[RP Flashback] Guerre et sang

Une brise fraîche balayait les cimes des arbres de la Sylve, dormante et paisible, en cette nuit guère étoilée. Le ciel était couvert d'un bien étrange voile nuageux, ni trop fin, ni trop épais. Au sein de la végétation forestière, un ou deux oiseaux nocturnes passaient silencieusement à travers les branches, emportant leur proie malheureuses entre leurs serres. Quelques craquements ici et là étaient les seuls sons prouvant l'existence de la vie encore présente sous les frondaisons. Et puis, tout redevenait calme. Tout paraissait serein au sein de la Sylve. Pourtant, la mort ne rôdait jamais bien loin et se donnait par d'autres créatures que les prédateurs locaux. La mort attendait encore son dû, son lot d'âme à emporter vers Flarmya. Car au-delà de la Sylve, plus loin de ces lieux, la guerre faisait rage depuis un long moment, opposant dragon contre dragon, hommes contre hommes. Mais les animaux de la Sylve étaient au dessus de cela.

Dans le silence tout relatif de la Sylve, un petit rossignol tenta un début de chanson mélodieux, avant de se taire aussitôt qu'il avait commencé. Quelque chose de massif avait fait bondir son petit coeur presque en dehors de sa poitrine emplumée. Une ombre ailé planait et cherchait un coin où se poser. Elle la trouva et se glissa à reculons sous les feuillages des arbres. Il paraissait guetter quelque chose.

Ce qu'il guettait ne  tarda pas à faire son apparition. Une nouvelle ombre ailé surgit du néant, sortant de l'Interstice. Sentant une présence familière, l'apparition vira sur l'aile et alla vite se poser, pour rejoindre le premier arrivé.

°Tu en as mis du temps ! °
°La patrouille a été plus longue que prévu. On fait ce qu'on peut°
°Avez-vous découvert quelque chose ? °
°Rien dans notre secteur. Je présume que c'est pareil pour vous ? °
°Oui. Je trouve cela guère rassurant. °
°Un peu de répit ne nous fera pas de mal. Tant mieux si ces foutus Ardents se retrouvent plus loin qu'espéré ! °

Les deux créatures dissimulés sous les grands arbres sylviens étaient un Brun et un jeune bronze. Ils portaient chacun sur leur dos leur lié respectifs, vêtus non pour voler mais pour guerroyer. Leurs dragons parlaient entre eux, transmettaient les réponses à leur âme soeur, pour éviter que l'ennemi entende des sons, s'il venait à passer par là. Non pas qu'ils étaient invisibles, mais ils devaient garder la plus grande des discrétions.

Ces deux Célestes étaient en patrouille, cherchant d'éventuelles forces ardentes en mouvements au frontière du Kaerl. Cela n'avait rien donné et Altahir n'aimait pas cela. Déjà qu'il n'aimait pas cette guerre...

°Hé, tu n'es pas tout seul, si tu commences à redouter pour ta vie. °
°Oui, je sais, mais ce n'est pas le fait d'être seul ou en duo qui me perturbe. J'aime pas cette atmosphère°
°Personne n'aime la lourdeur de la guerre. Même Arloth et Rabar me le souffle. En tout cas, quand on aura fini la patrouille.. je sais que vous irez à une taverne céleste pour boire longuement°
°On y est pas encore....°

En parlant d'Arloth, il tourna la tête vers son ami, qui regardait les cieux, malgré le feuillage et la nuit qui obscurissait tout. Puis Arloth adressa un signe à Altahir, comme pour dire que tout allait bien.

°Allez, encore un brin de moment à attendre et on reprend la patrouille au prochain point. °

La guerre n’était plus à leur avantage, les morts s’étaient accumulés, les effectifs s’étaient réduits comme peau de chagrin. Les Chevaliers, Maîtres et Dragons rendant gorge dans des champs de bataille calcinés et à la terre rendue noire tant elle était gorgée de sang.
La furie des Liés privés de leur moitié d’âme, ces visages consumés par la haine pure, le fracas des armes…

Si le Màr Tàralöm n’était pas en position si diminuée et proche de l’extermination, Yong’Wu aurait apprécié cette période. Nushi quant-à lui ne connaissait pratiquement que celle-ci, né à peine deux ans avant le début de ‘La Grande guerre’ et malgré sa mémoire ancestrale, celui-ci n’avait vécu que la guerre. Il avait terminé sa croissance avant d’être jeté dans le creuset de la mort comme tout le monde, bien des cicatrices zébraient ses écailles d’un blanc pur et mât, griffes, dents, lames, flammes, il avait vécu tout cela et on le ressentait vivement dans son tempérament devenu si sombre et violent.
Le Blanc était pratiquement dans un état de violence constante, bien loin étaient les yeux opalescents de la tranquillité ou verts de l’amusement.

