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 [RP] Première danse

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Rūna Sălv
Maitre Dragon
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Rūna Sălv


Date d'inscription : 07/06/2014
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Race : Fëalocë de sang pur
Âme-Soeur : L'Incarnate Sărzeghnet
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Alignement : Loyal Mauvais (Kaerl Ardent)
Ordre Draconique : Ordre Draconique d'Ombre (Kaerl Ardent)

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MessageSujet: [RP] Première danse   [RP] Première danse Icon_minitimeDim 26 Sep 2021 - 13:48

* Zakerielku 919, à la sortie du Mahalma.

Une colonne après l'autre et de voûte en voûte, tous trois cheminèrent le long de cet intestin de pierre aux obscurs gargouillements. Le Mahalma tout entier s'articulait autour d'eux comme l'Amphisbène, une sensation de mouvement mimée par les différentes lumières qui laissaient danser ombres et formes aux contours incertains le long de ses murs et de son sol. Quiconque avait déjà arpenté le ventre de cet édifice pouvait ressentir toute l'étrange emprise que les lieux exerçaient. En dépit d'un parfum aux relents austères, une note plus douce et enivrante régnait, tapie sous les odeurs de roche et de cendre froides prisonnières des couches sédimentaires millénaires. Dans les entrailles de cet abdomen de granit germaient des fleurs aux corolles faites des riches étoffes habillant son enceinte ou aux couleurs des empalés par l'éclat de Solyae, et aux pistils d'or et d'ambre nichés dans le cœur des lanternes allumées tout autour. L'envoûtement émanait aussi par le regard inerte des statues logées dans les différents recoins des alcôves qui se succédaient de part en part : bien que leurs yeux fussent immobiles, les ombres se plaisaient à valser entre les sillons calcaires qui dessinaient paupières et pupilles, et il n'était pas improbable d'imaginer miroiter de façon fugace le brillant d'une cornée à la surface de ces iris minéraux. Entre les colonnes-côtes de son squelette de pierre, sous ce haut toit aux vertèbres faites d'arcs et de croisées d'ogives et tout le long de sa droite colonne vertébrale, un souffle lourd de sens s'insinuait, comme si ses nefs et bas-côtés furent capables de respirer.  

Le Mahalma était âgé, et par conséquent muni d'un métabolisme lent. Aussi dut-il ruser pour garder le plus longtemps possible ses proies en sa panse, rivalisant de stratagèmes en ce sens : les œuvres d'art se mêlaient aux armes, et la poésie composait ses vers le long de la roche taillée et recouverte des bas reliefs contant l'Histoire du Màr Tàralöm... Ainsi se liaient les différents membres du Kaerl. Car le Mahalma aimait goûter à tout, que ce fut en matière de représentation seigneuriale ou par sa plèbe cosmopolite. Et tous aussi disparates qu'ils furent une fois confrontés les uns aux autres, les membres du Màr Tàralöm ne pouvaient que deviser, débattre ou perdre leur temps à vainement délibérer au sujet d'une dépense à l'utilité questionnable ou encore d'une alliance nouvelle entre deux personnes aux idéaux ennemis... Au grand bonheur des appétits voraces de l'édifice, les conversations duraient dans le temps, lui laissant tout loisir de déguster ses prises du jour.
Mais ce repas ci... Le Mahalma fut incapable de le digérer.

Le trio regagnait la sortie dans un calme apparent, sans avoir conscience d'être régurgité par l'entité invisible qui les cernait. Leur sang et leur chair étaient peut-être trop riches au goût de la créature ou leur viande trop forte à son palais... ? A moins que ce ne fut ce brûlant poison qui pulsait dans chacun de leur cœur ? Oui, même dans celui du fragile bouton de rose opalin qui parut à la merci des deux fauves, un venin amer se distillait en silence, une goutte après l'autre. Une bile cristalline dont se dégageait une odeur de fleur rappelant l'oléandre blanc et qui flairait bon la gourmandise par ses notes rappelant l'amande amère... Soient une fleur de laquelle on prélevait une toxine servant à élaborer des poisons et un fruit mortel duquel on extrayait le cyanure.
Des trois, Albiréo était probablement la pire, car se jouait des apparences. Sous tout son fatras de présumée candeur ingénue et sous sa virginale nudité à la pâleur digne des naïades, une terrifiante strige attendait impatiemment son heure pour lacérer cette enveloppe charnelle modelée dans la plume et le nacre. Peut-être malgré elle - ou non..., la neishaane trompait le monde entier en présentant un masque de Vertu. Pourtant... Non, il est trop tôt pour que vous en sachiez plus.

Profitant d'un endroit où la foule se fit moins dense, Rūna et son aîné échangèrent quelques mots dans le strict secret de leur langue natale. Il était probable qu'Albiréo se questionnât au sujet de ces messes-basses et de la raison pour laquelle on voulut clairement l'empêcher d'en saisir la teneur. A tout admettre, la fëalocë s'en joua quelque peu, car elle ne pouvait s'en empêcher et ce même malgré son gré. Si cette dernière jeta son plein dévolu sur l'entièreté de la jeune femme toute façonnée de givre et de cristal, elle ne put s'empêcher de vouloir garder une manoeuvre de retrait au moindre soupçon la concernant. Car une anormalité lancinante persifflait à son oreille à chaque fois que son regard se posait sur la silhouette de sa protégée... Le sixième sens inhérent à tous les fëalocës vibrait à la présence de cet indicible danger, bien qu'il ne s'articula pas en la matière d'un assassin armé de coutelas ou d'un Sang bien décidé à la remettre à sa place par quelque fatale humiliation.
Peut-être était-ce lié à des mécanismes subconscients de sa part, venus tout droit des trahisons vécues par le passé, ou tout simplement par l'opération de son âme condamnée à la damnation éternelle à cause de ses ancêtres... Mais même en simulant l'abandon total à l'égard d'Albiréo, une partie enfouie de la vipère écarlate se refusait à quitter son nid... Pour l'instant.  

S'il était encore bien tôt pour questionner la prêtresse de Iolya, une part de la fëalocë s'empressait pourtant d'en découvrir davantage concernant son aspirante, désormais certaine que cette petite mésange était officiellement à elle. Et, coup de bonne fortune !, Albiréo justifiait par sa blessure d'une visite auprès des personnes appropriées dans l'étude de son cas. En cela, Rūna remercia intérieurement Alauwyr de les avoir sommées à se rendre auprès du Maître Guérisseur en personne, ami de la princesse Ssyl'Sharienne.

Le coeur un peu plus apaisé par les dernières paroles de Thaddeus, Rūna salua son frère avec un profond respect et l'irrémédiable envie de le prendre dans ses bras - ce qu'il parvint à lui interdire par une oeillade bien pesée. La Sălv releva bien également cet éclat méfiant qu'il administra à la neishaane et sa paume ensanglantée par un regard plutôt long et appuyé pour un homme aussi froid et détaché du commun des mortels. Son regard de jaguar suffisait à menacer sans qu'il n'eut à ouvrir la bouche. Après plusieurs secondes, enfin, le Décurion se tourna vers Rūna et prit congé par des salutations respectueuses.

