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 [RP] « Le cercle bleu de la légende »

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MessageSujet: [RP] « Le cercle bleu de la légende »   [RP] « Le cercle bleu de la légende » Icon_minitimeSam 22 Jan 2022 - 20:09

[HRP : « Le cercle bleu de la légende » est le terme par lequel Rilke désigne l'espace au sein duquel évolue La Dame à la Licorne.]


« Ne fallait-il pas qu’il y eût de la musique dans ce silence ?
N’était-elle pas déjà secrètement présente ?
»

Rainer Maria Rilke, L'Ouïe.
*
* Zakerielku 919
*
Albiréo caressait du pouce les points de suture qui couraient sur la paume de sa main. Maître Frâlan lui avait administré des soins minutieux et elle s’employait à suivre ses recommandations à la lettre, enduisant la plaie d’un baume de consoude matin et soir. Elle trouvait un certain réconfort à s’imprégner de la puissante odeur végétale dégagée par cet onguent. Son odorat se lovait confortablement dans ce qui lui était encore un rituel, une habitude de Servante de l’Aube en charge d’alléger les souffrances des pauvres âmes de l’hospice. Au milieu du grand inconnu, son existence tremblante s’accrochait au maigres mirages de son ancienne vie. Un détail prenait alors les dimensions d’une ombre qui s’étirait jusqu’à la démesure tandis que son monde, telle une torche vacillante, semblait s’éloigner jusqu’à se perdre dans les méandres du doute. Cette sensation étrange que le passé n’avait peut-être été qu’un rêve la saisissait parfois comme un vertige. Elle réalisait à quel point ce qui n’était auparavant qu’un geste, une odeur ou un voix sans importance devenait soudainement intensément signifiant.
*
Un instinct de biche lui faisait dresser l’oreille lorsque, au beau milieu d’une ruelle, elle croisait la voix d’une fillette dont les notes lui rappelaient celle d’une petite pensionnaire. L’odeur particulière de l’avoine bouillie au chaudron, imprégnée de ce curieux mélange de métal chaud et de cendres lui saisissait tant le cœur qu’elle avait envie de pleurer comme une enfant. Parfois, l’aube était tellement timide que son visage pâlissait derrière les ouvertures du weyr, presque aussi blanche que celle du Vaendark. Les paupières encore closes elle ne savait quel était le rêve à chasser : celui d’être toujours allongée au milieu de son austère maison de recluse, à quelques secondes de toucher le sol glacé de sa chambre et de nouer sa robe sombre ? Ou celui qui la transportait à l’autre bout du monde, infiniment vulnérable et infiniment choyée, au cœur d’un volcan ? L’un et l’autre semblaient absurdes. Mais, la plus vaste des absurdités qui frappait ces deux destinées était la même : une insondable solitude. Elle avait toujours été inconcevablement seule au milieu des siens.
*
Un espoir pourtant tremblait, infime, immense. Le souvenir de la présence miraculeuse de Runa et Sarzeghnet dans son esprit. Cet espoir avait tourné depuis quelques jours à la pensée obsédante. Elle avait tenté de déjouer le problème en cherchant un réconfort au milieu des livres qu’elle avait pu trouver. Et cela avait porté ses fruits, d’abord, alors qu’elle découvrait sur le papier quelques arcanes du lien fabuleux qui unissait les dragons à certains humains. C’était l’avenir auquel elle était promise, auquel Runa la promettait. Elle avait lu tout ce qu’elle avait pu trouver au sujet des Doués, de l’Empreinte, des Âmes Soeur et du lien de cœur et d’esprit qui les unissait à tout jamais. Pourtant, une terrible sensation lui glaçait le cœur à mesure qu’elle parcourait les ouvrages poussiéreux, vieux de plusieurs décennies ou de plus récentes recherches. Tous restaient silencieux à un sujet, le sujet qui la taraudait douloureusement et auquel l’entaille qu’elle s’était elle-même administrée semblait répondre par de brulantes morsures. Il n’était question nulle part de Doués impuissants à entendre les dragons.