Ils n’étaient que rouges, éternellement rouges, du réveil au coucher. Cela se transmettait aussi par le biais du Don bien que Yong’Wu soit devenu d’un calme presque malaisant, à l’intérieur de sa poitrine battaient les flammes de la fureur plutôt que du sang. Arrachant vies après vies, sa peau s’ouvrant sur les veines et les os, il avait regardé la mort en face plus d’une fois et lui avait craché au visage. La guerre pouvait rendre les hommes fous et bientôt dix ans de guerre avaient prélevé leur dû :

Sa cruauté avait atteint des sommets, ses mains ne servaient plus qu’à apporter la mort depuis si longtemps maintenant…
Tant de têtes coupées ramenées fièrement au campement et les levant devant les troupes pour prouver sa valeur et motiver la soldatesque du Kaerl. Ils en avaient tout deux presque oublié la beauté de la vie, la paix de l’existence, tout n’était plus que mort et violence, sang et os brisés. Par moments cependant, dans l’intimité de sa tente son corps était pris de tremblements, se couvrant d’une sueur froide et ses poumons cherchant avidement à aspirer de l’air. Des larmes coulaient sans qu’il ne sache pourquoi, et il fixait ses mains, sursautant au moindre bruit le coeur battant à tout rompre tandis que tout pouvait passer pour une agression.

Mais fort heureusement ces instants étaient rares et personne, tout du moins à ce qu’il en savait, n’en avait été témoin. Le Dragon le guidait, dans ces moments de violence psychologique, grâce au savoir de ses ancêtres, le ramenant vers la paix et l’affûtant pour la prochaine bataille. Est-ce que tout les soldats vivaient ce genre d’instants ?
Il en revint au présent, serrant les lèvres et remettant son regard dans les cieux tandis que le Dragon fouillait le sol des siens. Sa robe Blanche lui permettant une discrétion presque parfaite dans la voûte céleste et seule l’Aube pouvait réellement révéler sa présence à un œil aiguisé. Leurs ordres étaient clairs : Trouver des ennemis, les tuer si possible mais dans le cas contraire rentrer dans les pics des cendres pour avertir l’état-major de leur présence.

Salvedaen ‘le Cornu’ n’était pas connu pour son sens tactique aiguisé, simplement pour ses prouesses martiales et pour avoir été l’imbécile à les lancer dans ce meurtre de masse organisé. Le Kaerl Ardent perdait, perdait ardemment dans les cieux comme au sol, tant de morts…
Le Dragon grogna dans l’esprit du Zenghwei.

°Plus bas, du mouvement. Aucune idée de leur allégeance.°
Le bipède sera la main sur le manche de sa masse d’armes, son armure de plaques n’avait plus le faste du début de la guerre : couverte d’éraflures, terne et dotée de quelques taches de sang séché. La masse d’arme quant-à elle avait à son pommeau des mèches de cheveux de diverses couleurs, toutes celles récoltées sur les têtes de ceux qu’il avait tués.

°Nous ne pouvons pas rentrer avant d’avoir une certitude. En avant Nushi, dans le pire des cas nous laisserons leurs cadavres ici.°
Parler d’échec ? Jamais, non au grand jamais ils ne parlaient d’échec. Tout ce qui comptait était d’évider le prochaine Céleste ou Neutre qui croisait leur route et ils étaient certains de l’emporter. Filant vers le sol tel un oiseau de proie les yeux du Blanc brillaient d’un rouge vif tandis que ses lèvres s’étaient retroussées pour dévoiler ses crocs. Le tabard ocre du verseur de sang flottait alors qu’il était presque couché sur le cou du dragon pour n’opposer aucune résistance à l’air.

°Célestes!°

Et le sourire de Yong’Wu en devint un de fou sanguinaire, celui d’un prédateur, d’un carnassier devant sa proie. Tuer, encore et encore ! Jusqu’à ce que le monde se noie dans le sang ! Le Blanc fondit sur le jeune Bronze, plantant ses dents dans le cou de celui-ci alors que ses griffes labouraient ses écailles, le Zenghwei avait l’arme à la main et se tenait prêt à protéger son Lié car après tout… ils étaient en infériorité numérique ici et seule la folie meurtrière leur avaient fait prendre une décision aussi agressive et folle.

Et les deux Célestes n'eurent pas longtemps à attendre. Arloth tourna la tête en même temps que Rabar, cernant les cieux de son regard inquisiteur. Bien que ces deux là étaient ''jeunes'' encore, la guerre avait poussé le Don à une telle unité qu'ils agissaient de concert, comme si un seul esprit guidait les deux corps.