« Sala at hna. » (Adieu, pour dire au revoir.)
« Sala at hna ! »

Au pas de la vaste porte se rouvrant sur un univers moins lourd mais tout aussi majestueux, Thaddeus inclina brièvement le buste, courtois, une première fois à l'encontre de Rūna et la seconde fois envers Albiréo, tout en se désarmant de la quasi-imperceptible tendresse qu'il offrit à la Maîtresse de celle-ci. Tandis qu'il se redressa, un énigmatique courroux auréola ses iris taillés de vieil or, de ceux qu'on offrait pour murmurer "Méfiance" sans prononcer un mot. La Varpelis manquait évidemment, à cet instant précis, de l'expérience nécessaire pour se voir flattée d'un pareil honneur : nourrir de la défiance dans l'esprit d'un Décurion et héros de guerre des plus inébranlables était un insigne distinction. De manière générale, Thaddeus n'aimait guère qu'on s'approcha de trop près de ceux qui constituaient son clan, quand bien même il fut incapable de témoigner de ce type d'affect. Il ne s'attarda pas, néanmoins, et recula de deux pas avant de leur tourner le dos et s'en aller regagner sa place auprès du Seigneur Ardent.
Rūna l'observa s'éloigner sur quelques mètres avant d'enfin couvrir à nouveau sa pupille de paroles.

« Par Flarmya... Tu as l'art de rendre tes entrées spectaculaires. »  Y avait-il un brin de désapprobation dans ses propos ? Assurément.

Rūna soupira, témoignage de son irritation perceptible mais sans plus de manifestation. Ses yeux d'ambre allèrent se lover sur la bandage de fortune qui s'était imbibé de vermeil, enroulé grossièrement autour de la main d'Albiréo. Le doré se perdit dans le grenat alors que la fëalocë sentait encore son coeur battre sous les coups de la malsaine ivresse que lui provoqua le contact de ce sang... Elle parut même s'égarer un moment dans une muette contemplation avant de soudainement s'extirper de ses pensées pour relever les yeux vers ceux de la neishaane et lui offrir une expression mêlant la fierté à la sévérité de ses pupilles noires.

« Tout a prouvé que je t'ai merveilleusement bien choisie, dans ce cas. »

La Maîtresse Incarnate lui offrit un sourire mesuré, et ses doigts se glissèrent entre les plis de la robe de velours noir pour tenter de remettre la toilette de la jeune femme en place.
Eludant bien volontiers la brûlante rencontre entre elles et le Seigneur Ardent - encore aigre des propos échangés -, Rūna poursuivit.

« Malgré tout, nous allons obéir et nous rendre au dispensaire afin que le Maître Guérisseur étudie ta plaie. Tel que je le connais, il me maudira d'avoir amené une furie telle que moi pour grossir les rangs du Kaerl, mais il ne rechignera pas à te soigner !
Qu'as-tu pensé de cette mise en bouche concernant ton avenir ? »


Alors qu'elle reporta son attention en direction du chemin qui menait au temple, déjà prête à poursuivre le déroulé de cette ô combien excitante journée, la fëalocë parut hésiter, tant face à ses propres pensées que face à Albiréo, avant de maladroitement demander :

« Tu te sens capable de marcher malgré tout, n'est-ce pas ? »

Les questions dissimulées dans celle-ci étaient multiples, liées à une certaine volonté sous-jacente de tester la résistance de son petit perce-neige. En dépit de cette distante inquiétude avouons-le bien maternelle qui relevait plutôt d'un "Te sens-tu bien ? La douleur n'est-elle pas trop insupportable ?", Rūna tentait d'évaluer les limites de la fille du Vaendark. Albiréo devait être prête à sacrifier sang et âme pour toute la gloire de sa réussite, et une simple mutilation n'était qu'un amuse-bouche au regard des épreuves qui l'attendaient. Elle souffrirait mille maux bien plus douloureux qu'une coupure en récompense de l'Abondance, si tant fut qu'elle en eût la volonté. Car Rūna, elle, ne reculerait devant rien si sa luciole s'en montrait digne, l'avenir s'évertuerait à le leur prouver à toutes les deux... Ce "n'est-ce pas", en revanche, revêtait la couleur du Défi, vraisemblable aux provocations essuyées par les chevaliers qui avaient déjà occis plusieurs comparses lors des joutes. La formulation employée par la fëalocë avait le goût de la rouille... Si Albiréo n'était pas capable de se remettre rapidement de ses émois et sa blessures, Rūna l'abandonnerait probablement au détour du premier caniveau. Voilà ce que présageait cette interrogation.
Après une énième indécision, ce qui était un comble pour une personne aussi maladivement assurée, la Maîtresse Incarnate jeta un coup d'oeil à droite et à gauche pour s'assurer que ses prochains mots resteraient discrets et seulement destinés à son aspirante.

« J'attache une grande importance à ta réussite mais aussi ton bien-être en ma compagnie et au sein de cette vie nouvelle, alors ne me cache rien. Je répondrai à toutes tes questions, si tu en as, si je le peux. Sache que ton acte aujourd'hui face au Seigneur Ardent en personne ne sera pas oublié... Pour le meilleur comme pour le pire, de ma part ou de la sienne. Appuyant sa tirade d'un air entendu et solennel, comme on actait la Prophétie, elle marqua une pause en détournant le regard. Puis, après quelques secondes, rejetant son attention sur elle.  Je suis fière de toi, Albiréo Varpelis, tu seras ma digne aspirante. Je récompense toujours les efforts des personnes qui en sont louables, tu peux donc d'ors et déjà me faire crédit de tout ce que tu voudras. Mais avant tout, allons montrer ta paume aux guérisseurs, que tu survives afin de réclamer ton dû. »

Dans cet art de manier le verbe, parachevant sa tirade avec plus de légèreté, Rūna maniait pourtant bien les ficelles de la manipulation ou de son bon dosage, du moins. Le miel succédait toujours aux épices lorsqu'elle s'exprimait, là aussi pour le meilleur et pour le pire.


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MessageSujet: Re: [RP] Première danse   [RP] Première danse Icon_minitimeMar 28 Sep 2021 - 22:20