*
Tous les dragons et tous les liés étaient unis par la pensée. Au-delà de cet indéfectible entrelac, les dragons étaient de puissants télépathes capables d’entrer en contact avec n’importe quel Doué. Albiréo était convaincue d’avoir entendu la voix ténébreuse de l’Incarnate résonner dans sa tête ce jour-là mais à vrai dire, peut-être lui avait-elle réellement parlé alors qu’elle était là, à ses côtés sous forme humaine, ainsi que Runa. Peut-être que son esprit, au bord de la folie, avait complètement construit la présence des deux créatures à ses côtés comme un dernier éclat de conscience pour la ramener à la raison. Mais alors comment aurait-elle pu voir Sarzeghnet sous sa forme draconique alors qu’elle ignorait encore tout de ce qu’elle était ?
*
Le doute lui enserrait les côtes. Son souffle et ses certitudes semblaient s’amenuiser à mesure que les jours défilaient et que son silence l’enfermait dans un dangereux tabou. Elle craignait trop que ses questions ne résonnent et ne se meuvent comme en un aveu définitif de son impuissance. Elle ne serait alors plus qu’une erreur amère…Imaginer quelle serait la réaction de celles qui l’avaient arraché à la misère de sa condition et de son existence lui était insupportable. L’idée d’être affligée pour toujours de l’abominable solitude à laquelle elle avait été livrée depuis toujours la torturait tellement qu’elle fuyait cette pensée par tous les moyens.
*
Son doigt courait sur la plaie, elle ne s’émeuvait pas de sentir les recoins de sa peau s’ouvrir en deux lèvres mal épousées. Elle s’accrochait à la douleur qui lançait douloureusement sa main. Cela l’avait distraite quelques temps de ses pensées épineuses puis, le doute et le sang s’étaient unis pour la faire souffrir. Albiréo s’était alors mise à marcher, espérant peut-être devancer le mal de quelques pas. Elle ne se souciait guère au départ de savoir où elle allait. Ses pas l’avaient menée vers une sente rocailleuse qui semblait s’éloigner du volcan et courir à flanc de montagne. Elle ne s’était pas aperçue tout de suite qu’elle avait quitté l’enceinte protectrice du Kaerl et ce ne fut que cent bons mètres plus tard qu’elle remarqua l’air plus vif et le silence auguste des montagnes. Ses poumons se gonflèrent agréablement, délivrés par cette soudaine sensation d’espace. Elle était seule face au soleil qui inondait le ciel au franc bleu d’hiver. Elle réalisa que cela faisait une éternité qu’elle ne s’était pas retrouvée seule face à Solyae. Tout simplement. Les rayons, à l’étonnante tendresse enlaçaient son corps d’une étreinte à l’inexplicable consolation.
*
Où étais-tu Albiréo ? Où étais-tu..?
*
Un sanglot d’enfant secoua sa poitrine alors que de lourdes larmes tombaient sur ses joues, chacune pleine d’une étoile qui riait à l’intérieur.
*