°Un dragon approche !°

Altahir était déjà dépité de l'information reçue. Le venu était-il Céleste, Neutre ou Ardent ? Il était difficile de le dire et donc, cela impliquait de quitter le couvert des bois pour aller s'assurer de l'identité du venu. Car un dragon n'était jamais seul. Il avait un chevalier ou maître sur le sommet de ses épaules. Si c'était un Ardent, les deux Célestes devront lui barrer la route et l'occire. Ainsi était la guerre, sans pitié et qui réclamait son lot de sang.

Rabar fut le premier à bondir, les muscles tendus. Il sortit des frondaisons, déploya ses ailes et prit son envol avec puissance. Jeune bronze de son état, il était déjà marqué par quelques cicatrices hérités de précédent combat. Norloth ne tarda pas à suivre. Altahir était déjà crispé et son épée prête à être sortie en cas d'identification Ardente.

°Rabar a pris de l'avance ! °
°Dis lui de nous attendre !°
°C'est déjà fait ! °
°Diantre ! Un blanc... Un Ardent ! °

L'armure qui se distinguait guère au vue de la distance qui les séparait n'était pas céleste, ca c'était certain, car chaque Kaerl avait plus ou moins un standard d'armure qui lui était propre. Après, chaque céleste l'adaptait ou s'en faisait faire une à ses souhaits, à condition d'en avoir les moyens. Altahir avait la sienne, mixant plaques et cottes de mailles pour assurer plus de souplesse et de légèreté. Car le dragon devait porter tout le poids...

Rabar qui s'était envolé en premier, et malgré sa taille, ce sut l'ennemi blanc qui prit l'avantage, en fondant directement sur lui, tel un aigle affamé d'occire sa proie. Le jeune Bronze poussa un cri de douleur et de rage quand des crocs s'enfoncèrent dans son cou et des griffes labouraient ses écailles. Il n'en démordait pas face à l'offensive, usant de ses griffes contre le Blanc Ardent. Arloth n'était pas sans reste. Combattre à dos de dragon était une discipline qui demandait beaucoup de maîtrise. Il avait sorti sa lame, cherchant à taillader le cuir allaire du blanc. Il devait défendre son lié, mais aussi attaquer l'ennemi.

Norloth ne fut pas sans reste. Battant furieusement des ailes, il fondit sur le petit blanc, bien décidé à asséner un coup de queue pour faire choir le bipède que portait le dragon ardent. Après, il virera sur l'aile pour le prendre à revers....

Le blanc poussa un grognement de basse tandis qu’un chevalier tentait d’entamer ses écailles. Les griffes du bronze lui ouvrirent une entaille profonde dans l’abdomen et il lâcha prise, poussant sur ses pattes, tandis que ses crocs décrochaient des écailles, les grandes ailes du Dragon le propulsèrent en arrière et sa gueule s’ouvrit pour cracher des flammes.
Tuer, tuer tuer ! Il devait tuer ! C’était là toute sa vie. Yong’Wu rangea la masse d’armes à son côté et se saisit de la hampe d’une lance qui était accrochée à son harnais de vol, le combat aurait lieu dans les airs, il était donc inutile d’utiliser une arme courte. Il leur montrerait à ces célestes ! Il rapporterait leurs têtes aux pics des cendres et tannerait le cuir de leurs visages pour en faire une tapisserie à ses exploits.

°l’autre ne devrait pas tarder, passe par l’interstice au dernier instant. On va leur montrer qui sont les vrais tueurs à ces nettoyeurs de latrines !°
Le blanc reprit les cieux et reparti en piquet, les plaies sur son corps se refermant petit à petit grâce à l’incroyable physionomie draconique, le sang aurait fini de couler d’ici une bonne dizaine de minutes et puis après tout… La douleur recelait une incroyable force de motivation, ils avaient osé lui entailler la chair, percer son corps magnifique. Ils devaient mourir, tout les quatres ! Nul n’en réchapperait ! Le coup de queue du Brun arriva donc et le blanc disparut dans un mouvement d’air sourd.

Pour ressortir de l’autre côté, ses mâchoires claquant proches du chevalier juché sur le cou du Brun. Un raté certes mais qui montrait une fois pour toute la supériorité des Blancs sur le domaine de l’interstice et ses utilisations dans le domaine de la guerre. Ils avaient beau être en supériorité numérique, ceux-ci devaient prendre garde à chaque angles mort car le Dragon pouvait en surgir pour mettre fin à leurs vies à l’aide de crocs, de griffes et de flammes. La queue du blanc fila comme un serpent, aidant à ses manœuvres aériennes alors que toutes griffes sorties il s’apprêtait à repartir à l’attaque. Lance calée dans ses deux mains, le Zenghwei tenta une attaque sur le Chevalier Brun avant de ramener l’arme près de lui. La voix puissante, dégoulinante d’agressivité et dans les basses claqua néanmoins dans les airs.