Pour être fascinante, cette journée était fascinante. La chrysalide du Vaendark avait manqué le trépas avant l'éclosion, abandonné une vie pour une aube, passé le vide sidéral de l'Interstice, rompu un serment pour en sceller un autre aux arcanes aussi profondes et mystérieuses que la nuit elle-même. Sans hésiter. Elle avait pénétré le cœur et l'âme même de son nouveau monde pour le marquer d'une trace qui serait indélébile, peut-être...La sensation prégnante qu'un sceau puissant s'enfonçait dans sa chair dans l'intention évidente de pénétrer ses os ne la quittait pas, depuis qu'elle avait croisé la dame aux yeux d'or. Pourtant, elle n'avait pas eu un mouvement de recul. Elle se faisait l'image d'un fou s'enfonçant volontairement le glaive ennemi dans les entrailles, mais elle n'en avait cure. Elle avançait sans détour et laissait la gueule béante du Mahalma refermer ses crocs séculaires sans un regard. Elle s'était montrée telle qu'elle avait toujours été : calme et droite. Embrasée de l'intérieur. Elle avait tenu tête aux damnés, à la révélation quasiment divine que représentait la magnifique Sărzeghnet, au redoutable verdict d'un seigneur qui lui était aussi étranger que la neige l'est au désert du Ssyl'Shar. Elle ne comprenait goutte de ce que  Rūna et le Décurion échangeaient et à vrai dire elle n'étendit pas, cette fois, son esprit au dessus d'eux pour tenter d'en tirer quoi que ce soit.
*
Le poids de cette journée éprouvante la recouvrait comme la nuit progressait sur le jour, irrévocablement. Sous la plante de ses pieds, une marée montante, froide, lui engourdissait les chevilles. Lentement, elle s'aventura jusqu'à lui laper les mollets et accrocher ses petites dents pointues à ses genoux. Ses jambes étaient considérablement lourdes mais elle choisit chacun des pas qu'elle plaça devant l'autre. Elle tenait devant elle son poignet gauche. Une tache de vin évoluait lentement sur son bandage de fortune. Elle ne savait trop si c'était la douleur qui la maintenait en éveil ou bien si c'était la contemplation de son propre sang qui s'étendait comme une fleur. L'onde froide montait jusqu'à son bassin, le faisait légèrement chanceler. Elle ligota progressivement son buste et ses coudes. A ce stade, l'engourdissement était tel qu'il ne lui était pratiquement plus pénible. Elle s'abandonnait sans résistance à l'épuisement et il lui semblait peu à peu que l'eau la ralentissait tout en la portant. Bientôt, elle ne sentit plus la langue de froid lui piquer l'épiderme ni lui tendre douloureusement les muscles.
*
Elle avançait, tel un automate livide. Le sang se retirait de ses lèvres, ses doigts se recroquevillaient et une vilaine trainée mauve creusait ses paupières inférieures. La marée montante gagnait sa gorge, raidissait sa nuque, s'engouffrait dans sa bouche et engloutissait son ouïe.
*
...de marcher, n'est-ce pas ? »
*
Elle avait un air épouvantable. Son frais teint de rose avait fait place à une mine grisâtre sans éclat. Elle payait le prix du paroxysme. Elle s'étiolait comme un étoile artificielle terminant sa chute en slalomant mollement jusqu'à la disparition totale. Seule une conscience vaguement mélodique lui indiqua qu'une dangereuse invective sourdait des mots de la Maîtresse Incarnate. Le reste, elle ne l'entendit pas.
*
*
Les mots n'avaient plus la consistance encore vaguement sensible des notes de musiques. Ils tombaient sur son âme comme autant de galets qui ricochaient d'un bond ou deux avant de s'enfoncer d'une traite et se déposer avec délicatesse sur un lit de vase. La pluie de pierres rondes tiraient son souffle, ce mince voile blanc, infirme, qui ne s'extirpait plus qu'avec difficulté de ses lèvres. Les pierres de rivière s'amassaient sans la heurter, tombant l'une par dessus l'autre et la lestaient d'un poids qui lentement, lui, la promettaient aux sables mouvants. L'eau les recouvraient toutes deux, elle et Rūna. L'onde les entourait d'une onirique lumière bleutée qui ondulait presque amoureusement avec les ailes de la mort. Au milieu de ce lac où les ténèbres n'avaient pas encore gagné, Albiréo avait tout le temps d'observer les mots couler jusqu'à ses lèvres avec une lenteur de poissons. Elle avait le loisir de sentir qu'elle les avalait, un par un, avec douleur et indifférence. De sentir le sable qui, à mesure qu'elle s'emplissait de pierres, la digérait, lentement, très lentement. Elle se perdait en hypnose dans l'or mouvant autour des pupilles noires de la fëalocë. Albiréo ne clignait même plus des yeux, d'une immobilité de chat sous l'emprise d'une bougie.
*
Un courant contraire anima l'univers figé et aquatique qu'elle s'était créé d'un mouvement inattendu. Une brise soudaine fouetta sa conscience, rapportant des embruns et quelques phrases effilochées qui peut-être venaient d'être prononcées...peut-être avaient voyagé quelques temps avant de lui parvenir. Le temps, sous l'eau, n'avait plus de consistance...Le vent chuchota d'abord à la surface, dédoublant les mots et leur sens comme une nuée d'oiseaux aux ailes inquiètes. Puis les phrases s'articulèrent plus clairement, rassemblés par quelque chants de sirènes qui recomposèrent le verbe avec art, jusqu'à lui délivrer.
*
« ...tu peux donc d'ors et déjà me faire crédit de tout ce que tu voudras...que tu survives afin de réclamer ton dû...»
*
L'eau, le sable, les oiseaux, les galets suspendus, tout tomba comme si la gravité avait subitement rétabli ses lois. Ceux qu'elle croyait avoir avalés roulaient entre ses mains. Elle les serra entre ses doigts gourds tandis qu'un mince sourire à l'ivresse brûlante tremblait sur ses lèvres. Ils tombèrent à terre un à un, entraînant le bandage ensanglanté dans leur chute. Sa vision était encore floue d'être restée trop longtemps sous l'eau, mais cela n'avait que peu d'importance. Les deux cercles d'or en fusion qui l'avaient captivée fixaient toujours leur emprise sur elle. Elle leva vers eux son regard de cobalt. Leur résister..? Les affronter..? Non.
*
« Mon dû ? »
*
Elle s'en emparerait.
*
La neishaane ne voyait presque plus et pourtant elle n'avait peut être jamais vu aussi clair. Son corps éconduit aux extrêmes limites de l'épuisement se dressait, irradiant d'ivresse. Son souffle n'était plus qu'un filet, affamé. Elle ne comprenait rien et pourtant, elle concevait tout. Elle s'approcha de la Dame Incarnate jusqu'à sentir la chaleur de son corps la contenir d'aller plus loin. Cette résistance qui lapait ses bords comme le feu léchait la glace la satisfit tant qu'un sourire pétri de victoire étira ses lèvres, découvrant ses dents à quelques centimètres de la peau de porcelaine de la rubescente créature. Elle aspira, ou plutôt elle but avec une lenteur calculée et savoureuse le parfum capiteux de la fëalocë. Elle se délecta de l'air tiède qui s'échappait de ses lèvre avec autant de soif que si cela lui donnait le pouvoir de la priver de souffle. Elle rêva qu'elle aspirait sa vie et ce rêve coula dans sa gorge comme l'ambroisie. Oh, elle ne voulait pas la lui voler toute entière. Non, son rêve était bien plus terrible : elle voulait la rendre esclave, aussi esclave qu'elle pouvait l'être elle-même. Mais, pas trop vite, non, pas trop vite.
*
C'était déjà plus que la décence ne le pouvait accepter et à vrai dire, elle s'en délectait outrageusement. Son regard courait dans l'ombre précieuse que couvait les cheveux cinabre retardant avec un plaisir non dissimulé l'instant où ils rencontreraient de nouveau les yeux d'or ourlés de noir. Effarés ? La couvriraient-ils de foudres ? Elle s'en impatientait et jouait avec le plaisir de retarder cet instant. Sa main à plaie ouverte s'égarait déjà à la lisière de la crinière ondulante.
*
Les saveurs qui dansèrent sur son palais valsèrent avec l'âpreté onctueuse du vin. Ses pupilles se dilatèrent, elle fut prise d'un étourdissement qui manqua de lui faire perdre pied. Son attention se fixa un instant sur l'artère qui pulsait, vulnérable, au creux de la gorge de Rūna. La fascination faillit bien la faire basculer de nouveau du côté des captives...Mais elle avait inhalé l'enivrant parfum et devait se résoudre à le rendre. Le regard accroché à la veine qui semblait s'affoler, elle dut faire un effort prodigieux pour se contenter d'exhaler un souffle brûlant de givre et de feu puis se retirer. La danse des sensations la transporta sans doute plus qu'elle ne s'y était attendue, bien plus. Ses lèvres se refermèrent, à regret et elle fit un pas de côté, laissant ses doigts glisser le long de la mèche de cheveux rouges pour retomber le long de sa robe de velours. Son trouble soigneusement dissimulé sous l'ombre de ses paupières, elle se détourna de Rūna avec la même offensante – mais cette fois-ci parfaitement feinte -  facilité qui l'avait conduite à l'approcher.
*
« Il semble, en effet, que l'on me doive quelques explications. »
*
Cinglante et ironique, la réflexion voilait bien volontiers ce que la neishaane venait de voler, reléguant avec un aplomb prodigieux l'instant précédent au quasi terme d'imaginaire. Pour autant, sa morsure était effectivement amère, car sous réserve de lui livrer ses connaissances et de veiller à son « bien être », Rūna avait très visiblement gardé de nombreux éléments sous silence et joué de dissimulation. Notamment en ce qui concernait le Seigneur Iskuvar et elle-même, sans parler de la nature de cette intronisation soi-disant « protocolaire ».
*
« Allons là où nous sommes attendues. Je prendrai soin de réclamer ma récompense en temps voulu, ma chère.»
*
Elle mit bien malgré elle, plus de cette flamme possessive qu'elle ne l'aurait souhaité dans ces derniers termes. Mais, à vrai dire, la tête lui tournait affreusement et son esprit vacillait au seuil de l'inconscience. Pour ces raisons plus qu'à cause de son égratignure, il était plus que temps pour elle de rejoindre quelque guérisseur...
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Rūna Sălv
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MessageSujet: Re: [RP] Première danse   [RP] Première danse Icon_minitimeMer 29 Sep 2021 - 15:50


