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 [RP] Triade pour une Trinité

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Rūna Sălv
Maitre Dragon
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Rūna Sălv


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Âme-Soeur : L'Incarnate Sărzeghnet
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MessageSujet: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeDim 3 Jan 2021 - 21:16

* Zakerielku 919, quatrième jour


Une implacable nuit dévora l'aveuglante clarté du jour avec le féroce appétit d'une strige avide autant de chair que de Lumière.

[RP] Triade pour une Trinité Interstice1

Les dents acérées, invisibles, de cet immense python de ténèbres se firent doigts d'ombres évanescentes le long de la peau et des écailles des trois Soeurs, serres immenses de chimères et effroyables harpies avides de lacérer âmes et viscères pour combler l'insubstantiel vide de leur existence dans ce royaume de Néant. Ici, dans les affres de cet Au-delà où furent jetés les parias d'Isashani, régnait la cruelle monarchie d'une Chasse éternelle qui ne laissait aucune place à la pitié. Les damnés se tenaient éternellement prêts à poursuivre les vivants qui osaient braver les frontières de leur royaume, tapis là dans les miasmes des recoins les plus sombres de cet enfer duquel même les Dieux les plus terribles détournaient le regard. L'Interstice était une épaisse forêt boisée d'épouvantails prédateurs, les pires souillures des Limbes.    
La gueule béante de l'Interstice avala alors ainsi ces trois offrandes avec voracité et claqua son impitoyable mâchoire avant de disparaître du monde des vivants comme un spectre s'en retournant derrière le Voile, fugacement éclairé par la lueur d'un monde auquel il n'appartenait plus depuis des siècles.

Quelques secondes à peine s'écoulèrent lors de leur passage entre les pans opaques du Temps et de l'Espace, mais ces graines de minutes parurent durer une heure. La flamboyance du duo d'Ardentes mourut pour ne devenir que charbon sur toile d'encre, et même leur étoile toute fraîchement fauchée de la mer stellaire ne sut étinceler entre les flots trop impétueux de ce tunnel fuligineux. Englouties dans les entrailles tortueuses de cette terrible bête, seules quelques timides lueurs métalliques dessinaient les abords de cet antre avec la menace des mains crochues ou de langues serpentines désireuses de goûter leur prochain repas si Sărzeghnet se perdait dans les couloirs du Vide. La Reine, le corps fuselé en ayant plaqué ses pattes le long de son corps, avait replié ses ailes en un bouclier impénétrables pour ces démons insatiables afin de les interdire d'approcher de ses deux cavalières. Le cou étendu de tout son long pour faire de sa gueule massive un bélier à même de pulvériser le plus coriace des pont-levis, elle fendait la plus obscure des nuits avec une effrayante facilité. Ses sens exacerbés ressentaient la moindre caresse de ceux qui se perdirent dans l'Interstice où qui y furent jetés, certaines lui furent parfois douces ou tentatrices mais elle n'y céda pas une seule seconde, en dépit de la savoureuse tentation que les âmes errantes employèrent à verser dans sa bouche. Un sourire imperceptible semblait même étirer ses babines alors qu'une étincelle de défi habillait ses yeux lunaires, une fierté maladive arrimée à ses écailles un instant peintes d'obsidienne qui semblait hurler « Est-ce donc tout ce que vous avez à m'offrir ?! » de tout cet orgueil qui rappelait plus les Reines disparues que les Incarnates.

Rūna, le dos voûté au dessus d'Albiréo, semblait l'envelopper avec autant de hargne qu'un vautour protégeant son oisillon d'autres rapaces. La main droite fermement posée sur l'avant de la tête de sa pupille, faisant légèrement baisser cette dernière comme pour l'empêcher de croiser le regard des damnés qui pourtant demeuraient invisibles à ceux qui ne savaient voir, elle l'enlaça à moitié de son autre bras tout en s'agrippant fermement à l'une des pointes dominantes de sa Liée. Le corps plaqué contre le dos de la neishaane pour tenter de lui éviter de souffrir de la fulminante morsure d'un froid dix fois plus terrible que celui du Vaendark, la fëalocë enfouissait son visage dans le cou épaissi de multiples couches de vêtements d'Albiréo. Saisie par la glaciale atmosphère de l'Interstice, Rūna grelotait mais s'efforçait de luter contre ses propres trémulations en resserrant davantage l'étau de ses cuisses le long des épaules de Sărzeghnet.
Le souffle sans vie du Néant leur fouettait les joues et l'assourdissant bourdonnement de leur gouffre passager tonnait de façon inarticulée à leurs oreilles, mais la variation des ondulations de la dragonne suffisait à leur annoncer que, enfin, elles s'apprêtaient à regagner l'univers des vivants.

[RP] Triade pour une Trinité Interstice2

Devant elles se rouvrit le béant abysse de ce canal des Limbes, comme une paupière dévoilant la nitescence du petit matin à un oeil qui ne connut que sinistres cauchemars toute la nuit durant. A l'image de vampires chassés par l'élévation du soleil à l'aube, les ombres battirent en retraite et périrent à l'éclatant baiser d'un pâle ciel d'hiver. Certaines tentèrent bien de s'échapper de leur purgatoire en s'accrochant çà et là aux pattes ou aux ailes de la Reine Incarnate mais elles furent immédiatement terrassée par la lueur de l'Autre Monde.
Après avoir instinctivement retenu son souffle, comme si les ombres de l'Interstice eurent l'apanage de vagues déterminées à les noyer en leurs bras maléfiques, Rūna prit une grande inspiration de l'air légèrement soufré du Màr Tàralöm. Les yeux, à l'instant plissés, accueillirent avec bonheur et réassurance la lueur piquante du milieu d'une matinée Tol orëanéenne, bien plus douce que celle du Vaendark.

Bien que l'hiver avait pris place sur le continent dissimulé au reste de Rhaëg, il était indéniable que l'air y était bien moins humide et plus doux en dépit de son fond de fraîcheur. A nouveau, la fëalocë récusa un frisson, ravi celui-ci de ne plus voir son corps être soumis à la violence des terres glacées du nord puis de la brutale morsure de l'Interstice. Tandis que Sărzeghnet étendait à nouveau les ailes pour reprendre ses droits en son domaine, Rūna se redressa pour rendre un peu de liberté à sa prise. La Maîtresse Incarnate relâcha ses rênes de fortune pour dégourdir ses mains et ses doigts, permettant enfin à Albiréo de relever la tête et se mouvoir avec plus d'aisance.
Profitant d'un calme presque étourdissant après le blizzard qu'elles franchirent et leur traversée dans les couloirs du Néant, la fëalocë n'eut guère à élever la voix pour se faire entendre tant le vol maîtrisé de Sărzeghnet ne rehaussait pas les murmures du vent contre ses écailles.


« Tout va bien ? Nous sommes arrivées ! Te voilà enfin chez toi... »

Au devant et sous elles s'étendait le Màr Tàralöm dans son entièreté. Sărzeghnet prit le temps de dévoiler la beauté primitive de la cité taillée dans la roche volcanique en zigzagant avec nonchalance entre les colonnes de fumée des cheminées qui s'élevaient d'en dessous. Encerclées par les bords tantôt griffus du volcan dans lequel reposait le Kaerl Ardent, toutes trois purent admirer - l'une pour la première fois, les deux autres pour la centième - l'architecture époustouflante de cette ville unique au monde. Dans les ruelles parfois escarpées ou au coeur des vastes boulevards menant à la grande place du Val où trônait un arbre aux feuilles de cuivre, les bipèdes fourmillaient avec une déconcertante petitesse vus depuis le piédestal céleste du trio. Puis, Albiréo remarquerait les autres dragons, voletant çà et là ou posés à la faveur d'un édifice faisant office de perchoir, chassant peut-être avec malice les différents oiseaux offusqués de se voir ainsi délogés. La plupart d'entre eux furent chassés du sillage de la Reine Incarnate qui ne manquait pas d'entonner un grondement réprobateur à l'encontre de tous ceux qui osaient braver son ciel.
Loin de l'austérité de la Maison de l'Aube et des ténèbres de l'Interstice, la Vie, enfin !
Solyae pointait timidement le bout de ses rayons, lapant au hasard les tuiles ternies de rosée des toits, les chapeaux de souche soufflant arabesques de fumerolles et les façades des échoppes et éminents bâtiments du Kaerl.
Les marteaux des forgerons battaient déjà le fer, les crieurs rapportaient les nouvelles du jour en faisant porter leur voix pour le plaisir des plus matinaux du Màr et le déplaisir de ceux qui cuvaient encore d'une folle nuit. Les auvents déployés des étals du marché dissimulaient bien mal la foule fluide qui s'épandait en bas, et même par delà les toits des maisons se hissaient les douces effluves des fours à pain et des vendeurs d'épices, de parfums, de sel et de thés. Le lointain brouhaha des discussions se mêlait aux rires de quelques enfants courant dans le dédale des venelles, des mélodies purement humaines qui se mélangeaient le plus naturellement aux vrombissements de quelques dragons querelleurs. Plus loin, vers les Dôl Nàrë, chantait un Bronze en l'honneur d'une Blanche rugissante de satisfaction, suivi de l'envol de deux Noirs agacés qui gagnèrent les sommets du volcan après un ou deux feulements. Des sons si primitifs qui pourtant avaient la douceur d'une sérénade aux oreilles des membres du Kaerl.

Le coeur ardent du Kaerl pulsait ainsi, avec ferveur, comme chaque jour. Et Rūna, comme à chaque fois tout en gardant le silence, s'émerveillait de ce Don que lui confia Flarmya. Ce privilège immense d'être ici, d'avoir pu trouver la moitié manquante de son âme et d'allouer cette dernière à lui offrir pareil spectacle aube après aube. Elle n'avait guère honte de repenser aux larmes qui naquirent à la commissure de ses yeux, la première fois, par les ailes d'Estenir. Mais rien ne prévalait cette même émotion lorsqu'elle put assister à cette magnificence à nouveau, cette fois, par celles de sa Liée.
Ce saisissement avait des allures de drogues par l'enivrement de la toute-puissance qu'instaurait le vol à dos de dragon même dans les coeurs les plus purs. Cette sensation avait la lie de l'ambroisie et la tonitruance de la plus vive des jouissances, une euphorie que rien ne savait égaler.
Alors, qu'Albiréo n'ait pas à rougir de la moindre de ses réactions, car le corps tout entier de sa Maîtresse s'emballait lui aussi, encore et toujours, de cette indescriptible extase. En embrassant ainsi le royaume des dragons, qui pouvait se targuer de ne pas s'imaginer à l'image des dieux ?

« Tu vas avoir loisir de tout découvrir, très bientôt. » Annonça la fëalocë qui enlaça légèrement Albiréo par sécurité pendant que, conjointement, Sărzeghnet amorçait son approche du Weyr.

La Reine Incarnate parut humer les vibrations de l'air avant de se poser d'un geste parfait sur le vaste balcon que constituait la demeure de sa bipède, secouant tout de même quelque peu ses cavalières dans sa manœuvre d'atterrissage.
Bien que bénéficiant d'un weyr réservé aux Reines, cette dernière grognait de s'y trouver autant à l'étroit par sa taille atypique. Se renfrognant à peine pour pouvoir traverser le bref couloir qui menait à la grande salle des appartements de sa Soeur et elle, l'Incarnate parvint finalement à s'y coucher pour permettre aux deux bipèdes de poser pied à terre. Rūna fit passer ses deux jambes du même côté avant de se laisser lentement glisser le long de l'épaule de sa Liée, d'un acte sûr et sans erreur. Aux prémices de ses vols, Rūna avait souvent des jambes tremblantes en sans force par l'effort fourni à se maintenir en place, aussi attendit-elle près de Sărzeghnet qu'Albiréo l'ait imitée sans tomber, prête à la réceptionner si nécessaire.

