeront pour réparer le mal d'un seul. En chaque morceau du sceptre est recueilli l'essence de chacun , mais les quatre doivent être réunis pour inverser le cours de la malédiction. "
Je voulus l'interrompre et la forcer à se reposer mais elle posa sa douce main sur mes lèvres et continua, le souffle haletant. " Je n'ai plus le temps de me reposer .. j'ai failli Villam ... Dans sa chute un morceau du sceptre a disparu ... j'ai ramassé les trois autres pour empêcher que le tout ne tombe en leurs mains néfastes mais sans le quatrième, les vivants des temps futurs ne pourront empêcher la catastrophe ... Promets-moi, ... tu dois le retrouver et par n'importe quel moyen, le joindre aux autres morceaux ... "
Je ne comprenais rien... Les larmes brouillaient ma vue tandis que je bredouillais " j'ai besoin de toi .. seul , je n'y arriverai pas ... Elle répondit d'une voix si faible" "Ecoute-moi, tu comprendras en voyant ... Une fois que tu auras replacé le morceau manquant , tu devras enlever les yeux et les cacher ... De façon à ce que seuls les plus braves, guidés par Flarmya , les retrouvent Qu'ils restent sur leur support et de mauvaises mains pourront avoir accès au sceptre et ruiner son effet protecteur... Promets-moi, promets- moi ... que tu le feras ... à ma place ... pour tous ceux qui viendront , pour moi ... pour Rhaëg , pour Flarmya ..."
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