Drapée de son incommensurable dédain, la fëalocë n'avait pas senti l'éclair arriver, et à forte raison... Le tonnerre frappa dans un ciel pourtant chaste de nuages, tout de cet azur pâle d'hiver tissé, et la foudre asséna sa lame en plein coeur de la toile céruléenne avec l'impassible fatalité d'un assassin. L'étoffe de soie azurine, lisse et sans fil tiré, s'éventra en un hurlement muet face à la douleur d'être ainsi brutalement déflorée et, étonnamment, la clarté de midi frappant parut moins vive à cet instant précis, ternie par un invisible orage qui grondait au delà, au sein du séjour des disparus.
Le petit denier d'or symbolisant la destinée continua de tourner en l'air, comme depuis la première rencontre des deux entités, sans changer de sens de rotation, sans accélérer ni ralentir, sans vriller quand bien-même il fut lui aussi foudroyé de plein fouet. Inébranlable, incorruptible, immarcescible... Telle qu'elle fut frappée, sans négociation possible sur sa valeur ou ce qu'elle représentait, qu'importaient les intempéries ou les catastrophes, qu'importaient les rivières de sang dans lesquelles elle serait noyée. Rien ne changea à la surface de ses reliefs aux formes indéterminées et indéterminables. Pourtant, son chant se fit plus fort et persiffla avec davantage de corps. L'éther traversa le Voile de l'autre-monde et charria dans son sillage ce lancinant tintement, strident mais lointain, hypnotique et insoutenable.
Entre deux bourrasques glaciales, le chant de la pièce se perdit, emporté tout autour du monde, comme si Zakeriel ne voulait trop en dire. Rūna réprima un frisson né de facteurs multiples. Certains desquels sa perception fut d'une origine nette et actée et d'autres, encore illisibles même pour son troisième oeil, même pour l'armide cabalistique qu'elle était. Les dragons parurent se taire, les Doués et non-Doués également, plongeant le Màr Tàralöm d'un un assourdissant silence. On entendait plus que le vent s'insinuer dans les branches crochues de l'arbre du Val, dont les feuilles de cuivre carillonnèrent de façon toute à la fois douce et sinistre. Puis, à son tour, la bourrasque se tut, laissant place à une bise moins affamée.

Eprise d'un tremblement, la fëalocë se figea, debout là face à Albiréo. La raison de ses trémulations demeura floue : était-ce le soudain baiser de l'hiver sur sa peau ? Ou bien ce même éclair allégorique qui la heurta de plein fouet ? Un viscéral instinct, inaudible et insaisissable, réveilla les légions de prédateurs terrés entre les méandres de son esprit, attendant ce glas depuis des siècles entiers. Et tout s'accéléra brutalement, de façon incontrôlable.
Un puits de ténèbres engloutit la sultane déchue, l'avalant toute entière d'une avidité vorace enfermée bien trop longtemps dans les plus profonds cachots de son esprit, un gouffre à la fois scellé par ses ancêtres et à la porte écharpée de leurs griffes d'exilés affamés. Rūna, maîtresse de sa chair, ne chancela pas d'un pouce tandis que son esprit, lui, entamait sa chute libre vers d'infinis abysses. Une mer aux flots polaires projeta vagues et marées sur les deux sirènes, les soulevant par une immense lame de fond dévastatrice désireuse de tout réduire en sable. Une eau glaciale et saline les ballota avant de les noyer, avant de s'engouffrer dans leurs narines et leur bouche, jusqu'à leurs poumons. La fëalocë porta alors une main tremblante à sa gorge, cherchant de l'air, se raccrochant difficilement à ce tintement obsédant qui sifflait à la fois à l'autre bout de Rhaëg et là, juste là dans son crâne ! Puis un grondement bestial et caverneux tonitrua au dessus de l'onde tempétueuse, et un éclat incandescent transperça cet illusoire océan couleur cristal de roche fumé avant de le voiler de sang par sa titanesque envergure. Une pluie d'éclats métalliques et d'offenses vint s'écraser sur ses ailes, projetée par le courroux des maîtres qui régnaient de l'autre côté, mais l'Incarnate les ignora avec superbe.

Sărzeghnet n'eut rien à articuler. Seul son rugissement suffit à chasser les Ténèbres. Les serres de son âme entourèrent le corps de sa Liée et elle l'extirpa du Voile sans la moindre tendresse, désireuse de replacer dans le corps de la fëalocë ce petit débris d'esprit qui venait de lui être dérobé par les spectres penchés au dessus de l'épaule d'Albiréo. Dans la réalité, Rūna ne ressentit qu'un malaise fugace, une nausée... Pourtant, elle grelottait et gardait la désagréable sensation d'être trempée, d'être trempée jusque dans son essence.
La Maîtresse n'était plus tellement capable de discerner la réalité de l'éphémère. Aussi, lorsqu'Albiréo leva sa main au pansement détrempé de grenat vers la chevelure andrinople de sa nouvelle "mère", lorsqu'elle s'approcha au point où leurs lèvres eurent pu se joindre en un baiser digne de la Lune Mauve et la Lune Rousse, Rūna ne fut pas certaine de rêver ou non.