Le weyr s'articulait en une immense pièce principale capable d'accueillir la Reine Incarnate sans trop d'encombre autour de laquelle se greffaient alcôves et salles d'envergure plus modeste. Taillés à même les fondations du volcan au coeur du quel fut construit le Màr, les appartements de la Maîtresse Incarnate avait d'avérés atours d'une loge de sorcière. La roche volcanique noire nervée d'obsidienne était parcourue de tapisseries et lanternes rappelant les riches contrées du Ssyl'Shar, plus que certainement inconnues d'Albiréo. Des vitrines scellées renfermaient divers artefacts sous forme de pierres aux teintes inédites ou de lames venues des tréfonds du passé, des commodes laissaient apparaître des statuettes aux symboles partiellement effacés et les murs s'habillaient de bibliothèques que trop fournies mais extrêmement bien ordonnées. En dépit de la magie menaçante et entêtante qui embaumait l'air, une profonde sécurité s'imposait même dans les entrailles des plus prudents.
Les braséros et l'âtre colossal réchauffaient allègrement la caverne et la lueur chatoyante des flammes dansait avec envoutement le long de la soie des rideaux et des coussins, illuminant la pièce pour la rendre accueillante. Des fragrances orientales se mêlaient à l'odeur de la pierre millénaire par les quelques bâtons d'encens allumés des mains des servantes de la Maîtresse Ardente.
L'endroit était à la fois lourd et chargé d'un passé puissant, et apaisant par sa chaleur et le grand entretien des lieux. Le weyr de Rūna était un refuge idéal, un cocon où se dissimuler dans les jours sombres.

Accusant le contrecoup du froid polaire qui l'enveloppa tout le long de leur périple, la fëalocë prit le temps de se défaire de son caftan puis son capuchon en récusant des vapeurs passagères.
Puis, telle une monarque revêtant sa couronne, Rūna dévoila l'andrinople intense de sa chevelure. Un rouge impérial, si vif, rappelant les écailles de sa Liée, mais surtout les virulences d'une existence passionnée qui s'enchevêtrait parfaitement aux couleurs du Kaerl. Elle défit grossièrement sa tresse et s'en retourna vers Albiréo à qui elle laissa le temps de prendre ses marques et ressentir ce qui lui était nécessaire de ressentir.
D'un ton solennel mais chaleureux, la princesse Ssyl'Sharienne vint se tenir droite devant sa pupille, et s'adressa à elle d'un ton protocolaire auréolé d'une incommensurable fierté.

« Sois la bienvenue à Tol Orëa. Sois la bienvenue au Màr Tàralöm ! Albiréo Varpelis, Aspirante de la Triade de la Reine Incarnate Sărzeghnet et Rūna Sălv. »

La poitrine de la fëalocë se souleva d'une vaste inspiration tandis que ses épaules s'abaissèrent, appesanties de la lourdeur de tout l'honneur qui l'incombait alors. La Fierté chevillée au visage, les yeux pétillant d'un or étincelant et nouveau, la fëalocë était incapable de dissimuler son excitation à voir ce jour : devenir Maîtresse d'une graine aussi prometteuse que celle qu'elle couvait entre ses paumes.
Sans double-jeu, sans manigance ni sous-propos, Rūna exultait simplement... de félicité, une félicité pure et d'une noblesse rare, selon les dires de ceux qui méconnaissaient la Maîtresse Incarnate.
N'y tenant plus et sans se l'expliquer, embrassant la soeur qu'elle ne put avoir par les liens du sang, la jeune femme prit les mains d'Albiréo dans les siennes et parla, cette fois, à âme ouverte.

« Tu vas accomplir de grandes choses, j'en suis certaine... Tu as tant à découvrir sur toi-même, et nous serons là, ma petite étoile. » Asséna-t-elle d'un sourire entier, terrifiant d'entièreté.

Sărzeghnet, de son mutisme perpétuel, se contentait de fixer la nouvelle venue avec mysticisme et énigme. Oui, Albiréo accomplirait de très grandes choses, des choses qui marqueront l'Histoire de Tol Orëa. D'autres secrets pesaient, sous-jacents, des secrets que la neishaane elle-même ne percevait pas encore mais que l'Incarnate avait pu voir. Pourtant, comme toujours, elle gardait le silence sur ses révélations. Se couchant en croisant les pattes, d'une quiétude lourde et intrigante, la dragonne gagna une respiration lente et calme sans jamais perdre de son regard éteint la silhouette prometteuse d'Albiréo.


.:: Qu'ils nous haïssent pourvu qu'ils nous craignent ::.
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. ○ • ☾ Nous aimons nous repaître de ceux qui veulent nous soumettre ☽ • ○ .

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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeMar 12 Jan 2021 - 22:09

Albiréo n’eut que le temps d’une pensée terrifiante : ** Quel est cet endroit où le vent est mort ? **
*
Le froid était atroce car dépourvu de mouvements, sec et implacable, aussi impropre à la vie que si elles avaient pénétré un bloc de glace. Là où tout n’était que clarté quelques secondes auparavant, les ténèbres avaient engouffré toute lumière et plus effrayant encore : le son s’était évanoui dans un silence sans âme. Sărzeghnet avait replié ses ailes, laissant son immense corps glisser comme une lame sur ce couloir du vide. Rūna s’était couchée sur la neishaane, toute aussi parfaitement immobile que sa dragonne. Un instant, l’inertie de ses deux compagnes plongea Albiréo dans une terreur viscérale : la vie les avait-elle quittées ? Était-elle seule à nouveau, seule les yeux grands ouverts au milieu d’un abîme que ne devrait fouler aucun individu né pour le jour et la nuit ? Seule dans un ciel aveugle ? Comme en réponse à cette incontrôlable épouvante, Rūna resserra son étreinte protectrice autour de la capuche d’Albiréo qui sentit ses muscles se détendre en cascade comme sous l’effet d’une vague d’eau tiède. Ses craintes irraisonnées fondirent à l’instant et elle sut par ricochet que l’immobilité de l’Incarnat était une tension de prédateur, experte, tranquille, aiguillée vers son objectif. Un sanglot secoué du grelot timide du bonheur trembla sous les multiples couches qui la protégeaient du froid. Elle n’était plus seule, peut-être même ne le serait-elle jamais plus et pour cela elle était prête à traverser les ténèbres de ce monde et de tous les autres. Une volonté farouche se tendit en elle, jaguar aux yeux fauves s’alignant sur l’immobilité prédatrice de ses protectrices.
*
Elle releva légèrement le menton, devinant tout juste l'aile repliée de Sărzeghnet, masse opaque se fondant dans l'obscurité. La présence protectrice de Rūna lui dictait de ne pas bouger et maintenant que ses yeux parcouraient le Vide à la recherche de la moindre accroche, l'instinct lui soufflait qu'il valait mieux se tenir loin de son regard à lui. Elle ressentit l'Interstice comme ayant un inexplicable lien de parenté avec son univers, dans ses recoins les plus macabres et insatiables. Les lois de ce monde n'étaient pas de celles qui lui étaient connues, il n'y avait ici ni dieux, ni justice...Elle aurait dû en éprouver de l'angoisse. Or, Albiréo ressentit un plaisir insolent à parcourir ce Non-Lieu. Elle s'étonna même de sentir le piquant de la revanche orner ses lèvres d'un brûlant sourire : loin de se couler en elle, le puits spectral s'ouvrait pour la laisser passer.  Mieux, elles étaient le météore appelant les gueules voraces d'une masse grouillante de crocodiles à claquer invariablement dans le vide.  A jamais inatteignables...Elle resserra ses jambes autour des épaules de l'Incarnate, brûlante d'ivresse.
*
Puis le monde s’ouvrit.
*
*
L'Incarnate déploya à nouveau ses ailes, planant du haut de sa lente et imposante puissance.  L'aspirante sentit la dragonne et la Chevalière se détendre comme un seul et même corps, avec bonheur, et regagner une assurance toute territoriale. Une odeur chaude et cendreuse ambrait l'air, chargé d'une lumière ocre tout à fait inhabituelle pour une native du Vaendark. Pour elle, cet hiver avait des saveurs d'été, un été exotique qui contrastait trop franchement avec le sien pour qu'elle soit en capacité immédiate de l'apprécier. Elle accueillit néanmoins la douceur de l'air ambiant avec beaucoup de soulagement ; suite aux torpilles gelées auxquelles elles s'étaient confrontées, n'importe quelle source de chaleur était un cadeau des dieux. L'or du jour se glissa sous sa capuche, caressant avec douceur les lacs aux profondeurs myosotis de ses iris. Ici, la texture même de l'air semblait réchauffer la lumière rasante de l'hiver et la charger de la pétillance du cidre.
*
« Tout va bien ? Nous sommes arrivées ! Te voilà enfin chez toi... »
« Oui, je crois que oui ! Il fait si doux...»