La plaie qui courait sur sa main fut parcourue d’une langue de feu, du poignet à la base de son index. La neishaane recroquevilla ses doigts en grimaçant. L’appel de Solyae prit doucement son visage entre ses mains. Elle leva vers lui un regard pénétré de questions. Ses rayons semblèrent s’étirer à l’horizon comme un merveilleux sourire. Ils se déployèrent jusqu’à enlacer leurs doigts d’or autour des mains d’Albiréo et ouvrir la paume de la jeune femme face à l’astre du jour qui l’embrassa d’une lumière tendre. Elle n’avait jamais vu ni ressenti une chose pareille.
*
Où étais-tu Albiréo ?
*
** Vous n’êtes pas Solyae.**
° Non. °
*
Son cœur battait follement. La voix résonnait très distinctement dans sa tête, immense, claire, profonde, chaude, puissante, elle l’éclaboussait d’une douce et invincible lumière. Elle ne la voyait pas mais elle la sentit sourire de l’intérieur. Elle entendait ! Elle savait qui Elle était, elle le savait de toute son âme. Sa blessure lança de nouveau et Albiréo sentit que comme elle, Elle portait son regard sur la cicatrice.
*
** Je dois la suivre n’est-ce pas ? **
*
Elle acquiesça en étirant son doux sourire où brillait toutes les lumières.
*
“D’accord.”
*
Elle ignorait totalement vers où elle se dirigeait mais il ne lui vint pas à l’esprit de faire demi-tour. Sa plaie, aussi désagréable soit-elle s’était visiblement efforcée de lui intimer une direction et elle l’avait suivie bon gré mal gré. La réponse était au-devant d’elle. Albiréo souffla sur ses sutures, désormais pleinement réconciliée avec la brûlure qui l’avait tirée en dehors de la cité. Le jour, déjà, déclinait. Ce n’était pourtant pas un sujet d’inquiétude pour elle qui avait maintes fois parcouru la montagne sous la lune. Elle entama le sentier escarpé avec une détermination nouvelle.
*
Bientôt, ses pas la menèrent face à une immense ouverture. C’était visiblement une grotte naturelle au sol curieusement poli et concave sur les premiers mètres. La galerie formait un ovale harmonieux, à la manière des chemins creux dans les forêts, comme si elle avait été assidûment fréquentée par on ne sait quels géants. Albiréo prit une longue inspiration, mal assurée. Une idée aux teintes dorées s’insinua dans on esprit et ricocha sur sa plaie, lui intimant d’agir sans se poser de questions. Sa main glissa vers sa ceinture, vers un objet qu’elle n’avait pas tenu depuis son départ précipité du Vaendark. Un objet qui était pourtant une extension de son être et dont elle ne se séparait jamais. Elle l’avait oublié à la manière dont on ne conscientise pas une jambe ou un bras.
*
*
La neishaane fit glisser la longue flûte d’aubier entre ses doigts tremblants. Seule et minuscule au creux de la montagne. L’air était immobile et froid. Elle serra l’instrument qu’elle avait taillé de ses mains et prit une nouvelle longue inspiration avant de la caler sous sa lèvre inférieure. Elle laissa l’air se charger de la chaleur et de l’humidité de son corps avant de souffler une note silencieuse. Il fallait, comme pour tout être vivant, consacrer du temps à l’éveiller. Enfin, ce fut le moment. Albiréo, n’ayant rien d’autre que sa foi et son courage, demanda humblement à l’instrument d’articuler son âme. Et la flûte, par miracle, lui offrit les ailes qui lui avaient toujours manqué pour avancer dans les ténèbres. De part et d’autres de son passage, des concrétions minérales, regroupées en plus ou moins grand nombre et s'élevant vers le plafond, se coiffèrent de lueurs bluettantes, répondant aux notes musicales par leur lumière. Ainsi, une véritable voie lactée aux étoiles turquoises  éclaira la grotte. Il était impossible de savoir dans quelle mesure cette curieuse  traine bleue suivait ou dirigeait la jeune femme vers le cœur de la caverne.
*