Son envie de fuir se fit aussi violente que son envie de fusionner avec cette incompréhensible chose toute faite de verglas et d'astres... Mais le pire, c'était cette promiscuité malsaine. Albiréo s'était approchée d'elle sans un bruit, avec la patience meurtrière d'une tarentule qui sentait sa proie s'enchevêtrer dans son complexe tricot de soie. La reine-araignée s'impatientait de planter ses mandibules gonflés de venin dans le cuir de l'impériale vipère... Un combat de titans ; une valse entre la Tempête et le Brasier, entre un maelström et une montagne. Le sixième sens de Rūna s'affola, cognant de tout son poids pour alerter du danger imminent à chaque battement accéléré de son coeur. Et, comme à chaque fois, Rūna s'enivra de cette sensation extrême. Comme elle le fit lorsqu'elle réduit le palais du Sultan en cendres. Comme lors de sa première rencontre avec Alauwyr et Estenir. Comme lorsqu'ils étaient à un fil de la réduire en poussière, lors de maintes joutes verbales. Comme lorsque son bâtard de frère cadet pressa ses doigts autour de sa gorge. Rūna avait tellement dansé avec la Mort, échangé tant de baisers avec Isashani, qu'elle se rendit compte de l'existence de cette maladive accoutumance. Touchée par Kaziel, la fëalocë se voyait condamnée à inlassablement vivre le plus terrible avec euphorie... Bénie et maudite, cette destinée lui convenait peut-être, finalement.
Alors, à son tour humant le souffle tiède de la neishaane sur sa peau, Rūna se perdit dans un océan de sensations contraires.

Puis le ton d'Albiréo la transperça, de part en part. Une outrageante assurance souillait la moindre de ses syllabes, une lave qui consumait tout en une seule goutte projetée par son volcan furieux. Le myosotis de ses prunelles revêtit la couleur de la nuit, l'espace d'un battement de paupières, alors que tout le reste de son visage avait gardé l'éclat du jour. Ce venin acide éclaboussa la fëalocë comme de la bile capable de ronger et dissoudre peau et os, roche et bois, et alors que le fiel vint profaner le temple maudit qu'incarnait le canevas de son existence physique, cette lie corrosive creusa d'étranges sillons dans sa chair et le long de ses veines.
Tout se mêla en une sordide bacchanale : sa peur, sa furie, son invincibilité et sa pathétique fragilité de mortelle. La morsure du froid remonta le long de ses chevilles depuis la voûte plantaire de ses pieds, et s'entortilla le long de ses mollets puis du creux de ses genoux jusqu'à atteindre le rond de ses cuisses ; le serpent invisible et réticulé de glace fit glisser sa tête et son corps le long de son ventre, s'attardant sur ce giron qui porta la vie puis la mort, avant de faire le tour de sa taille et se diviser en plusieurs semblables qui l'entourèrent de part en part de son dos, de son buste, de ses seins puis de sa gorge. La chimère se rassembla à nouveau en une seule et même entité et s'attarda au sommet de son épaule gauche, laissant sa langue fourchue goûter à la saveur de la peau qui descendait le long de sa nuque, avant d'entamer sa descente le long de son bras. La vipère in-incarnée s'enroula autour de ce dernier et serra, encore et encore, jusqu'à lui faire mal. Elle entoura les membres trop fins de la fëalocë jusqu'à en sentir ses os, jusqu'à lui engourdir une main tremblante. Le geste naissait, violemment, sans crier gare, prêt à s'abattre sur la joue de la neishaane lorsque-

** Arrête ! Elle délire. Elle n'est plus maîtresse de son corps, comme lorsque nous l'avons trouvée. **

La main de Rūna stoppa net, déjà à mi-hauteur. L'écho rigide de Sărzeghnet la fit tressaillir et la fëalocë secoua la tête, à la manière d'un somnambule qui se réveillait au milieu des bois. Les flammes qui dansaient au sein de ses iris d'or en ébullition retrouvèrent une teinte moins rougeoyante bien que l'étreinte de la colère en menait encore la danse. Ses pommettes rosies de la même manière par l'extase ou la rage trahissaient cette juste perdition entre ses émotions actuelles... Pour la seconde fois en à peine une heure, Rūna avait été happée par l'Abîme, là où une partie de la neishaane semblait prisonnière. L'exaltation au contact de son sang avait cédé la place à la fureur née de la confrontation simulée entre le Seigneur Ardent et celle qui fut son Aspirante, et elle se trouvait désormais béate de contempler le précipice au bord duquel Albiréo jouait la funambule. Rūna se sentait volcan : assoupi puis en irruption avant d'être à nouveau en sommeil, malgré le magma bourdonnant en son ventre. N'importe qui d'autre serait tombé fou, mais pas elle. Pas encore.
Tandis que la gifle mourut aussi vite qu'elle naquit, la fëalocë fit de nouveau plein corps avec la réalité. Le teint blafard de la neishaane embrassait pourtant avec évidence le malaise qui la possédait depuis leur départ de la chambre du trône seigneurial. De la sueur perlait sur son front tel un voile de rosée sur les pivoines au printemps, et il était vrai que ce regard n'était pas le sien. La frêle rose était fanée. Livide, désincarnée... Tout cela se lisait entre les creux violacés de ses cernes.
Néanmoins, la volonté qu'elle employa à répondre trahissait quelque chose de profond et d'ancré, loin, si loin de l'image que la fragile rose avait offert depuis le premier jour...

Sărzeghnet apparut sous forme humanoïde, seulement au regard d'Albiréo, empruntant des passages secrets de l'Interstice pour ce faire. La haute silhouette d'albâtre à la chevelure diaphane se tint là, à côté de Rūna - qui ne pouvait pas la voir mais ressentait sa "présence" -, la tuant d'un regard aux yeux opalescents. La dragonne parla avec grande sévérité et employa une tonitruante fermeté tandis que sa bouche s'ouvrit pour parler, comme le faisaient les bipèdes. Mais... A qui s'adressa-t-elle ?

« Retourne d'où tu viens, strige, car cet endroit n'est pas tien et ce corps encore moins. Cette enfant est mienne et celle de ma soeur. Nul ne t'a autorisé à t'en emparer. Je te bannis de cette face du Monde et t'ordonne de garder ta place derrière le Voile. Disparais ! »

La chose, quoi qu'elle fut, ne pouvait interagir avec l'Incarnate. Pourtant, Sărzeghnet crut percevoir une réponse, une sentence inarticulée et inaudible, muselée par la rumeur d'un rire caverneux et sinistre qui lui perfora le crâne. La brimade avait de cruels airs de moquerie, tant à l'égard de la dragonne que de sa Liée, que d'Albiréo ou le reste du commun des mortels.

