[RP] Alsund

Cher Caly,
Est-ce que tu es bien arrivé au Kaerl Englouti ? Est-ce qu'il y a des plantes là-bas et que ton pouvoir fait pousser les algues ? Est-ce que tu te fais des amis ?
C'est très calme ici depuis que tu es parti même si ça fait que 4 heures.
(Maman dit que c'est parce que Terreur est partie avec toi. Moi je crois pas.)
Bisous,
Dimpa

La lettre avait accompagné Calenadh dans ses premiers jours comme un talisman de papier un peu froissé. Il y avait répondu, bien sûr, dès qu’il avait pu mettre la main sur un lézard de feu, avec le récit de ses aventures, de ses premiers temps passés à retrouver Ziem à l’aube et à arpenter le Kaerl jusqu’au crépuscule et au rendez-vous suivant. Il avait déambulé dans les lieux au hasard dans les premiers temps, puis quadrillé l’espace jusqu’à y trouver ses repères – surtout ceux qui permettaient de retrouver son maître et l’allée des idoles où, sans gêne et sans regret, il s’allongeait, caché dans les fleurs ou assis face à une statue, quand il avait besoin de penser. Certains débats intérieurs avaient malencontreusement fait pousser une belle gerbe d’herbes folles qui n’avait pas inquiété l’aspirant, installé dans les lieux comme chez lui.

Mais aujourd’hui n’était pas un jour à débattre avec les statues de l’Allée – aujourd’hui était une nouvelle aventure, plus encore que d’ordinaire. Solidement sanglé sur Murdoch, absolument ravi du vol, Calenadh se désintéressa de la petite barque en contrebas sitôt qu’ils s’en cachèrent. À la place, il sortit la langue, curieux de savoir si les nuages avaient un goût, inspira pour déterminer s’ils auraient un parfum. Les nuages différents avaient-ils des odeurs changeantes ? Emportaient-ils les fragrances de cuisine et d’iode de leurs voyages ? Il faudrait répéter l’expérience. En attendant, il suivit l’avertissement du Noir et rangea sa langue alors qu’ils plongeaient dans l’Interstice.

L’endroit où ils en ressortirent n’avait rien de comparable avec quoi que ce soit que Calenadh connaisse. Ce qui n’était certes pas beaucoup, il en était conscient, pour un adolescent ayant vécu toute sa vie au même endroit. Mais tout de même. Intrigué et un peu perturbé, l’aspirant mit pied à terre et, ayant à peine ouvert sa veste de vol s’accroupit pour examiner la terre. Enfin... Les cailloux. Les cailloux secs et stériles.

"Ça a été, j’aime bien voler !"

Il ne l’avait fait que par procuration, avant Murdoch, quand les sensations de Terreur s’emmêlaient aux siennes au cours de courses folles à dos de bestiole. Le vivre réellement n’avait pas d’équivalent. Retournant distraitement un caillou entre ses mains, il inclina la tête sur le côté pour jauger Ziem et réfléchir à sa question.

"C’est une nouvelle leçon."

Ça, c’était la partie facile de la réponse. De toute façon, tout était un peu une leçon si on le voulait. Bien plus ravie, Terreur étira son cou sinueux hors des fourrures avec un son flûté et enchanté, lorgnant déjà les coins où le soleil caressait la roche. D’un battement d’ailes, elle s’envola pour aller inspecter lequel de ces aplats dorés conviendrait pour bronzer.

"De la méditation ? Quelque chose en lien avec le fait de se trouver face à soi ?"

Après tout, il n’y avait dans les parages pas de bibliothèque, pas de gens ni de plantes, pas de statues d’Engloutis avec qui monologuer pour trouver ses propres pensées. Juste la roche nue et la mer comme un miroir si opaque qu’il ne pourrait pas converser avec son reflet. Ç’aurait été logique : il valait probablement mieux se présenter sur les Sables en sachant à peu près qui on était, histoire qu’un dragon sache à qui il se liait.