*
Le spectacle qui s'ouvrait sous elles était sidérant : Albiréo retrouvait les à-pics millénaires des montagnes et pourtant celles-ci étaient aussi différentes de caractère, en comparaison du Vaendark, qu'une forêt boréale pouvait l'être d'une étendue de magnolias. La chaîne montagneuse s'élevait en crêtes aigues  et le versant sur lequel s'écoulait le jour flamboyait de roux et de safran tandis que l'autre par contraste, paressait bleu.  Au cœur de cette couronne acérée, un vénérable titan ouvrait une mâchoire vaguement inoffensive. Sertie là comme une pierre précieuse, la cité du Val rivalisait d'un orgueilleux éclat face aux assauts de Solyae. Le cratère relâchait par endroits des colonnes d'encre noire qui déroulant leurs ondulations lascives vers l'azur. Même endormi, le volcan suintait des rêves provocants. Quant à bâtir une cité au cœur même de ce Golgotha aux songes magmatiques, cela relevait d'une audace effrayante!
*
« ...chez moi ! »
*
L'inclinaison de Sărzeghnet fit jouer les éclats du soleil sur la surface de la cité, et ce qu'Albiréo avait pris au départ pour une vaste étendue d'eau reflétant la lumière se révéla être une immense place de métal. L'extraordinaire mosaïque de fer rutilait fièrement, exposant aux dieux la puissance de deux Incarnates affrontées. Une flèche se détachait du cœur de la cité, entourée d'une succession de petites tourelles d'obsidienne. Jamais Albiréo n'avait contemplé pareil mirador, elle ignorait même qu'il fut possible de s'élever si loin du sol. Plus bas, un vaste rectangle aux toitures aplanies et aux multiples ailes gardait un précieux jardin en son enceinte. Sans en avoir vu de ses yeux, Albiréo devina à son architecture qu'il s'agissait d'un exemplaire grandiose de sanctuaire païen. Chaque dieu y avait un autel consacré, bien que généralement ce type de temple soit plus particulièrement dédié à l'un d'entre eux, désigné comme protecteur de la cité.  A mesure qu'elles s'approchaient, Alba distinguait plus de détails et notamment un qui la fascina tout particulièrement : le cirque formé par la partie émergeante du volcan était criblé de galeries aux larges débouchés, s'ouvrant de l'intérieur vers l'extérieur de la montagne. Puis, son attention fut captée par la masse mouvante qui constituait le cœur battant de la citadelle : le peuple du Màr. Il ne lui avait jamais été donné de contempler une foule si dense qu'elle semblait onduler comme les multiples tentacules d'un seul et même monstrueux animal.
*
Le grondement de l'Incarnate remonta jusque dans ses épaules, suivi de brefs rugissements alentours qui la tirèrent de son hypnose. Son regard qui avait bondit de surprise en surprises se ficha sur les immenses créatures qui s'écartaient du sillage de sa majestueuse monture. Confrontée d'office à l'auguste présence de Sărzeghnet, elle n'avait pas eu encore l'occasion de contempler un vol de dragon. Elle en eut le souffle coupé, médusée par le vol grâcieux des énormes reptiles . Ici, deux d'entre eux bondissaient d'une paroi rocheuse pour gagner le ciel, là un dragon bleu s'enroulait autour d'un clocher, en contre-bas deux verts et un brun se disputaient une carcasse en rivalisant de jeux de mâchoires menaçants, et au loin les monts résonnaient de rugissements sortis des premiers âges...Sărzeghnet était notablement plus imposante que ses congénères mais, aux yeux d'une nouvelle arrivée au Màr, c'étaient les créatures les plus formidables jamais observées. Elle en fut aussi surprise et émerveillée que si un banc d'orques avaient brusquement surgi des mers. Sa toute nouvelle imagination avait formé une idée des dragons en tous points semblables à Sărzeghnet, la réalité balaya le peu d'assurance qu'elle avait à ce sujet. De tailles, de statures, de robes et d'allures, chacun d'eux était unique. S'ils étaient indéniablement de la même engeance, jamais Albiréo n'aurait soupçonné une telle variation de teintes au sein d'une même espèce. Pour la toute première fois de sa vie, son esprit n'avait pas le temps d'établir une arborescence exacte, un plan de recherche établi, car une certitude soulevait une question, levant à son tour de multiples pans inexplorés, qui eux-mêmes s'ouvraient sur la vastitude d'un univers entier.
*
Albiréo tomba dans une fascination absolue, exaltée par l'émerveillement dans lequel elle était plongée...Ô combien éloigné de la contemplation sagement dosée, bornée par les bords d'une page à laquelle elle s'était habituée. Elle qui avait dévoré le monde depuis ses livres, qui s'en était abreuvée plus que de raison sans jamais toucher au spectacle total, vissée au plancher d'une chambre étroite...Aujourd'hui tous les murs éclataient un à un pour que le monde l'accueille enfin, débordant et grandiose.
*
« Tu vas avoir loisir de tout découvrir, très bientôt. »
*
Essuyant ses larmes d'un geste rapide, le bras de la neishaane s'enroula avec force autour de celui que la fëalocë resserrait autour d'elle alors que l'Incarnate entamait la descente progressive vers le Weyr, tant par nécessité  que par élan du cœur. La Reine obliqua vers un vaste balcon, elle s'y déposa avec grâce et Albiréo retrouva le balancement chaloupé de sa démarche avec un plaisir enfantin. Rūna descendit sans anicroche, la neishaane quant à elle eut la sensation de devoir s'extraire de son socle et ses jambes manquèrent de lui faire faux-bonds lorsqu'elles touchèrent le sol. Elle ne s'était pas aperçue du travail que cette immobilité forcée avait demandé à ses cuisses, douloureuses à force de contractions inhabituelles. Ses pieds encore congelés, ne lui renvoyaient presque aucune sensation. Elle tituba un peu, se rattrapant de justesse aux avant-bras de sa Maîtresse, lâchant un rire de surprise.
*
« Je...j'imagine qu'on s'y habitue ! » tinta-t-elle d'un rire de ruisseau à son adresse, l'œil fatigué par le voyage mais pétillant de bonheur.
*
L'éclat de sa voix se réverbéra avec douceur contre les parois voûtées qui l'entouraient. Instinctivement, la neishaane dressa l'oreille et leur acoustique particulière lui imposa le silence, à la manière dont un verre de cristal cueille naturellement la parole. Ces parois étaient vivantes, car le volcan était vivant. Elles avaient absorbé le son de sa voix, ou plutôt son essence, ne renvoyant vers elles que sa partie matérielle.  Elle se redressa, ses doigts enlaçant doucement les bras de Rūna pour respirer les lieux et les embrasser du regard, se tournant vers la pièce comme vers un individu qui aurait fait son entrée assortie d'une fluide révérence. Albiréo pencha le front, comme si avant de toucher chaque objet du regard elle cherchait à les toucher en esprit, à recevoir leurs émanations, tout en parcourant chaque contour d'un œil de lynx. Chacun d'entre eux était un mystère, une porte ouverte vers ce Nouveau Monde et plus encore, chacun chuchotait à sa manière sa part d'âme dans l'énigme la plus profonde et envoûtante de ces lieux : Rūna Salv. Il dansait ici un parfum secret, à l'élégance rare, qui gagnait à être apprécié pour ce qu'il gardait silencieux, sans effraction aucune. En échange, il offrait sa pleine et entière protection.
*
La magnifique djinn s'était échappée de ses mains tendres, de même qu'elle s'était défaite d'enveloppes trop lourdes pour sa nature de flamme libre, répandant sur ses épaules des flamboyances d'aubes et de crépuscules entremêlés.
*
« Sois la bienvenue à Tol Orëa. Sois la bienvenue au Màr Tàralöm ! Albiréo Varpelis, Aspirante de la Triade de la Reine Incarnate Sărzeghnet et Rūna Sălv. »
*
Albiréo contemplait son astre avec la tranquillité grâcieuse d'un bouton de rose, coit dans sa promesse passionnée. Elle s'imprégna longuement de la fëalocë, sans la moindre pudeur et ne baissa finalement les yeux que pour effectuer une révérence emprunte d'une dévotion entière, qui n'enleva rien à l'assurance de son regard lorsqu'il retrouva l'or incandescent qui resplendissait en face d'elle.
*
« Tu vas accomplir de grandes choses, j'en suis certaine... Tu as tant à découvrir sur toi-même, et nous serons là, ma petite étoile. »
*
La toute nouvelle aspirante accueillit la confiance de sa Maîtresse avec un frisson de pure détermination.
*
« Si tu m'habilles de ta foi, Rūna, rien ne saura me résister. Ce que j'ai accompli en cette matinée, grâce à toi, grâce à Sarzeghnet, est plus fort, plus grand, incomparablement plus puissant que toutes mes réussites passées. »
*
Elle marqua une pause, consciente que ses mots s'imprimaient dans la roche comme l'encre était absorbée du parchemin. Et que cette roche millénaire lui ferait tenir parole car Rūna était son calice, son fruit le plus pur, sa promesse de feu. Ainsi, Albiréo alla chercher sa voix la plus profonde et primitive, celle qui au lieu de s'élever, s'enfonçait dans l'âme.
*
« Je suis vôtre, et à compter de ce jour je ne cesserai de croître par la force de votre âme commune, à Sărzeghnet et toi, conjointe à la mienne, activement. Je connaitrai le Kaerl comme moi-même, je sonderai son essence et par la grâce des dieux, j'y ferai naître des fleurs insoupçonnées...Oui...il n'y aura pas de limites que je ne saurais franchir, en reconnaissance de celles dont vous m'avez libéré aujourd'hui. »
*
Elle enlaça les fines mains blanches de sa protectrice entre les siennes, avec une ferveur renouvelée. Etudiant un instant les doigts délicats qu'elle effleura du pouce, elle ajouta, d'un ton plus doux au timbre semé de regrets  :
*
« L'ignorance est aujourd'hui ma tare la plus grave...Mais là où d'autres s'installent dans une connaissance tranquille, je serai sans repos. Je ne possède rien mais mon intelligence vous sera toute entière consacrée. Il n'y aura pas une œuvre, pas un accomplissement que je ne saurais déposer à vos pieds avec joie. Mes actes pourront prêter à sourire, peut-être, perçus comme un excès de déférence, ou un avilissement. Mais ne doutez jamais que je n'en ressortisse grandie, car je suis ce matin mille fois plus grande qu'hier et pour la première fois je sais. Je sais le trésor de noblesse que recèle l'humilité. Laissez-moi vous être consacrée, entièrement, et invincible au reste du monde. »
*
Elle releva un regard entier, à la fois ému, complice et réhaussé du rose picorant ses joues, étonnées de sa propre audace.
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Rūna Sălv
Maitre Dragon
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Rūna Sălv


Date d'inscription : 07/06/2014
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Ordre Draconique : Ordre Draconique d'Ombre (Kaerl Ardent)

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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 19:45


Quelque chose avait vibré dans les profondeurs de ses viscères et dans les méandres de son âme. Un tintement net, clair, sans imperfections sonna le glas de deux pierres à feu brutalement frappées l'une contre l'autre pour donner la vie à une étincelle qui embraserait des forêts entières. La note sitôt née sitôt mourante d'un triangle fusa sans pour autant s'éteindre, devenant seulement inaudible mais subsistante par un sifflement distant, par un vrombissement lointain.
Alors que le bleu pastel des iris d'Albiréo s'accrocha à l'or brûlant de ceux de Rūna, une pièce fut lancée en l'air par les Nornes, et elles retinrent leur souffle. Le petit disque de bronze se mit à tourner au ralenti sans jamais s'arrêter, sans jamais retomber, luisant étrangement d'un éclat vif à la surface vieillie de son métal, figé et impalpable sur le vaste canevas du destin brodé d'obscurité. L'insidieux supplice du denier tournoyant se mêla à la note pétrifiée de l'instrument idiophone avec la lancinance d'une litanie aux chuchotements suspendus et inquiets. La Terre entière parut changer son sens de rotation millénaire et les Dieux se tournèrent vers le Màr Tàralöm en couvant un silence lourd de signification.

Là, lapées par la lumière fauve des flammes de l'âtre, le duo se laissait enrober de la mélodie du bois et du charbon crépitant presque avec menace, une menace envers quiconque daignerait s'approcher de trop près de ses égéries, ses favorites. Les caresses furtives de cet élément primaire faisaient onduler les ombres des deux femmes le long des murs, des tapisseries, dans le reflet du verre et du laiton des lanternes. Des ombres qui semblaient vivre indépendamment de leur enveloppe charnelle, des démones silencieuses qui agitaient leurs doigts évanescents pour les inviter à sombrer une bonne fois pour toutes par l'appel de leur danse décharnée et diabolique. Mais à bien y regarder, chaque chose paraissait respirer dans le weyr de la Maîtresse Incarnate, chaque objet renfermait un coeur pulsant une sève impalpable : la Magie. Une Magie Rouge, une Magie Blanche, une Magie Noire... Et sous le haut plafond de la caverne alourdie par l'Histoire, chacune d'elles était représentée par une muse de chair ou d'écailles.
La fëalocë avait-elle seulement conscience de la lourdeur de la tâche à venir ? De la terreur de la prophétie que les ailes de Sărzeghnet venaient de charrier dans l'éther Tol Orëanéen ? L'une savait, l'autre ignorait encore tout quand bien même son âme hurlait aux Lunes avec la fureur d'un loup.

Trop fière pour admettre que le frisson qui lui parcourut les côtes était dû aux mots de sa pupille, Rūna le dissimula sous la supplique de son corps qui s'abandonnait de nouveau à la chaleur, raide depuis l'aube par l'insupportable morsure du froid. Pourtant, incapable de maîtriser ce détail, des perles de diamant naquirent aux rebords des braséros de son regard, des gemmes bien vite chassées lorsqu'elle releva dédaigneusement le menton comme une main balayait les miettes d'une table. Malgré son acharnement manifeste à ne pas s'émouvoir, son sourire de vipère s'auréolait d'un halo bien moins coupant que d'ordinaire, plus naturel, trahissant le spectre de la jeune fille bonne et innocente qu'elle fut jadis, à une époque qui semblait remonter à des siècles auparavant.
Ces émotions lui furent presque pénibles, blessantes, elle qui s'acharnait à régner sur ces dernières dans un contrôle perpétuel et tyrannique alors qu'en vérité la jeune femme se voyait le plus souvent courber l'échine sous leur poids incommensurable. Rūna était secrètement effrayée par la facilité avec laquelle Albiréo fit se baisser les herses éternelles dont elle s'entoura depuis l'adolescence, remparts impénétrables pour quiconque osait encore lui adresser la parole malgré la sévérité de ses prunelles d'ambre ou le caractère acéré de son parler. Sous l'épais écrin de sa peau, sous l'assurance maladive qu'elle jetait en pâture à tout vent, Rūna demeurait une femme sensible et fragile, une femme faible qui pleurait encore la perte de sa mère et son père, la perte de son innocence, la perte de sa première née. Bien qu'elle fit de ses larmes des océans de furie pour l'univers noyer, la fëalocë n'était à son essence qu'un papillon. Mais, il suffisait d'un battement d'ailes pour que l'Eden ne se fît champ de cendres, terre désolée...