** Stupide et infirme créature ! Inutile ! Souillure à ton espèce ! Tes ancêtres rient de toi ! La fille est à NOUS, A NOUS ! Rendez-la nous où vous périrez, ta putain et toi ! Vous périrez tous ! Nous détruirons ce monde et elle règnera sur vos cadavres ! **

De tout cela, Sărzeghnet n'entendit rien. Mais un air sinistre s'engouffra dans ses poumons alors qu'elle inspira, charroyant ce parfum putride de haine dans son sillage. L'Incarnate émit le sec couperet du bruit produit par son claquement de mâchoires et la bourrasque disparut dans l'éther en hurlant avec offense et rage. Et à son tour, l'apparition de Sărzeghnet disparut mais sans se départir de sa présence.

** Je ne peux pas l'emmener, elle est trop faible pour tenir en vol. Si elle ne survit pas jusqu'à votre arrivée à l'hospice, c'est qu'elle n'en valait pas la peine. **

Toujours embrumée dans le propre égarement de ses pensées, Rūna dût se faire violence pour remettre pieds sur terre. Les propos de sa Liée lui firent immédiatement écho, et il était hors de question qu'Albiréo meurt ! Désormais officielle aux yeux du Màr et intronisée Aspirante, c'était aussi sa réputation de Maîtresse qui était en jeu. Il lui était beaucoup plus simple de penser ainsi plutôt que d'accorder une quelconque importance sentimentale à la jeune femme qu'elle connaissait depuis moins d'une semaine, pourtant...
Rūna héla un conducteur de palanquin sur roues et attrapa Albiréo par le bras, sans grande tendresse malgré son état visiblement préoccupant. La fëalocë fit monter son aspirante dans la cabine de leur moyen de transport provisoire avant de la rejoindre, commanda la trajectoire au conducteur qui se mit immédiatement en route, à vive allure.
L'assassinant du regard tout en la couvant de celui-ci comme le ferait une tigresse à l'égard de sa progéniture, Rūna ne sut rien dire. Son inquiétude se heurtait à la nécessité de la remettre immédiatement en place... Quel en était l'intérêt, si cette Albiréo n'était pas Albiréo ?
Un peu perdue, elle se contenta de banals « Nous serons bientôt arrivées. Repose toi le temps du trajet » qui, même à son palais, n'avaient pas la moindre saveur.

Derrière les rideaux rabattus du palanquin, la ville et la foule défilèrent aussi vite que le conducteur put trotter. Les odeurs de cuisine s'entremêlaient à celles du cuir qu'on tannait ou des métaux précieux chauffés et fondus par les orfèvres. Les conversations rivalisaient de banalité ou de grossièreté, selon les rues et raccourcis empruntés par l'habileté de leur chauffeur. Puis le bruit et les odeurs se firent moins denses et le calme réapparut enfin.  
Le palanquin s'arrêta et Rūna descendit la première. Une fois quelques pièces d'or glissées dans la paume du conducteur, la fëalocë s'approcha de l'entrée du Sanctuaire, cerné d'une enceinte. Un gardien la remarqua depuis sa cabine d'où il contrôlait les entrées et stoppa ce qui semblait être la coulée d'un baume plutôt liquide dans des fioles en terre cuite.


[RP] Première danse Dositheos-Judicael
Ludicaël Dusitheos,
Chevalier Blanc et prêtre-guérisseur de Flarmya


« Dame Sălv ! Que nous vaut l'honneur de votre visite ? »

Un jeune homme se leva avec un certain enthousiasme, une mine joviale accrochée à son visage plutôt doux et affectueux où se peignaient un sourire discret et deux yeux d'un bleu saisissant. Il s'approcha en essuyant ses mains dans un linge propre, enjambant sans mal les quelques mètres qui les séparait d'un pas vif et d'une attitude plutôt rassurante.

« Je vous amène mon Aspirante, blessée. Son état m'inquiète et pas seulement sa plaie... Nous nous rendons auprès d'Esthen sur ordre du Seigneur Iskuvar et par ma propre volonté. »

Malgré sa bonne humeur, le Chevalier Dusitheos prit un air plus sérieux et parut sensible à l'inquiétude de son interlocutrice. S'efforçant malgré tout de ne pas trop prendre pour acquis ce qui alarmait les néophytes, il savait que la Maîtresse Incarnate avait des notions en médecine et, par conséquent, ce qui incombait de l'urgence ou non.

« Oh allons ma Dame, ce ne doit pas être si grave. Puis-je la voir ? »  L'interrogea-t-il, autant du verbe que du regard.

Rūna n'arqua qu'un geste l'invitant à jeter un oeil dans la cabine du palanquin. Ludicaël s'exécuta et pencha le buste à l'intérieur de celle-ci, pour n'y trouver qu'une jeune femme au teint blême et à la beauté sépulcrale. Son attention se déporta alternativement du visage de la neishaane jusqu'au pansement imbibé de rouge autour de sa main, et sous la chaleur bienveillante de son visage se tissa une mine moins certaine qu'à l'instant. Malgré tout, il s'exprima avec une grande précision et grand calme.  

« Bonjour, demoiselle. Je suis Ludicaël Dusitheos, Chevalier Blanc, guérisseur et prêtre de Flarmya. Nous allons nous occuper de toi. » Conclut-il d'un sourire avenant.

Une fois ayant tiré le rideau qui laissait malgré tout entrevoir la silhouette d'Albiréo, Ludicaël pivota en direction de Rūna et se planta devant elle, imperturbable mais tout de même plus alarmé qu'auparavant, levant un doigt tout en parlant.

« Effectivement, il nous faut immédiatement la mener à Maître Frâlan. Suivez-moi. »

Le prêtre sonna deux fois la petite cloche accrochée à son abri de gardien pour signaler qu'il devait être remplacé, puis trois autres coups rapprochés pour qu'on signale l'arrivée d'une patiente à l'intention du Maître-Guérisseur. Il invita le palanquier à entrer afin d'éviter tout effort inutile à la neishaane blessée.
Le portail de bois sculpté et de fer forgé s'ouvrit sur un immense jardin où s'érigeaient deux bâtiments distincts. Le premier, sur la gauche, répondait au nom de Sanctuaire de Flarmya. Le Temple se voulait volontairement pudique et peu visible de ce point de vue, scrupuleusement dissimulé par une végétation dense et entretenue qui le dissimulait des regards trop curieux, quand bien même il fut naturellement ouvert à quiconque souhaitait s'y rendre. A droite, un bâtiment à l'architecture manifestement moins sacrée mais tout aussi raffinée s'étalait sur plusieurs ailes et plusieurs étages aux toits tantôt pointus au dessus des tourelles tantôt plats pour y accueillir un dragon. Il fallait bien s'imaginer la dimension démesurée des lieux adaptés à la venue de plusieurs dragons et notamment des Reines ou des Empereurs, car eux aussi pouvaient se blesser lors des Vol ou de quelque incartade.
Un ruisseau d'eau claire et pure traversait le jardin plus au loin, signe des sources toutes proches. Cet écrin de verdure au sein d'un royaume de roche volcanique avait des airs tout bonnement féériques ! D'immenses fleurs comme on en voyait à Qahra laissaient éclater toute la luxuriance de leurs couleurs inédites et quelques libellules se faisaient chasser pas des dragons-fées semi-sauvages abrités sous les épais panaches de fougère. Quelques prêtres et visiteurs discutaient, sans heurts. Une incommensurable quiétude régnait sur les lieux, plongés dans le silence. Mais l'heure n'était pas à la contemplation...