« Alcar Màr Tàralöm ! » Gloire au Kaerl Ardent!
Il sentait son coeur battre de plus en plus vite, l’adrénaline le charger de plus en plus, ses yeux s’injecter de sang sous l’excitation de la bataille. Là où la partie calme de son esprit lui hurlait de rentrer de ce pas au camp pour avertir des positions ennemies, la colère et la rage étouffaient son côté rationnel ainsi que celui du saurien : ils avaient tout deux besoin de sang, d’exterminer. Par pur délire sadique ? Par pur besoin de destruction ? Oui et non.
Le oui était simplement que dix ans de guerres portaient un poids certain sur l’esprit de tout homme ou dragon qui y participait.

Le non était plus profond, plus enfoui…
En éliminant le plus de monde possible, il empêchait que ceux-ci s’en prennent ;certes à son kaerl ; mais surtout à celle qui avait fait battre son coeur pour la première fois de sa vie. Ils n’auraient pas sa vie, ils ne lui feraient aucun mal, de cela il voulait s’en assurer même s’il ne l’admettrait jamais. Elle était son idéal, son monde, celle pour qui il affronterait un Kaerl entier seul. Mais le dire ? L’avouer ? Jamais ! La lance piqua à nouveau vers le chevalier Bronze tandis que le Blanc prenait un tournant serré pour tenter de s’attaquer aux ailes du plus jeune des sauriens. En éliminant celui-ci, s’en prendre au Chevalier et à son Brun qui étaient plus expérimentés se révélerait bien plus aisé que de se retrouver entre quatre ennemis. Toujours s’en prendre au plus faible, toujours éliminer le vilain petit canard avant d’attaquer la mère.
Et à nouveau, ce bruit d’air sourd, ils disparurent de vue.
Pour surgir sous le bronze tandis que la tête de la lance, spécialement conçue à cet effet ; car dans une guerre entre Kaerl les armes n’étaient pas pour le commun des mortels ; passait entre deux écailles pour entailler l’enfant de Flarmya en son flanc.

a queue de Norloth frappa du vide, pendant que le Bronze battait des ailes pour reculer. L’instant d’après, presque le temps d’une inspiration, le Blanc apparut non loin d’Artane qui écarquilla les yeux quand les crocs claquèrent sèchement à quelques centimètres de sa tête. Une sueur froide coula alors le long de ses omoplates. Ce démon de blanc avait utilisé avec son lié, de l’interstice pour tenter de l’anéantir. Heureusement qu’il s’en était fallu de peu, par simple chance, mais la peur serrait désormais les tripes d’Artane. L’Ardent était loin d’être un débutant. Et même à deux, avec son ami et son bronze, il ne voyait pas comment réussir à se défaire de ce dangereux chevalier ! Pourtant, il le faudra bien.

Le combat n’était pas terminé ! Loin de là. Norloth eut le réflexe de se laisser tomber pour permettre à Artane de se faire planter par la lance de l’ennemi. Rabar de son côté, remis de ses brefs émotions, étaient encouragé par Arloth à montrer ce que valait la force d’un bronze ! Il tenta de manœuvrer pour affronter le Blanc sous un bon angle d’attaque. Artane arrivait pour le prendre en tenaille.. avant que l’Ardent ne disparaisse une fois encore dans l’Interstice et apparaisse sous le ventre de Rabar !

°Diantre ! Il faut vite l’anéantir ! °

Norloth retint de souffler le feu, voyant son frère dragon prit à mal quand la lance se planter à travers les écailles de son armure d’écaille. Rabar poussa un rugissement de dépit et tenta de se déployer hors de la lance, avant d’être inspiré par Arloth, qui le poussa à attraper la tête du blanc et le contraindre à tourner de la tête sous un angle désagréable. Le but ? Le retenir pour pas qu’il rebondisse encore dans le néant de l’interstice et laisser ainsi un peu de manœuvre d’attaque à Norloth et Artane.

La maneouvre entreprise par le Céleste Brun était risqué. Mais Artane ne voulait pas courir le risque de voir le Blanc fondre sur eux par une parfaire maîtrise de l'interstice. Profitant que Rabar tenait un Blanc pousser à la folie du combat et qui réclamait son sang, Artane montra mentalement le chemin à prendre, pendant qu’il se détachait de son harnais de vol. Norloth arriva sur le blanc, virant d’un coup pour ne pas percuter le blanc et dans la foulée, éviter de percuter le jeune bronze. Artane sauta et atterrit sur le dos immaculé du dragon blanc ennemi. Il glissa sur les écailles lisses de celui-ci, avant de se rattraper aux épines osseuses du dragon ardent.

Artane savait qu’il jouait de folie dans cette entreprise. Attrapant son épée, pendant que Rabar plantait ses crocs dans le coup solide du Blanc, Artane darda un regard froid sur l’Ardent. Ah, il voulait du combat, il allait être servi et rapidement….Il commença à se rapprocher de l'Ardent....