Dès lors, pour une fois exceptionnelle se comptant sur les doigts d'une main compte-tenue l'encore frêle longévité de sa vie, Rūna redevenait une enfant allégée du fardeau de l'existence. La princesse Ssyl'Sharienne serrait les mains de givre d'Albiréo de la même façon qu'elle le fit envers ses frères, envers sa mère, envers son père. Les barrières du sang - si chères étaient elles aux Sălv - s'effritèrent pour ne laisser passer que l'âme de la neishaane, ajoutant une étoile supplémentaire à la toile astrale qu'était sa famille.  
Alors que le timbre presque caverneux de la petite femme couronnée de blond polaire épousa la roche volcanique millénaire du Màr Tàralöm, les nervures fuligineuses parurent se mouvoir, comme pour mieux tendre l'oreille. Les promesses de la nouvelle venue furent bues par le minéral poreux avec autant de frénésie qu'un égaré en plein désert se voyait offrir une gorgée d'eau par un nomade. Le tintement de la note énumérée plus en amont vibra plus fort, le temps d'une seconde, pour accompagner tout le poids de cette scène secrète qui se jouait dans les entrailles du Kaerl Ardent...
 
Après un silence ému, Rūna recouvra sa superbe. Pourtant ses mots laissèrent s'échapper une inhabituelle tendresse pour autrui, quelques infimes gouttes de larmes de phénix diluèrent le sempiternel venin de son timbre. La danse des flammes illuminait son visage princier d'ombres tantôt divines tantôt infernales, mais la facilité avec laquelle l'or ambré de ses iris perçait le clair-obscur des lieux présageait plus du démon que de l'ange. A contrario, le bleu doux des opales d'Albiréo se perdait dans les nuances orangées du feu, métaphore des plus terribles pour imager ce dont ni l'une ni l'autre n'avait encore réellement conscience ni nommé : Rūna souillerait irrémédiablement l'âme innocente d'Albiréo, elle l'avait fait à l'instant où son regard corrompu se posa pour la première fois sur son corps mourant et recroquevillé dans les confins du Vaendark, aux frontières du néant. La fëalocë et sa dragonne avaient sauvé leur protégée, à quelles fins seulement ?
Le ton chaud et roulé de la Ssyl'Sharienne fit écho à celui si profond de la Vaendarkienne, ode au lien qui unissait par une étrange dualité la Terre et le Ciel, l'Eau et le Feu, l'âme et la chair. Pour une rare fois de son existence, Rūna répondit à coeur ouvert et entier.

« Ma douce enfant, c'est alors le Monde entier que tu renverseras... Le spectre d'une hésitation l'empêcha de poursuivre immédiatement, un mécanisme mis en place de sa propre initiative pour éternellement voiler la teneur de ses affects. Puis, sans plus de résistance, sa langue surpassa son raisonnement. Honore tes paroles, donne de la substance à tes ambitions, et je n'aurai de cesse d'être fière de t'avoir comme disciple et comme élève. J'accueille ton entière dévotion comme une offrande et je grave sur mes os tes mots pour mieux les porter chaque jour, n'aie donc pas l'audace de me décevoir. »

Terminant sa réplique, une factice légèreté fut imposée le long des traits de son visage, mais son regard de vipère trahissait son fiel et sa passion sanglante. En opposition à la menace qui vibrait le long de ses cils, la soie de ses mains peinait à se détacher de celles d'Albiréo tant elles furent affamées d'un tel contact...
Par ses origines et la sévérité du protocole familial, par le conditionnement de sa vie de noble, Rūna n'avait jamais eu d'amies. Bien que son appétit était vorace pour tout ce qui pouvait dès lors y ressembler, la fëalocë sentait se serrer toutes les mailles de sa cotte d'armure au point d'en devenir un impénétrable pourpoint. Comme le serpent appréciait la caresse de doigts d'Homme le long de ses écailles, il n'en n'oubliait pas pour autant sa véritable nature ni sa capacité à tuer une assemblée entière par seulement quelques goutes de son venin. A l'instar de cette espèce, la Maîtresse Ardente était encore partagée. Même si la neishaane avait fait plus que ses preuves, il lui restait du chemin à parcourir...
Après un bref raclement de gorge, revêtant le manteau de sa Fierté, Rūna se redressa et lâcha les douces mines de celle qui n'était pas encore officiellement son aspirante. Après un succinct coup d'oeil à sa droite vers le reste du weyr, un sourire énigmatique épiça ses propos lorsqu'elle désigna les détails de ceux-ci d'un geste du bras.

« Regarde nos ombres projetées sur les murs de mon antre, vois comme elles sont immenses comparées à notre taille. C'est ce que tu es sous le linceul pur qu'est ta peau, sous la rotonde d'or mêlé d'argent de ta chevelure, sous les pâles joyaux que recèle ton regard. Ton corps est celui d'un cygne, il n'en dissimule qu'avec plus d'habilité ton esprit titanesque. N'oublie jamais ça. La condition de notre enveloppe charnelle ne nous définit pas. Quand tu auras compris cela, quand toute peur aura quitté ton existence, tu deviendras immortelle. »

Le temps suspendit une nouvelle fois son cours, les secondes s'égrainèrent comme des gouttes de pluie le long des feuilles d'un arbre. Au dehors on percevait les chants si lointains des dragons, et à l'intérieur le feu crépitait toujours dans l'âtre.
Rūna se pencha finalement sur Albiréo et déposa un baiser sur son front tandis que quelques phalanges de ses doigts se perdirent fugacement dans le blond soyeux de sa crinière. Un sourire franc, aimant, étira ses lèvres pleines et conjugua le tranchant de son regard avec une pointe d'amour naissant.

« Je sais que tu y arriveras, que tu tiendras promesse. Tu es la nymphe de l'hiver et de la glace, mais en toi s'épand le Feu Sacré qui ne demande qu'à brûler enfin. Je n'aurais pu rêver mieux comme première Aspirante, mon petit perce-neige. »

Couchée dans son aile du weyr, Sărzeghnet émit un grondement ténébreux qui marqua le point final des épanchements de sa bipède. Au delà du fait qu'il ne lui plaisait guère de la voir se laisser aller de sitôt envers une inconnue, il était surtout temps de cesser ces billevesées...
La Maîtresse Ardente claqua des mains avec entrain, chassant ainsi ce court moment de confession et de tendresse.

« Bien ! La journée n'est pas finie et va être chargée. Pour pouvoir devenir formellement mon Aspirante, je dois te présenter au Seigneur de notre cité, celui qui nous gouverne. Je te présenterai mes appartements plus tard, une chambre était déjà prête pour te recevoir. Rūna s'éloigna pour poser un chaudron d'eau dans le feu. Nous allons nous réchauffer avec un peu de thé, tu vas pouvoir te laver le temps que l'eau boue et que je te trouve une tenue pour l'occasion. La première impression est primordiale... »  

La fëalocë disparut, passant d'une pièce à une autre en tournoyant avec habilité. Sa voix perçait à travers les murs et les cloisons. D'un naturel déjà vif, il était indéniable que la jeune femme s'exaltait par ce Grand Jour pour elle et sa Liée.

« Je t'expliquerai tout en allant, ou au fil de tes questions. Mais pour le moment... Elle réapparut d'une petite alcôve non loin, tenant une timbale de grès vide dans chaque main. Une chose à la fois. Suis-moi ! »

Rūna la prit par la main et la conduisit jusqu'à une salle de bain privée, lieu rare et privilégié réservé à ceux possédant un weyr digne des Hautes Sphères. Une baignoire était creusée à même la pierre mais était vide. Tout près reposait une cruche et une cuvette dans laquelle elle versa de l'eau tiédie par l'activité du volcan, fraîchement puisée à la source d'une arrivée aménagée à cet effet. Elle disposa plusieurs serviettes de noble facture, des pains de savon et des fioles d'huiles parfumées évoquant des fleurs exotiques ou des bois épicés.  
Une percée de lumière laissait passer la clarté du jour avec modération, comme pour mieux conserver le caractère apaisant et cérémoniel que pouvait avoir un endroit pareil. La roche grisâtre luisait d'un semblant d'humidité, et un miroir donnait plus de grandeur à la pièce.

« Nous avons encore le temps, alors profite, repose toi. Si tu as besoin d'aide, tu n'auras qu'à héler. »


Pendant ce temps, Rūna fouilla ses malles toutes plus richement nourries de robes et d'atours qui auraient permis à des familles entières d'être nourries pour un bon bout de temps. Elle sortit plusieurs toilettes et se les présenta à bouts de bras, tâchant d'imaginer comment y faire tenir convenablement la petite créature qu'était la neishaane. Celle-ci était légèrement plus petite qu'elle, mais cela ferait l'affaire pour aujourd'hui !
La fëalocë déposa une robe de velours brodée d'or à disposition de la nouvelle venue avant de s'en retourner se changer elle-même pour revêtir une tenue qui répondait plus à son entièreté. Une fois son manteau enfilé, elle lia sa longue chevelure andrinople en une tresse haute parsemée d'épingles en or.
Elle servit deux tasse de thé fumant aux arômes puissants d'écorces et boisé, puis s'assit à la table rectangulaire et de fer forgé qui trônait au milieu de la pièce. Tout en soufflant sur sa tasse, elle guettait d'un oeil amusé la venue d'Albiréo, qui n'avait plus que certainement jamais connu un tel faste... Alors, enjouée et un brin rieuse, elle s'exclama :

« Viens, je suis certaine que tu es éblouissante ! »


.:: Qu'ils nous haïssent pourvu qu'ils nous craignent ::.
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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeLun 8 Fév 2021 - 15:22


Rainer Maria Rilke a écrit:
« Rose, ô pure contradiction, volupté de n’être le sommeil de personne sous tant de paupières. »