Le guérisseur emboîta le pas pour les mener à bon port, immédiatement suivi par la fëalocë puis du palaquin, quelques pas derrière eux deux. Comme un murmure, Rūna s'adressa à demi-mot à l'intention de Ludicaël, dans l'évidence qu'Albiréo ne l'entendît pas.

« Sieur, je ne suis pas seulement inquiète de sa constitution physique... Pourriez-vous discrètement glisser à Esthen que je me soucie également de l'état de son esprit, et ce depuis que ma Liée et moi l'avons trouvée... »

« Ah... Fort bien. Je prendrai soin d'en toucher un mot à Maître Frâlan ou nous ferrons en sorte que vous puissiez échanger en privé à ce sujet. Nous allons déjà nous occuper de sa plaie. Une si petite femme peut vite perdre pied en ayant autant saigné ! »

Tandis que Ludicaël exposa brièvement les faits auprès de ses frères et soeurs de l'hospice, ce dernier les invita à aller aider Albiréo à descendre tandis que lui se mit à la recherche de son Maître. Les portes d'une immense salle où s'alignaient plusieurs lits parfois vides parfois séparés par des paravents s'ouvrirent, dévoilant un endroit éminemment soigné et baigné de lumière par la présence des très nombreuses fenêtres en verre à soufflage en couronne. Une odeur de frais et de propre tranchait avec les parfums plus exotiques du jardin dehors.
Un jeune homme et une femme plus mûre s'approchèrent de Rûna et du palanquin, et échangèrent quelques mots sur la raison de leur venue.

Un peu plus loin, au détour de la grande salle de soins, Ludicaël trouvait son supérieur. Après s'être respectueusement incliné, il parla avec grand calme.

« Maître Frâlan ? J'ai sonné la cloche à votre intention. Une patiente est là et demande votre attention, a priori à la demande du Seigneur en personne. Voulez-vous bien nous rejoindre ? »


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Alauwyr Iskuvar
Seigneur du Kaerl Ardent
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Alauwyr Iskuvar


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MessageSujet: Re: [RP] Première danse   [RP] Première danse Icon_minitimeDim 3 Oct 2021 - 11:16

[RP] Première danse Esthen_fralan
Maître Guérisseur Esthen Frâlan, lié au Brun Buroth



Esthen venait à peine de sortir de sa salle d'étude quand Ludicaël Dusitheos, un de ses condisciples et chevalier blanc de son état, vint le trouver. Le visage du Maître-guérisseur affichait une très légère contrariété. En effet, il s'était plongé depuis quelques heures à peine dans la lecture de vieux rouleaux qu'il avait pu se procurer hors de la Terre de l'Aube. Ces longs parchemins étaient de vieux traités de médecine, datant de quelques siècles au mieux, mais parfaitement conservés. Il louait les archivistes qui avaient pris soin de protéger ces écrits du passé, car le temps n'épargnaient guère les supports de ce genre si on ne les mettait pas dans des lieux propices à leur conservation. La moisissure avait tôt fait de se développer sur les fibres végétales pour dévorer le précieux savoir inscrit en leur sein.

Donc, concentré sur sa lecture, pour comprendre comment cette médecine du passé se faisait et de voir ce qu'il pourrait en tirer, ses oreilles avaient perçu le tintement de la cloque ; trois sonorités régulières et rapprochées. L'esprit d'Esthen connaissait la signification de ce code sonore. Mais ce que ses yeux survolaient, mot après mot, ligne après ligne, accaparait tout son esprit. Le temps que le patient lui fut amené, il aurait encore le temps de parcourir quelques écrits. Buroth s'était imposé à cet esprit pris dans l'absorption de la lecture. A l'idée de quitter sa tâche en cours, Esthen n'avait pas oublié un de ses devoirs premiers, vu qu'il était Maître-Guérisseur. Délaissant à regret le rouleau entamé, il s'était donc empressé de rejoindre la grande salle de soin, là où il croisa Ludicaël.

Ecoutant les paroles prêtre-guérisseur, il avait levé un sourcil. Une demande faite par le Seigneur en personne ? Voilà qui n'était pas commun. Aussi loin qu'il puisse s'en rappeler ; depuis que le Seigneur Iskuvar portait le titre de Seigneur Ardent, il n'avait jamais eu ce genre de sollicitation.

D'un simple hochement de tête, il emboîta le pas de Ludicaël, et rejoignit la dite patiente. En arrivant, il reconnut immédiatement Dame Sălv, lié à l'Incarnate Sărzeghnet. Son esprit aiguisé comprit d'emblée pourquoi le Seigneur en personne avait expressément demandé ses services. A ses côtés, une jeune femme, plus petite en taille et plus fine en comparaison de la Feälocé, affichait clairement les traits d'appartenance à la race Neishaane, avec quelque chose de délicat et d'évanescent qui pourrait confirmer que son sang ne comportait aucune souillure de d'autres races en son sein. Mais le Maître-Guérisseur ne s'attarda pas plus à ce genre d'observation. Il observa le teint du visage de sa patiente et descendit son regard aiguisé vers la main pansée. Le bandage était imbibé de sang. Il sourcilla. La blessure qu'il ne voyait pas encore devait être conséquente, au vue de l'étendue du fluide vital absorbé par les bandes de tissus.

''Hum...''

Nul doute que le sang devait encore s'écouler de manière infime hors du corps.

''Bien. Ludicaël, veuillez immédiatement préparer un fortifiant sanguin. Veuillez à ce qu'elle reste allongée, pour pas qu'elle bouge durant les soins''

Elle avait été allongée avant son arrivée. Une bonne chose, ainsi, il perdait pas de temps. Et là où avait été placée la jeune blessée, il y avait tout le nécessaire pour procéder à des soins immédiats.

Avant toute chose, il entreprit de désinfecter ses mains et les ustensiles médicaux dont il aurait besoin, pour les placer à portée de main. Pour soigner sa patiente, il devait avoir tout à portée de main. Une fois cela de fait, il prit délicatement la main bandée. Puis, avec précaution et méthode, il retira le pansement souillé. Quand il aperçut l'étendue des dégâts sur la paume à la peau si fine, il sourcilla. Blessure causée par une lame très affûtée, profondeur conséquence, mais pas de dégâts en première observation....Il attrapa une fiole contenant une solution désinfectante qu'il versa sur la main. Le sang se dilua, emporté dans le flot qu'il versait. Oui, pas de dégâts sous jacents, elle ne perdra pas la mobilité de ses doigts une fois que la cicatrisation sera totale. Maintenant, il devait recoudre.. La main était un organe délicat et complexe. Il n' y avait que deux bords à rapprocher pour refermer l'entaille, mais cela devait être fait avec minutie.