La promesse de l'ombre est la lumière. Sa peau toute entière était en éclosion au sacré. Qui, dans ce monde ou dans l'autre aurait pu détourner son regard face à la beauté de cette danse ? Deux oiseaux rares se caressant des ailes, l'un éblouissant de ténèbres, l'autre d'un blanc étrange, presque bluettant. La lumière d'Albiréo dessinait l'envergure de la noble dame pourpre, ainsi le soleil découpe-t-il les ombres immenses des colombes, révélant leur âme en de fugaces flaques grises brodées dans l'or. La lueur opale de la neishaane, aussi caressante qu'elle puisse paraître, projetait une nuit incendiaire autour de sa Maîtresse. Terrible et pure. Quant au phœnix originel, que seul le feu découpe dans l'ombre, il appelait le camélia à frissonner d'orages, et les boutons par centaines de pétales timides furent agités par une brise inquiète, magnifiques au seuil de l'éphémère. Avec la douceur d'un rayon de lune, la vie flamboyait sous la mort et Albiréo sentait que c'était en cet endroit de fragile bascule que chuchotait l'éternel. Un remous furieux battait les camélias dans le vent. Elle voulait étendre ses bras plus loin, plus grand, souffler des bourrasques de lumière pour elle. Elle qui était désormais au cœur de tout. Et si cela la rendait encore plus terrible, encore plus belle, alors elle s'étendrait encore et toujours. Elle l'appellerait encore à être ce magnifique incendie.
*
Elle renverserait des mondes pour se déployer toute entière. Mais ce qu'elle voulait au plus lointain d'elle même, c'était sire Runa en lieu et place de son âme. Sa croissance n'aurait de sens que pour que la fëalocë s'y déploie. Les flammes mauves d'une dévotion ardente lapaient le serment qui dansait déjà en elle avec ferveur. Elle aimait ce désir sacré, ce délire pour la maîtresse ardente. Cette folie lui semblait être l'acte le plus essentiel qu'elle ait jamais commis. Il obéissait à une loi qui les dépassait toutes deux, et elle chérissait ce mystère comme l'on accepte les lèvres closes des idoles. Est-il joie de vivre plus torrentielle, plus avouée que celle de l'orage ? Et il grondait, toujours plus vaste, plus lourd de fièvre, plus léger de jour, plus irrévérencieux que la saison des fleurs, cette superbe enfant de discorde. Elle plongeait, pure comme une lame au cœur du brasier qui la rendrait à sa nature de lumière blanche, aveuglante et inaccessible.
*
Le grondement sourd de Sarzeghnet fit écho au tonnerre qui tremblait en elle, dissipant ses furies comme un rayon de soleil. Albiréo sourit face à la splendide créature qui incarnait avec majesté son influence double : caresser le firmament ou la planter au sol en un claquement de doigts.
*
Runa la mena donc dans une salle d'eau qui avait des aspects de grotte naturelle. L'eau pure ruisselait par éclats d'argent et répandait son clapoti en écho rieurs. Un miroir de plein pied apportait une lumière pudique à la douceur de cet univers minéral. Une fois seule, Albiréo entreprit de se découvrir. Elle n'avait bien entendu, jamais goûté aux délices d'un vaste bassin d'eau chaude. Mais surtout, un miroir était une objet infiniment rare, précieux. En tant que Seconde d'Iolya, elle avait eu le privilège d'en obtenir un, moucheté, qui de près contenait à peine son visage. Les autres habitantes de l'Aube bénéficiaient des yeux et mains de la vie communautaire pour entretenir une image correcte et propre. Elle délivra son corps de ses lourdes peaux et harnachements avec lenteur, dénoua ses cheveux comme si elle tâchait de se glisser au milieu du silence aquatique. Et, aussi blanche que la torsade de l'unicorne, elle entra dans l'eau. Naturellement, elle fut attirée par la source de lumière, ce grand miroir recouvert de buée où dansaient des anges aux contours flous. Elle n'osait pas toucher sa surface, intimidée par le faste de l'objet et aussi par l'évidence : elle ne s'était jamais vue. Elle obliqua un regard vers ses bras blancs aux longues mains.
*
** Allons, tu connais ces bras, tu connais ce bassin, ces pieds...Qu'y a-t-il à craindre ? Que vas-tu profaner ? Ce n'est que toi... ** s'intima-t-elle pour donner plus de consistance à cette envie.
*
Sa paume se posa sur la glace, là où devait se refléter son visage. Des gouttes d'eau zébrèrent le miroir de trainées denses. Albiréo frotta, essuyant le miroir avec une linge doux que Runa lui avait laissé pour se savonner. Elle se redressa et laissa échapper le linge de ses doigts qui flotta mollement avant de s'enfoncer dans le bassin.
*
Elle n'identifia pas, tout d'abord, la créature qui lui faisait face comme elle-même. Le choc qu'elle ressentit était l'émoi pur et simple que procure la beauté du cygne, une contemplation sans orgueil. Son corps s'étirait en une beauté adolescente, creusé par endroits par les vicissitudes d'une vie de femme sans amour. Curieusement intact, peut-être aussi sauvegardé par l'ignorance de lui-même. Beau comme une promesse, dressé tel un lys clos en l'attente du baiser du jour. Elle écarta ses mains du long de ses cuisses, obliquant ses paumes vers le reflet et comprit l'origine des « anges flous » qui nageaient à l'instant à la surface de la glace. A vrai dire, il était difficile d'établir qui de sa silhouette ou du miroir éclairait l'autre. Albiréo attendit, comme l'on attend qu'un nuage en passant n'absorbe les rayons, la surprise évanouie, mais rien ne vint éteindre l'étrange nitescence de ses contours. Abasourdie, elle plongea jusqu'aux épaules et entreprit de se frotter les bras, jetant parfois un œil au reflet, ne sachant trop dire si elle craignait ou souhaitait que cette lueur lactescente qui hantait sa peau ne disparaisse.
*
Elle n'osa pas ouvrir l'un des flacons où dormaient de liquoreuses huiles parfumées, aussi sortit-elle très rapidement et se sécha sans cérémonie, soulagée que l'humidité ait déjà presque complètement recouvert son image. Runa avait laissé une robe à son effet. En la prenant entre ses mains, elle put apprécier tout le faste de cette pesante étoffe de velours noir aux orfrois d'or. Ce vêtement était princier et embaumait l'odeur capiteuse de la fëalocë. Dieux ! Une telle chose lui était-elle permise ?  Elle demeura muette à contempler la robe dressée devant elle sans savoir qu'en faire.
*
« Oui je...Je suis là ! »
*
Quelle idiote, nue comme en ver à considérer cette robe comme pour s'excuser de ce qu'elle allait commettre ! Par chance, elle se fermait sur le devant et Alba n'eut aucun mal à nouer la lourde ceinture qui flattait sa taille. Elle avait aussi pris l'habitude de nouer un catogan presque parfait sans le secours d'un miroir.
*
« J'arrive. » déclara-t-elle d'une voix rauque, sans oser évaluer son reflet.
*
Elle n'avait aucune idée de ce dont elle avait l'air et sortit de la salle d'eau les yeux rivés au sol et les joues en feu, rigide, confondue par son indignité à porter un tel faste. Elle n'osa même pas remercier la fealoce pour cette somptueuse étoffe tant elle se sentait infirme à le porter ! Mais elle ne pouvait pas se permettre de rester immobile au milieu de ce trouble. Runa avait été très claire, elle allait être présentée au Seigneur du Màr et de cette rencontre dépendrait son futur aspiranat. Elle devait coûte que coûte garder en tête qu'il s'agissait de faire honneur à sa Dame. Elle devait se mettre à la hauteur, non pas de ce qu'elle était – quelle que fut la confiance de Runa à ce sujet – mais de ce qu'elle devait être : la digne suivante de Runa. Si elle se sentait simple fleur à côté du joyau, elle devrait être joyau au milieu des fleurs et ne laisser aucun doute s'insinuer à ce sujet.
*
Alors, elle comprit quelle était la véritable vocation de son vêtement. Il la porterait. Son velours la lestait, non pas pour gêner ses mouvements mais pour leur donner de l'ampleur et le poids des princes. Son noir luxueux ne devait pas l'étouffer mais engouffrer les regards, les perdre dans le prisme des ses plis riches et aspirer les babillages. Les fils d'or seraient les vagues qui guideraient une démarche sans accroc et parerait son visage, pur de tout apparat, d'une évidente noblesse. Elle serait digne et rien ne permettrait de laisser songer le contraire. Son point d'orgue ne serait pas de leur plaire mais de faire honneur à la chevalière incarnate. Elle ne devrait pas puiser sa force dans l'approbation, mais en elle-même, et le feu nouveau qui nourrissait ses aspirations. Parée de ses flammes, elle n'avait rien à craindre car il n'existait en elle nulle source d'hésitation. Ce qui devrait brûler brûlerait, qu'importe ce qui lui ferait face car son étendard, celui qui la tiendrait debout face au monde entier, portait les couleurs de la Chevalière Incarnate.
*
Elle se redressa, glissant vers Runa en un froissement d'étoffe qui pour ne pas être encore d'une grâce ducale, avait au moins la grâce sobre d'une femme de robe. Runa était royale, majestueuse dans ses atours flottants, elle avait l'air d'un éblouissant dalhia...
*
« Merci pour cette superbe étoffe. » murmura-t-elle avec profondeur et sincérité, chargée de ce qu'elle venait d'en tirer.
*
Albiréo se saisit de la tasse que la future Maîtresse lui adressait, ses lèvres s'ornant d'un sourire timide. Oui, elle était prête à fendre les foules de tout un Mar pour lui plaire mais, lirait-elle de la fierté dans l'oeil à l'incandescence sans partage de son étoile, maintenant qu'elle venait de lui apparaître parée comme une duchesse ? Ne lui trouverait-elle pas quelques manières gauches, paysannes ? Le rouge de l'inquiétude lui empourpra à nouveau les joues et elle tenta de noyer son anxiété en avalant une gorgée du breuvage chaud et en enchaînant les questions.
*
« J'imagine...qu'il y a quelques sujets essentiels dont nous devrions parler avant cette entrevue ? Je n'ai malheureusement aucune familiarité avec les usages de la cour. Serons-nous seuls ? Que dois-je savoir du Seigneur ?...d'ailleurs, quel est son nom ? Est-il sévère ou...magnanime ? C'est un homme d'armes n'est-ce pas ? Ou un érudit peut-être ? Enfin, de quels sujet dois-je l'entretenir ? Ah ! Sotte ! Je ne parlerai pas n'est-ce pas ? Non bien entendu...»
*
Réalisant qu'elle avait tout débité d'une seule traite, la neishaane se précipita de boire une longue gorgée de thé.
*
** Donne-toi contenance Albiréo, par les sangs ! **
*
Elle but donc et se rasséréna en poussant un long souffle d'air, avec une maîtrise étonnante au vu de l'excès de craintes et de curiosité qui avait soudainement débordé.
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Rūna Sălv
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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeVen 12 Fév 2021 - 23:31

《 Et, vertigineuse douceur !
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles
T'infuser mon venin, ma Sœur ! 》

Charles B A U D E L A I R E



Les murs du weyr parurent trembler au passage de leur nouvelle princesse, effrayés de devoir couver en leur sein une créature trop précieuse pour un antre qui n'accueillit depuis sa naissance que de terribles furies et de redoutables âmes nées des flammes de l'enfer-même. La grotte au minéral millénaire ressemblait aux paumes jointes des mains d'un homme rude et sans tendresse s'efforçant de mettre à l'abri un oisillon tombé du nid, s'armant d'une délicatesse malhabile pour la corne rugueuse de sa peau plus habituée à manier les outils et la corde que de frêles créatures dont un simple soubresaut suffisait à souffler définitivement la flamme de la Vie.
La roche d'obsidienne avait connu tant d'haleines de Reines Incarnates et tant de susurres de leurs liées tout aussi féroces que les pas si légers de la muse d'éther semblèrent la prendre de court, terrifiée à l'idée de fissurer le cristal de cette ouranie trop délicate pour cet environnement hostile et son microcosme putride.
Parée dans la sévérité de ses atours de vieil or et d'ébène, la neishaane avait l'apanage d'une fragile pivoine de brume au coeur d'un buisson de ronces acérées qui jalousait quiconque daignait jeter le  dévolu sur son trésor. Sous l'apparat brut de l'écrin de coquilles de la plus vulgaire des méléagrines était dissimulée une perle au nacre absolument parfait, une opale trop rare pour être décelée du commun des mortels et bien ensevelie sous l'irrégularité rustre d'une pierre sans indices sur la beauté enfermée en son ventre. Mais, malgré cette émouvante vulnérabilité, la roche volcanique qui constituait le coffret où allait se réfugier ce si précieux bijou pour les temps à venir n'était pas dupe : sous le lisse du joyau était tapi un redoutable monstre, un venin maudit, une liqueur de belladone qui appelait à être bue jusqu'à l'ivresse pour une seule et unique fois.
Pour l'heure, la vipère n'était encore que couleuvre craintive, terrée dans ce simulacre de terrier fait de velours brodé d'or. La caresse de son regard fait de pétales couleur d'eau gelée des fjörds du Vaendark allait à effleurer ce nouvel environnement tout à la fois inconnu et familier, et dans les méandres de ses iris de myosotis en apparence innocents se dessinaient déjà les pupilles de serpents mortels, hérissées vers les cieux comme des fers de lance.

La fëalocë s'attarda longuement à la découvrir ainsi, révélée, sublimée par de simples ablutions et une robe de belle facture. Joaillère secrète au don appuyé par le Don, un sourire ravi se fit lauriers de sa fierté d'avoir pu cueillir cette dendrophylax lindenii au beau milieu de ruines infertiles, à l'extrémité des champs inféconds d'Isashani.
L'étoile drapée de nuit avançait avec la prudence d'une biche au beau milieu de la forêt, à l'affût de tout craquement de branche ou froissements de feuilles, à l'écoute de la moindre alerte pérorée par un geais annonçant la venue d'un danger. Pourtant, sous sa peau de proie gracile s'enroulaient les épaules d'un chiot bientôt louve. Cela aussi, Rūna l'avait vu, à l'instant où l'or brûlant de ses prunelles s'était rivé sur ce faon blessé. L'encore modeste diamant se cachait sous toute la timidité de son apparence de banal grain de sable, tellement gêné de se voir resplendir parmi les plus belles pierres précieuses du monde, ne trouvant pas encore sa place sur cette parure seulement digne d'être portée sur les gorges des impératrices. Flottant dans sa robe comme son âme centenaire le fit dans sa chair depuis ses premiers cris de nourrisson, Albiréo inondait le weyr d'une innocence apaisante plus que bienvenue.
Un flot lourd de l'écume de ses émotions s'empara du coeur d'ordinaire si aride de la Ssyl'Sharienne et de cette pluie unique de l'année fleurirent les cactus derrière lesquels elle se réfugia si jeune, bien avant l'âge de femme. Rūna ne put, ne sut s'expliquer l'amour débordant qui l'étrangla à l'apparition de sa pupille qui désormais lui ressemblait un peu. Il était aisé de comprendre que, d'une certaine manière, Albiréo aurait pu un jour ressembler à cette fille qu'elle avait perdu quelques mois plus tôt. La douleur était encore grande bien qu'étouffée par sa propension à vouloir toujours tout contrôler, mais le fait était là : à sa manière, sans en avoir ne serait-ce que l'ombre d'un soupçon, la neishaane serait un parfait remède à ce chagrin éternel.

En dépit de son évidente incommodité par une adorable pudeur gênée de se voir ainsi revêtue d'atours si riches pour la première fois de son existence, Albiréo n'en devint qu'éminemment plus  belle, au sens strictement pur du terme. Le lourd velours teint d'un noir de fumée n'empêchait en rien sa grâce de fleurir, agissant au contraire comme un tuteur pour un rosier devenu trop dissipé, s'épuisant avec ferveur d'envahir tout l'espace par force de feuilles sans garder l'énergie nécessaire à la création de ses illustres fleurs. Son hésitation à ne serait-ce que marcher, peut-être de peur d'abîmer cet habit, forgeait toute la magnificence d'une élégance sans désir perverti de séduire. La jeune femme avait l'aura d'un bouton de jasmin tout juste éclos au crépuscule qui attendait timidement le départ de toute lumière pour resplendir, se faisant ainsi quelque peu démone ou épouse des diables tapis dans la nuit, eux seuls capables d'apprécier cette floraison secrète et intime. Elle avait aussi la témérité de l'ancolie blanche et ses courbes complexes, des pétales tout à la fois évanescents et assez solides pour naître des terres les plus arides et percer les roches les plus denses.
Sa splendeur ne résidait dès lors guère dans le simulacre de vase qu'incarnait métaphoriquement la robe de laquelle elle s'enveloppa mais bien dans sa pâle sommité fleurie qui éclipsait les plus merveilleux bouquets.


En lente envolée de flocons dansant les valses d'une douce mélancolie, Albiréo était un ange. Face à la neishaane de qui la fëalocë était en parfaite opposition, Rūna incarnait les ardents brasiers qui se nourrissaient allègrement de ces âmes - si non immaculées par les souillures de la Vie -, chastes. Pourtant, étrangement, les serres de cette harpie de feu ne cherchaient pas à déchiqueter ce lapereau, tout au contraire. Rappelée par de profonds instincts, la lionne s'évertuait à protéger cette descendance qui n'était ni la sienne ni même issue de son espèce. La Maîtresse Incarnate ne pouvait se l'expliquer. Mais, après tout, même les coeurs les plus sombres pouvaient bien s'émerveiller des chatoyantes couleurs irisées peintes par Gaïa sur les ailes des papillons. La décimation du peuple misérable de la Maison de l'Aube où avait grandi Albiréo était la plus magistrale preuve d'amour de Rūna, par ses mains semant poison et trépas dans leur puits. Un amour seulement articulé par son âme et encore incompris de son coeur, un amour effrayant et qui ne laisserait aucune place au moindre faux pas.
Superbement terrassée par sa contemplation, la princesse auréolée de sang demeura figée, assise devant sa tasse de thé, le regard entier accolé à la frêle silhouette parée d'ébène. Le timbre superbement rauque d'Albiréo effleurait son visage comme la brise vespérale d'un soir de printemps, et il fallait bien reconnaître que pour une fois, ce n'était plus la fëalocë qui dominait la situation. Et, à tout avouer, cela lui plut le temps que ça dura.

Bien qu'ayant parfaitement entendu la teneur des tirades de sa pupille, Rūna s'exprima à son tour sans y répondre immédiatement. Son ton d'un naturel autoritaire et un brin mordant en dépit de la douceur de ses mots se fit incroyablement léger, presque ému.

« Oh..., s'assoupit son onomatopée, comme tu es belle, ma chérie. Tu es resplendissante. »

Bondissant de sa chaise tel un faucon prenant son envol, Rūna s'approcha immédiatement d'Albiréo, les doigts d'une main effleurant du bout de la pulpe le plateau de fer de la table et l'autre s'avançant déjà pour se poser sur l'épaule de sa protégée, comme pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas.
D'ordinaire, la fëalocë était prompte à pestiférer sur quiconque s'adonnait à l'idée de vouloir se faire plus remarquable qu'elle, qui s'imaginait si parfaite. Toutefois, Rūna ne voyait pas Albiréo en rivale ou en égale - ce qui valait mieux pour elle... -, mais bien comme une soeur, comme une fille. Le monde entier pouvait bien lui octroyer tous les défauts du monde, la Sălv n'en demeurait pas moins une fieffée défenseuse de ce et ceux qui lui étai(en)t cher(s).  

« - Merci pour cette superbe étoffe.
-  Une broutille ! Je ferai vite venir le tailleur, ainsi tu pourras choisir teintes et tissus à ton goût. Le noir est sévère mais il fait parti des couleurs de notre Kaerl et il souligne avec justesse la vertu qui est tienne. Et puis l'ombre est indispensable pour donner du relief à la montagne. » Répondit-elle avec un soupçon de malice à la commissure des lèvres et s'arquant d'un clin d'oeil fugace.

Albiréo était ainsi faite : sa voix brisait la fragilité de son corps et un insidieux éclat au lourd dessein noyait d'une substance intrigante le pastel de ses yeux.
Une saine jalousie piquait la fëalocë en son for intérieur, de celle des mères à la beauté détrônée par celle de leur propre fille. Rūna enviait un peu le passé à priori plus clément que le sien de la neishaane, elle enviait cette lueur virginale qui irradiait de son visage doux, dépareillé de sillons creusés par une existence gangrénée de colère et de rage. Pour autant, la princesse Ssyl'Sharienne goûtait avec une certaine aisance des saveurs moins douces arrimées à cet esprit ancestral, un met trop salé par la Mort et rendu trop amer par les actes fous d'aïeux. Une sapidité qui n'appelait qu'à être dégustée encore et encore par le palais  caustique de la Maîtresse Incarnate, toute reine des vampires qu'elle fut.

Balayant ces sinistres et ténébreuses considérations à demi-ton dénoncées par le trait plus sombre loti dans ses iris de miel, Rūna s'esclaffa d'un rire pleinement amusé face à la pluie de questions de la jeune femme. Cette dernière parut vouloir se noyer avec sa tasse de thé pour taire ses emports, un acte qui ne fit qu'adoucir plus encore les ressentis de sa Maîtresse à son égard. Plus que ravie de la voir si enthousiaste et prête à dévorer toute information, le visage de Rūna se dérida pour de bon pour mieux alléger son ton volontiers sémillant.

« Avec une telle curiosité, ton apprentissage sera terminé avant d'avoir commencé ! Rūna, la main quittant lentement l'épaule de la neishaane, fit glisser celle-ci le long du col croisé d'Albiréo pour en aplatir le rabat, sans se désarmer de son air réjoui. Il s'appelle Alauwyr Iskuvar et il s'agit d'un guerrier accompli, avec tout ce que cela implique. Il privilégie les actes aux longs discours bien que cela tende à changer par les conseils de son entourage et les résultats de son impulsivité. C'est un homme rude et peu amène, colérique et sanguin, et un Seigneur controversé, mais il tient sa place au gré des tempêtes. Elle changea de pied d'appui en clignant des paupières d'un air détaché tandis que la Reine Incarnate couchée derrière pesta d'un grognement réprobateur. Nous allons le rencontrer au Mahalma, le haut lieu qui renferme son trône. Par conséquent, nous ne serons pas seules, il y aura sa garde et plus que probablement d'autres visiteurs et doléants, d'autres dragons aussi. Tu n'as pas à t'inquiéter de la nature de cet échange, il n'est que question de t'annoncer officiellement au représentant du Kaerl afin que tu puisses être inscrite dans les registres sous mon tutorat. Pour le reste, tu es sous ma protection et surtout celle de Sărzeghnet, qui est l'incarnation de l'emblème suprême du Màr Tàralöm et qui est issue d'une prestigieuse lignée de Reines Incarnates. »

** Mh. **

Son aura à l'instant un tantinet frivole se fit tout à coup plus rassurant, soucieuse de mettre en confiance son précieux petit oisillon. Une ombre de sérieux passa sur son visage, tel un maigre nuage blanc dans un ciel d'azur.

« Tu n'auras qu'à donner ton nom et répondre à ses questions. Ne te fais pas tant de soucis, dit-elle en joignant les mains, tout cela est très protocolaire. Rien ne saurait t'arracher à ma toile, ne t'en déplaise ! » Conclut-elle d'un bref éclat de rire tout en lui chatouillant le menton d'un semblant de gratouillis du bout de l'index.

Rūna se racla vaguement doucement la gorge et parut se grandir en reprenant une posture plus altière. Elle fit le tour d'Albiréo et vint se tenir derrière la jeune femme puis, volontairement sans la prévenir, pressa son poing fermé au creux du dos de la neishaane pour la faire se redresser. Son parler mielleux épiçait avec délectation un ton à la fois badin et sévère.

« Tu as trop longtemps été assignée à un rang de servante d'une déesse qui ne t'a pas sauvée de tes maux alors que tu étais une reine, dans l'indifférence générale. Je me donne quelques jours pour t'apprendre ce qu'on m'a enseigné en plusieurs années. Tu es noble par l'esprit, ça ne devrait donc pas être impossible, n'est-ce pas ? »

La fëalocë passa ensuite les griffes de sa main droite sur le front de l'ingénu pour récupérer les quelques mèches de cheveux qui s'y étaient égarées et les rabattre derrière son oreille, tandis que l'autre enserra sans volonté la délicate gorge de ce cygne à sa merci, ne laissant que glisser le bout de ses phalanges le long de la peau diaphane de la neishaane pour rassembler sa chevelure encore indomptée. Précautionneusement, Rūna peigna entre ses doigts tout le soyeux princier de cette étoffe d'un blond lunaire, pâle comme la lueur d'un distant soleil d'hiver. L'une après l'autre, deux tresses naquirent d'un bout à l'autre de la nuque de la jeune femme, deux tresses que la fëalocë enroula de manière à former un chignon qu'elle fit tenir à l'aide d'une épingle d'or ôtée de sa propre chevelure. Ses gestes dénués de menace parlaient bien plus que ses mots. A sa manière, la Maîtresse Incarnate couronnait Albiréo d'affection et d'une admiration réciproque.
Rūna poursuivit avec bien plus de sévérité, désireuse d'appuyer tout le caractère solennel de ses mots.

« Il te faut apprendre à être irréprochable au regard d'autrui, à être lisse et ne rien laisser dépasser qui pourrait te desservir. Ne leur donne pas de prises sur lesquelles ils pourraient accrocher leur venin. C'est une rude leçon, mais nécessaire à ton épanouissement et ta réussite. Tu as quitté une terre gelée et cruelle pour une autre, moins froide mais tout aussi impitoyable. Il y a ici nombre de femmes et d'hommes assoiffés de pouvoir au point de n'avoir aucun scrupule à trancher des gorges à tout va pour se faire une place, si minime soit-elle. Tu devras à la fois rester fidèle à tes valeurs et t'en départir d'autres même si elles te tiennent à coeur, sur le moment, pour mieux briller dans l'avenir. »

Terminant de peaufiner la coiffure de son précieux diamant, Rūna vint apposer des mains fermes sur les épaules de cette dernière pour les forcer à s'abaisser.