Le temps de prendre une très fine aiguille de suture et un fil de suture qui avait attendu d'être expérimenté. La situation dans laquelle il se trouvait ne pouvait qu'être idéale. Et comme la patiente paraissait épuisée... Pas étonnant vu le sang qu'elle avait du perdre d'un coup avec cette entaille !

le fil de suture était d'une rare finesse et presque translucide. Il s'agissait de fil de soie d'araignée. Esthen devait veiller à ne pas briser la précieuse fibre. Légère et résistante, elle aidera à suturer l'entaille de bord à bord et la paume, une fois guérie, aura à peine la trace de la coupure. A condition que la patiente ne fasse pas n'importe quoi !

Il se mit à l'ouvrage. Sans tremblement, avec des gestes précis, il passa l'aiguille de suture en des points stratégique pour que les deux bords de la plaie se rapprochent à la perfection. Tirant souplement le fil à chaque action, il s'assura que la blessure recousue ait un aspect parfait. Il termina son opération par un nœud. Puis, il attrapa un pot de baume, l'ouvrit. Une forte odeur d'herbes médicinales s'en échappa. Il enduisit en douceur toute la partie blessée et suturée. La substance, un peu huileuse, aidera la peau à mieux supporter les sutures en demeurer souple et en anesthésiant localement la douleur de l'entaille. Restait à voir maintenant la véritable raison de la venue de cette jeune femme....Car amenée ici sous la demande du Seigneur Iskuvar, accompagnée par Runa Sălv, il y avait autre chose qu'une singulière entaille à soigner...

Tout en étudiant l'aspect général de sa patiente, il finit par demander :

''Il y a autre chose, n'est ce pas ? Qu'est ce que vous devez encore m'apprendre au sujet de votre Aspirante ? ''

Cette jeune fille ne pouvait être qu'Aspirante. Une Feälocé de caractère comme Runa Sălv, qui était, et il le savait personnellement, avait une certaine position privilégiée auprès du Seigneur Ardent, ne serait pas donné la peine de venir en la compagnie de la blessée, et de s'inquiéter de sa santé. Il profita de la présence du Chevalier Blanc pour le mettre un peu à contribution. Chaque situation pouvait se prêter à perfectionner la connaissance acquise des autres guérisseurs. Cette matière imposait de toujours apprendre, toujours peaufiner ce qui avait été appris.

''Si on observe au delà de la blessure à la main de cette jeune patiente et de la perte de sang qui y est lié, que pouvez-vous déjà observer, Ludicaël ? ''


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MessageSujet: Re: [RP] Première danse   [RP] Première danse Icon_minitimeJeu 25 Nov 2021 - 17:44

[HRP : Je suis sincèrement désolée de ne vous livrer que ce pauvre petit "pet de souris" après une longue attente... C'était un peu difficile de développer davantage un simple "Albi est dans les vapes" mais je suis sûre de faire beaucoup mieux le prochain coup. Merci pour toute votre patience !]

*
*
Une étrange fumée se condensa. Les molécules qui forment la mince auréole grise séparant la lumière de l’ombre se détachaient du paysage pour se rassembler en une longue silhouette qui n’appartenaient ni au négatif ni au positif de l’image. Campée entre les mondes, gardienne, peut-être, de leur équilibre précaire, Sărzeghnet se dressait tel un calvaire à la croisée des chemins. Elle était là, irascible face à un cheval fou dont le sabot lourd levait avec fracas d’énormes croûtes de terre gémissantes. Surprise par cette immobilité vivante plantée au milieu de sa route, Albiréo stoppa net, écumante, et contempla d’un air halluciné la créature de fumée qui avait surgi tel un double ou l'ombre étirée de la fëalocë.
*
« Retourne d'où tu viens, strige, car cet endroit n'est pas tien et ce corps encore moins. Cette enfant est mienne et celle de ma sœur. Nul ne t'a autorisé à t'en emparer. Je te bannis de cette face du Monde et t'ordonne de garder ta place derrière le Voile. Disparais ! »
*
Une part d’elle voulut se jeter dans les bras maigres comme l’hiver de la dragonne à forme humaine. Mais enfouie au du fond de ses entrailles la bête tirait dans l’autre sens, telle une grossesse monstrueuse qui enflait en cherchant à lui ouvrir les reins. Une nuée de couleuvres sifflait sa bile haineuse en rouant son dos de crocs et de coups.
*
Cette force, retournée contre elle-même, roulait sa croissance immonde au fond de son ventre, se nourrissait de sa terreur et de son ambition, buvait le fiel noir de ses plus sombres et insondables désirs. Elle s’en faisait un feu, roulant et roulant encore son corps aux mille queues reptiles pour couver un œuf unique sau coeur si glacial qu’il brûlait les flammes. Cette bête voulait-elle fuir, sortir d’elle ? Ou se plaisait-elle à lui infliger une torture belliqueuse ?
*
Elle l’entendit, comme si ses propres os étaient l’orgue, les flûtes morbides par lesquelles la créature impie articulait sa haine. Elle entendit la sentence qui répandait sa vibration noire en une note unique, empoisonnée, infiniment douloureuse. Elle rebondissait de son tibia aux métacarpes en zébrant fémur, vertèbres et radius de résonnances troubles : à son passage elle semait d’atroces fleurs d’aiguilles qui se flétrissaient sur une morsure calcinante. Tel était son langage.
*
Albiréo, instrument de souffrance, entendit tout. Courbée telle une pauvre feuille morte qui se recroqueville sur la gestation du vide, elle leva vers l’émanation de Sărzeghnet un regard qui mêlait la supplication, la terreur et la rage instinctives que procure la douleur, même lorsqu’elle est infligée pour le nécessaire. C’était bien elle, cette fois, qui tendait un visage démoli vers les silhouettes grise et rouge confondues pour n’en former qu’une. Elle sentait que l’âme sœur de la sorcière rouge cherchait à extraire l’ignominie, l’indicible horreur qui avait planté son croc venimeux dans sa chair blanche...
*
“Sar...Runa”
*
**...ne m’abandonne pas ainsi...*
*
Le souhait mourut avant d’avoir été articulé. Elle se sentit soulevée de terre et ballotée comme une morte. Ce fut un soulagement. Son corps éperdu n’avait plus le désir de vivre et pour une fois, Albiréo sut le laisser tranquille. Sa conscience surnageait à la surface de ses iris, tel un vague fantôme de koï. Le défilé des rues et des visages passa sur elle comme un reflet.
*
L’âme ouverte sur le monde comme une plaie béante, Albiréo se perdit dans les limbes tranquilles de l’inconscience. Eteinte mais éveillée pourtant, elle évoluait dans une forme d’hypnose qui sans doute la prédisposait, pour qui connaissait les arcanes de l’esprit, à lever le voile sur les zones troubles de son existence. Un dragon pourrait s’y baigner avec délice sans la moindre difficulté et il y avait fort à parier que son esprit était tout à fait ouvert à la suggestion, pour autant qu’elle fusse capable d’y répondre. L’occasion était magnifique, l’esprit jeune femme étant habituellement une muraille parfaitement infranchissable pour tout autre saurien que la Reine Incarnate. Elle-même pourrait se glisser sans efforts à la surface du lac au calme inaccoutumé de son éther.
*
Pour l’heure, l’état de la neishaane eut l’effet bénéfique de la prémunir contre la douleur de la suture et elle ne manifesta aucune réaction autre que purement nerveuse, lorsque maître Frâlan lui entama la main.
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