« Une simple attitude peut te faire changer de proie potentielle à prédateur dans l'esprit des autres, pour passer de celle qu'on dévore à celle qui dévore. Il est évident et naturel que tu sois inquiète ou effrayée ! Tout cela disparaîtra très vite quand tu prendras de l'assurance, j'y veillerai. »

S'en retournant pour lui faire face, un sourire doucereux mais lourd de signification étira les lèvres pleines de la fëalocë. Non loin sous l'orfèvrerie d'ambre, d'or et de miel de ses iris sifflait une indéniable fierté dans le regard de Rûna alors qu'elle admirait sa première aspirante.
Elle vint pincer la joue de la jeune femme avec facétie pour mieux l'aider à apaiser les flammes qui brûlaient en son ventre, puis se rassit à sa place afin de finir sa tasse de thé tout en l'invitant à faire de même.

« Avant que nous ne partions, j'aimerais que tu me racontes ton histoire, ton passé. Tes secrets seront les miens. Je dois tout savoir, pour mieux te protéger. Sois honnête et n'aies honte de rien, car j'ai connu le pire. »

Soudainement, Albiréo pourrait ressentir un léger tournis par la brutale pénétration de l'âme de Sărzeghnet dans la sienne, comme si celle-ci devançait toute volonté de la part de la neishaane de taire ou cacher quelque mystère...


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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeLun 14 Juin 2021 - 14:01

« Oh..comme tu es belle, ma chérie. Tu es resplendissante. »

La passion qu'éprouvait Albiréo ne trouva aucun répit. La créature de porcelaine qui irradiait de la lueur farouche des derniers éclats ondulait autour d'elle tel un mythe invaincu. Elle luisait du feu impossible du crépuscule. Même au milieu du faste de son weyr et des réhauts précieux de ses soieries, Albiréo s'émouvait à contempler Rūna évoluer dans un monde qui semblait toujours trop étroit pour la contenir. Elle était d'une beauté si dense, si totale, que le moindre de ses mouvements aimantait son pouls. Le sang chariait une fureur écumante contre son enveloppe de nacre tandis que la fëalocë se levait, et il se rua avec l'avidité du feu vers la paume veloutée qu'elle posa contre son épaule. Une vague de picotements incisifs remonta la courbe de sa gorge et pétilla le long de sa joue jusqu'à s'échouer en morsures douces à la commissure de ses lèvres. La brûlure était piquante, sauvage, délicieuse.
*
L'éclair traversa sa chair et tomba comme un météore dans sa poitrine, sourde et terrible force tellurique dont le souffle brisa et balaya les murs en un instant. Le monde vola en éclats, le monde était de trop. Et le temps de cette vision de désastre, Albiréo brûla de tout détruire, s'enivra de ce néant autour d'elles, vibra par tous les pores d'en être la volonté et la cause. La force écrasante d'une chute aux milliers de tonnes d'eaux primordiales monta en elle, inversant les lois des éléments pour la porter vers des cieux interdits et des vœux de puissance hérétiques. Seule brûlait l'image de Rūna au milieu de ce feu noir, rattachée à sa réalité par la douce pression de ses doigts.
*
Puis, la main de la princesse du Ssyl'Shar la quitta, repliant avec elle le splendide rêve d'apocalypse dont le souvenir brûlait encore au fond des pupilles abyssales la neishaane.
*
« Merci » murmura-t-elle en dissimulant tant bien que mal l'univers de joie incendiaire qui venait de naître en elle.
*
Le sourire malicieux de la belle dame d'incarnat à l'évocation de leurs futurs jeux de parures appela chez la jeune prêtresse un ravissement enfantin qui la désarçonna de bonheur. Albiréo avait toujours éprouvé une grande sensibilité esthétique et un amour particulier pour les matières nobles mais s'était-elle déjà autorisée à les rêver pour elle-même ? Y avait-il au fond d'elle un vieux rêve de fillette tournoyant dans une robe de satin ? Avait-elle envié l'une ou l'autre de ces jeunes bourgeoises, ces poupées de craie et de soie confiées à l'éducation de la Maison de l'Aube ?
*
Alba examina ses souvenirs et en remonta le fil. Elle retrouva l'émoi que lui provoqua une robe de bleu moiré brodée de sequins verts, le col et les manchons de fourrure grise et soyeuse et surtout, la longue main élégamment gantée, posée sur l'épaule de la jouvencelle pour qui avait été taillé ce vêtement. A cette main faisait écho un regard étincelant d'orgueil pour sa progéniture. Un frisson d'horreur avait parcouru la nuque de la jeune prêtresse de l'Aube alors seulement âgée de 10 ans, lorsque la belle main blanche avait glissé de son gant pour jouer avec les boucles de la petite bourgeoise. Elle avait détesté cette main « chosifiante », détesté la fillette que couvait cette main blanche, et détesté l'indomptable élan de son cœur à éprouver une envie dévorante de prendre sa place.
*
Rūna ne pouvait encore soupçonner la portée de ce qu'elle était en train d'accomplir en versant la pluie sur une terre aussi désolée. Qu'il y ait au fond de ses côtes le cœur d'une enfant brûlant d'être aimé n'avait rien de surprenant. Mais son sein abritait un tout autre monstre que l'aridité de la vie de cloître était parvenue à réduire à l'état de sommeil. Seuls filtraient parfois quelques rêves jusqu'à la conscience d'Albiréo. Cette créature à la soif démesurée par des siècles de liens brisés, totalement aveugle à toute autre chose qu'un appétit féroce et absolu, était prête à boire jusqu'à la dernière goutte de sang de la fëalocë pourvu qu'il ait la saveur du lien...Mais de cela, Albiréo était ignorante tout autant que sa splendide maîtresse.
*

Pour l'heure, elle écoutait Rūna avec une attention rigoureuse. Il était difficile d'épingler l'avis personnel de la Chevalière Incarnate au sujet du Seigneur Alauwyr. Néanmoins elle en retint que le Seigneur du Màr tenait visiblement son trône par l'épée. Albiréo n'avait pour ainsi dire aucune autre expérience du pouvoir que celui, purement hiérarchique, imposé à la Maison de l'Aube. C'était un ordre à sauvegarder pour la survie de chacune. Ses connaissances en matière d'histoire lui avaient appris que le jeu politique n'avait rien à voir avec le simple bon sens et l'intelligence communautaire qui ne saurait mettre l'ordre en péril. Les seigneurs quant à eux, quels qu'ils fussent, n'emportaient l'adhésion de tous que dans les chansons de geste. Qu'il y eût quelques opposants ne l'étonna donc guère, il lui sembla cependant lire dans le tableau que lui en dressait Rūna, qu'il y en avait peut être plus qu'un règne bien établi ne le pouvait espérer. Cette impression fut renforcée par les grognements antipathiques de Sărzeghnet.
*
« Alauwyr...Cela sonne comme un vent des sables. Ah !»
*
Le contact anguleux du poing de Rūna dans son dos la prit par surprise. Ses bras se levèrent naturellement vers l'avant alors que son corps, suivant l'impulsion de sa maîtresse, s'allongeait pour lui donner plus de hauteur. Elle haussa les sourcils, étonnée par cette pause de ballerine suspendue et invita d'un regard ses bras à se déposer tranquillement le long de son corps. Déjà la fëalocë papillonnait habilement autour d'elle, s'employant à discipliner ses cheveux d'une main artistique tout en la mettant au fait de sa future éducation. Albiréo inclinait l'oreille d'un côté puis de l'autre, acquiesçant simplement à mesure que Rūna lui fournissait ses conseils, sur un ton tranquille mais qui avaient des allures d'informations capitales. La future Maîtresse prenait soin de l'enrober de toute son attention et allégeait le poids de ses paroles en formules rhétoriques enjouées et confiantes, mais la jeune prêtresse comprenait bien qu'elle allait marcher au milieu des reptiles, et que les dragons, en soi, ne seraient peut-être pas les plus dangereux. Les mains de la fëalocë invitèrent heureusement ses épaules à lâcher leur tension et la neishaane se tourna avec lenteur et s'affaissa en un grâcieux froissement de robe face à sa maîtresse.
*
« Et bien...j'ai peur que mon récit ne soit affreusement banal ! »
*
Elle sentit la présence de Sărzeghnet prendre son esprit d'assaut de manière assez douloureuse. Les événements avaient contribué à ouvrir grand les portes de son esprit, alors qu'elle s'était retrouvée au seuil de la bascule...Mais, malgré la fatigue intense qui l'avait assaillie suite aux multiples épreuves de cette mémorable journée, l'occlusion reprenait progressivement du terrain à mesure qu'Albiréo regagnait ses forces. Ainsi, la présence de Sărzeghnet pour ne pas être encore franchement insupportable, lui occasionnait une gêne comparable aux douleurs sourdes d'une migraine.
*
J'ai été recueillie, comme bien d'autres orphelines au sein de la Maison d'Iolya. Puisque l'avenir ne me réservait rien de particulier en dehors de ses murs et que j'ai eu la chance de me montrer résistante à la rudesse des hivers, les Soeurs m'ont éduqué de manière à rejoindre leurs rangs. La Haute Prêtresse s'est toujours...disons...hautement souciée de mon...mal. » La main droite d'Albiréo vint pudiquement accrocher son épaule gauche alors qu'elle baissait les yeux. « ...l'état dans lequel vous m'avez trouvée n'était pas la première manifestation de mes troubles. J'en souffrais beaucoup étant enfant et cela me jetait dans un état de terreur et de souffrance terribles. La Haute Prêtresse s'est occupée de moi avec beaucoup de patience...j'imagine que ma propension à absorber les connaissances a attiré son attention. Elle a fait le pari que l'esprit pourrait dominer la folie, alors que dans la plupart des cas, la raison est toujours vaincue. J'ignore ce qui lui a fait croire que j'aurais la capacité de dominer ce mal. Pourtant elle m'y a formé, durant de longues et méticuleuses séances, elle m'a apprit à dominer ces tourmentes ou, dans le pire des cas, à savoir quand elles seraient trop puissantes pour être intériorisées et maîtrisées. En ce cas... » Albiréo, la gorge serrée, avala une gorgée du breuvage chaud et perdit son regard dans sa douce couleur ambrée. « ...en ce cas je partais en ermitages quelques jours dans la montagne, le temps que l'orage ne passe. » Elle reposa la tasse avec lenteur et caressa ses bords évasés du bout des ongles, passant volontairement sous silence ces jours qui se perdaient dans les nuits, épouvantés, où elle courrait la montagne et battait son corps contre les rochers en proie aux hurlements et illusions provoqués par ce qu'elle croyait encore être ses accès de démence. Elle revenait toujours le visage creux et l'âme dévastée, rompue par ces épuisantes luttes pour la sauvegarde de sa raison. Les images de la douleur, de ses hurlements et de l'angoisse terrassante de faire naufrage au cœur d'elle-même conjuguée au froid, à la faim et aux maintes douleurs de son corps fourbu furent certainement charriées en un éclair et livrées à son insu en lecture à la dragonne.

« Avec les années, mes troubles se sont estompés et même largement espacés. J'ai consacré ces temps apaisés à approfondir mes études, avoir l'esprit disponible est une telle formidable liberté ! J'y consacrais, entre deux tâches triviales, la totalité de mon temps libre. Parfois, j'avais l'esprit si vaste qu'il m'était permis à la fois d'étudier et de composer un air de musique que je m'empressais de jouer à l'aube suivante ! C'est à cette époque – j'avais autour de 15 ans – que mes dons de neishaane se sont développés. J'avais enfin les ressources pour nourrir mon univers intérieur et pour le projeter. J'avais si soif du monde, j'étais si avide de le connaître dans ses moindres détails que cela donnait à mes illusions une qualité exceptionnelle. Ces qualités ont été d'une très grande utilité à l'hospice...Enfin tout ceci a contribué à faire de moi un élément d'importance j'imagine. Je connaissais la Maison dans ses moindres rouages, mon esprit s'étoffait de jour en jour de manière encyclopédique et la proximité qui s'était naturellement élaborée entre la Haute Prêtresse et moi ont favorisé ma place de Suivante. Néanmoins...je dois vous dire que depuis quelques mois, le mal s'est de nouveau immiscé dans mon esprit de manière récurrente et...je l'admets, difficilement contrôlable. Je n'ai pas encore déterminé la faille qui lui permet de s'insinuer de la sorte. Mes prières ont été vaines...Du moins jusqu'à votre arrivée. Je n'avais jamais...Personne ne s'était jusqu'à présent insinué dans mon esprit. J'ignore comment vous vous y êtes prises. Mais j'admets...» sa voix s'étouffa pour n'être plus qu'un murmure, tremblant d'espoir « ...que cela a été un immense soulagement. »
*
Elle leva vers la Chevalière un regard rougi par une émotion mal contenue. Mais le moment n'était pas aux manifestations émues, elle devrait avoir toute sa raison et la fermeté de son esprit pour se présenter au Mahalma. Elle chassa cet excès d'eau en secouant brièvement la tête pour revenir, dans cette ambition, aux sujets qui l'intéressaient.
*
« Rūna, il reste un élément que j'ai du mal à saisir. Pardonne mon ignorance, mais, puisque Sărzeghnet est la Reine Incarnate et qu'elle incarne à elle seule l'emblème suprême du Mar...Quelle est ta place en son sein ? »
*
A mesure que la coquille formée par l'occlusion se reconstituait la présence de la dragonne semblait se dessiner dans l'esprit de la neishaane comme une énorme et douloureuse épine. Mais la jeune prêtresse, habituée à supporter les maux occasionnés par un mal transporté depuis ses plus tendres jours isola la douleur pour ne laisser transparaître qu'un léger pli entre ses sourcils.

[HRP : J'ai pris le parti de dire qu'Albiréo n'a pas conscience que c'est la présence de Sarza qui la gêne, ni qu'elle est en train de la "repousser" avec son occlusion. J'espère que cela conviendra, je me sens un peu rouillée mais quel bonheur de reprendre la plume avec toi !]
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Rūna Sălv
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Rūna Sălv


Date d'inscription : 07/06/2014
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Présentation : X
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Âme-Soeur : L'Incarnate Sărzeghnet
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Ordre Draconique : Ordre Draconique d'Ombre (Kaerl Ardent)

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MessageSujet: Re: [RP] Triade pour une Trinité   [RP] Triade pour une Trinité Icon_minitimeLun 5 Juil 2021 - 12:51

Rūna, emblème impérial des veuves noires, admirait non sans distiller la perfidie de son venin ce petit papillon lunaire qui s'était laissé prendre dans sa toile toute aussi funeste que glorieuse. La comparaison n'avait guère valeur de décret à bien y observer la situation, car cette araignée ne cherchait en rien à dévorer ce semblant de proie, ni plus que celle-ci semblait vouloir se défaire de ses entraves de soie. Bousculant en quelque sorte les lois même de la Nature en un tableau unissant les ennemis jurés, la lionne accordait toute sa révérence à l'oryx.
La joie émue et fière de la neishaane l'inondait en silence et la ballotait bien volontiers sur les calmes vagues d'une mer inconnue pour celle qui n'eut connu que tempêtes et maelstroms. A cet instant précis, la terrible fëalocë su apprécier l'accalmie de ce qu'elle qualifia de "trêve de son existence." Probablement trop spontanément fusionnelles ou trop éblouies l'une par l'autre, aucune des deux ne pouvait encore ressentir les tressaillements de la terre sous leurs pieds, soubresauts annonciateurs de catastrophes dévastatrices. Pour l'heure, elles existaient ainsi, telles deux créatures oubliées du Monde, prisonnières de leur microcosme mais maîtresses de leurs propres règles.


Le weyr tout entier gardait entre ses serres millénaires ces deux poussières juvéniles, possessif, la bave ruisselant des crocs mais tenu à bonne distance par ce Cerbère aux écailles de sang dont le regard mort le scrutait néanmoins avec une singulière clairvoyance. Entre les ombres rampantes de l'alcôve au dôme haut et aux murs de roche volcanique s'insinuait l'âme de Sărzeghnet, à la fois éminemment plus noire que cette enceinte mais aussi lumineuse d'un brasier colossal et aveuglant, de ceux qui ravageait des forêts entières. Toute autant gardienne que geôlière, la Reine couvait du regard ses deux princesses, autant celle qui était son égale par le Lien que celle qu'elle considérait comme sa fille.
Pourtant, bien qu'aveugle, l'Incarnate s'estimait omnisciente et éclairée sur des plans inatteignables pour ceux qui ne savaient voir, toisant les galaxies gonflée d'un orgueil divin pour mieux Juger ces mortels qui lui paraissaient ridiculement petits, trop minuscules pour ses vastes aspirations. Au delà des enveloppes charnelles qui abritaient l'esprit de ces deux femmes rugissaient des monstres prêts à bondir dont ni l'une ni l'autre n'avait encore pleinement conscience : des bêtes assoiffées de sang et de carnages, l'écume aux lèvres de dévorer toute vie pour régner sur les cendres d'un univers brûlé de leurs propres mains. Sărzeghnet estimait alors avoir le poids d'une déesse, comme s'il lui était possible de choisir la destinée de Tol Orëa et même tout Rhaëg par ses propres choix ou ses propres actions. Bien loin de s'en voir le coeur alourdi par pareille tâche, comme pointant du doigt qui devait vivre ou mourir avec la plus froide cruauté, l'Incarnate s'en sentit incommensurablement suprême. Trop pragmatique pour se convaincre d'une telle pédance, la Reine acceptait néanmoins quelques bribes de cette fatalité du Sort.
De toute la lourdeur de son silence inquisitorial, tissant mentalement les fils que voulaient bien lui confier les Moires, Sărzeghnet appréciait l'amour sororal naissant entre ces jumelles séparées par des siècles et propulsées à des hémisphères opposés. Son mutisme ne fut trahit que par son courroux à l'encontre du Seigneur Ardent lorsque celui-ci fut évoqué.

** Nulle femme digne de ce nom ne devrait se laisser infléchir par les caresses aimantes d'un mâle. ** Maugréa-t-elle, avant d'être rappelée à l'ordre par l'indicible morsure de l'oeillade assassine que la fëalocë lui asséna. Albiréo n'était pas encore au courant, et devait l'ignorer autant que fut se put.

« Notre souverain vient des mêmes contrées que moi, il n'est donc pas étonnant que tu trouves des chants similaires à mon nom dans le sien. Mais tu le verras, tout nous oppose. »

Assise avec dignité, la tasse de thé tiède entre ses mains de statue, elle écouta avec attention le récit que lui conta la neishaane. Là où d'ordinaire la princesse Ssyl'Sharienne se tenait à l'affût de la moindre miette à dérober de la bouche de ses interlocuteurs, il apparut que pour une fois elle but cette histoire avec une certaine retenue, un certain respect.
Au début de la narration visiblement douloureuse de la jeune femme, Rūna ressentit un vide profond qui voulut l'ingurgiter dans son entièreté. Le même vide qui poursuivait la prêtresse depuis tant d'années, un trou noir qui vociférait depuis les lointaines contrées glacées du Vaendark d'où elle fut arrachée. La Maîtresse Ardente ne sut sur l'instant si cette sensation fut imputable aux dons de neishaane de sa pupille tant elle en fréquenta si peu auparavant - si ce n'était aucun, d'ailleurs - mais elle lui fut des plus désagréables. Comme pour remplir ce gouffre béant, elle avala d'une traite ce qui dansait au fond de sa tasse, remplissant son estomac qui appelait à des appétits plus inexplicables à mesure que l'aspirante parlait, parlait, parlait.
Là où la poupée de nacre possédait le pouvoir inhérent aux facultés de sa race à pouvoir instaurer l'harmonie dans l'esprit de ses auditeurs, il apparaissait que sa voix savait aussi porter des maux capables d'engloutir d'irréductibles titans. Ici résidait toute la beauté de son apparente fragilité : une mésange derrière qui la clarté laissait se dessiner l'ombre de chimères rappelant les sirènes, redoutables femmes-oiseaux qui régnaient sur les océans d'après les anciennes légendes propres aux océans entre Orën et Ys.
Albiréo était une rose, certes, au parfum délicat mais captif d'un bouton encore in-éclos avide d'en séquestrer la quintessence, et ses épines s'affutaient à mesure que son envie de naître croissait.

Goutte après goutte, acceptant la pluie de mots, la fëalocë concéda donc à se laisser tremper par l'averse. Puis le déluge stoppa net, le nuage noir et lourd fut chassé par une éclaircie soudaine.

« Mes prières ont été vaines...Du moins jusqu'à votre arrivée... »

Sărzeghnet garda le silence, décortiquant l'esprit de la neishaane avec une précision médicale. Albiréo, toute néophyte et experte à la fois, avait su saisir la lance tendue par la Reine : apprendre à résister aux assauts psychiques d'un dragon. A mesure que la jeune femme se fermait sans réellement commander l'abaissement de cette herse, l'Incarnate n'insistait plus et se retirait, lentement, afin de ne rien briser en sortant.
Rūna quant à elle parut se figer sur sa chaise, les épaules basses et la gorge serrée sous l'étau d'une telle profondeur. Et, la neishaane terminant le récit de son existence, les paupières chargées de brisures de larmes, lui véhicula toute son émotion. La fëalocë ne pleura pas, mais les reliefs si sévères de son visage parurent s'effacer pour ne rien dévoiler d'autre qu'une sincère peine. Albiréo la touchait ou du moins laissait-elle cette dernière la toucher, poser les doigts tremblants de son âme sur la sienne. Au moment où les lèvres de sa pâle égérie formulèrent le mot "soulagement", Rūna le vécut viscéralement. L'histoire d'Albiréo, brûlure par le gel d'un désert désolé de toute joie, fut balayé par sa propre volonté d'outrepasser son passé. Alors que son perce-neige se déraidissait et tâchait de reprendre en hargne, la fëalocë en fit de même et se redressa à son tour. Loin de s'apitoyer sur son sort, la neishaane se voulait revancharde sur la Vie , une qualité que sa Maîtresse vénéra par dessus-tout tant elle en fit un moto pour sa propre existence.
Secouant quelque peu la tête pour retrouver ses esprits, sonnée par le vacarme de ce conte, elle prit une grande inspiration pour se concentrer sur la réponse à apporter à la question de sa pupille.

« Pour l'heure, je suis ta Maîtresse et Liée à Reine. Le Màr doit me témoigner le respect en continuité de ma Soeur, nous sommes toutes deux symbole et emblème du Màr Tàralöm. Hélas, ces valeurs vernaculaires se sont perdues par le manque de noblesse de mes prédécessrices. J'aspire à rendre sa superbe aux Triades Incarnates et sa gloire au Kaerl. J'ai mes propres ambitions pour devenir quelqu'un ici bas, en deçà de l'ombre de ma dragonne. Nous y gagneront toutes deux et même toi, car je ne doute pas de ta grande élévation. »

Une fois déposé cette sentence qui avait bien entendu des allures de mise au défi, Rūna se leva et repoussa sa chaise sous la table, calmement. La fëalocë, à sa manière, remercia Albiréo de lui avoir ainsi ouvert son coeur en pressant simplement une main impériale sur le bras de sa protégée, un geste appuyé d'un regard aussi perçant qu'à l'accoutumée mais volontiers chargé de reconnaissance.
Glissant le bout du doigt sous le menton de la neishaane, s'armant d'un sourire qui avait pour tâche de regonfler les aspirations de sa plus précieuse étoile, Rūna se hâta de poursuivre avec plus de légèreté.

« Beaucoup de travail nous attend. Aujourd'hui sera la première étape : ton intronisation auprès de la plus grande autorité du Kaerl. Mettons nous en route, il est déjà tard et le Seigneur ne respecte guère son emploi du temps ! »

Alors que leurs pas les éloignèrent l'un après l'autre du coeur du weyr, jusqu'à l'instant où la porte se referma derrière elles, la grotte perdit un peu de son anthropomorphisme. Les gargouilles embusquées entre les crêtes de roche lissées par les affres du temps parurent repues mais non résignées à veiller sur les biens de leur maîtresse, prêtes à sauter à la gorge du moindre badaud qui passerait la porte sans y avoir été autorisé. Apaisées par les effluves d'encens de résine, les ombres domptées par Rūna s'en retournèrent dans leur cachette en attendant le retour de celle-ci.

[Suite ici => Sic itur ad astra !]


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