« Oh ! C'est elle, la bête qui n'existe pas.
Eux, ils n'en savaient rien, et de toutes façons
– son allure et son port, son col et même la lumière
calme de son regard – ils l'ont aimée.

Elle, c'est vrai, n'existait point. Mais parce qu'ils l'aimaient
bête pure, elle fut. Toujours ils lui laissaient l'espace.
Et dans ce clair espace épargné, doucement,
Elle leva la tête, ayant à peine besoin d'être.
»

Rainer Maria Rilke, La Licorne



[à suivre…]
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Rūna Sălv
Maitre Dragon
Maitre Dragon
Rūna Sălv


Date d'inscription : 07/06/2014
Sexe : Féminin
Présentation : X
Messages : 180
RPs : 84
Race : Fëalocë de sang pur
Âme-Soeur : L'Incarnate Sărzeghnet
Affiliation : Clan Valherien
Alignement : Loyal Mauvais (Kaerl Ardent)
Ordre Draconique : Ordre Draconique d'Ombre (Kaerl Ardent)

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MessageSujet: Re: [RP] « Le cercle bleu de la légende »   [RP] « Le cercle bleu de la légende » Icon_minitimeMer 16 Fév 2022 - 22:09

« Le son de la Syrinx est doux au soir tranquille.
Faune ! Pour t'écouter la Nymphe des roseaux
A quitté sa retraite, et l'on voit sur les eaux
Comme un cygne glisser sa forme juvénile.
»
[Pierre de BOUCHAUD, La Syrinx]



Un secret. Un secret gardé à la frontière des lèvres de la Neishaane et à la lisière de l'esprit de Sărzeghnet. Un secret dont la nature fragile et terrible, grave et traîtresse grandissait par son ombre déportée. Un secret qui, se sentant acculé tel un faon face à un loup, commençait à trembler d'effroi, à gémir de l'indéniable fatalité de son sort. Sa silhouette s'allongeait, s'affinait à mesure des jours passés et des aubes naissantes. Un secret aux airs de spectre bientôt chassé par la clarté d'une pleine lumière : celle de sa révélation toute proche. Un secret que la Reine et son Aspirante couvaient en attendant de pouvoir éclore, désireuses de laisser une chance à la créature malingre et chétive qui y grossissait. Très bientôt, il leur faudrait présenter cette engeance à Rūna... Et si Sărzeghnet avait toute confiance en son jugement, il serait faux de croire qu'elle ne craignait pas la réaction de sa Liée.

Dès l'instant où l'Incarnate eut goûté le Don d'Albiréo, elle ne put s'en défaire de la saveur. Le miel de lavande englobait l'amertume d'une vieille pièce de cuivre issue de civilisations antiques. Une pièce ensevelie sous les ruines de cités tombées par le baiser de Kaziel ; une pièce dont chacune des mains qui l'eut tenue en sa paume était réduite à l'état de poussière et d'ossements. Cette pièce avait la sapidité des premiers Hommes, des premiers Dragons, du sel des premières mers, de la douceur des premiers fruits. Son parfum était celui de l'ocre et de l'argile qui façonnèrent les premières peintures et amphores, mais aussi celui des fleurs sauvages du premier printemps que Rhaëg eut porté. L'ambroisie douce-amère d'une vieille âme, similaire à celle plus poivrée de sa Liée. Sărzeghnet aimait Albiréo comme leur fille à elles-deux, comme une improbable progéniture issue de leur lien indéfectible.
L'Incarnate au sang d'un froid brûlant ne pouvait donc qu'avoir confiance en cette enfant millénaire. En leur enfant. Albiréo était apparue dans leur ciel avec le prophétique d'une comète émergeant de l'infinité de leur univers. L'âme de la fille morte-née de Rūna s'était envolée l'équivalent de dix-huit mois plus tôt... Une gestation à la fois longue et bien brève pour que le ciel accouchât finalement de l'Albiréo qui était là aujourd'hui. Une vie pour une vie. Une âme pour une âme.

Tout était lié. C'était une certitude chevillée au coeur de la Fëalocë, en tout cas. Il en allait de même pour l'Incarnate en dépit de son silence à ce sujet, de son énigmatique mutisme au regard de la destinée et ses hasards.

Alors, à l'image d'une mère ou d'une nourrice, Sărzeghnet accompagnait son Aspirante à chaque instant. A chaque instant. Dans l'ombre de la Neishaane dansait perpétuellement celle de la Reine, elle planait au dessus d'elle au moindre de ses pas, se moquant éperdument de l'avis de la jeune femme tout en étant clairement désireuse d'instiller la menace envers quiconque daignait la darder d'un mauvais regard. Quoi qu'elle fit dans le Kaerl, Sărzeghnet était là.  Elle veillait sinistrement sur sa fille. Et... Elle n'était pas la seule, tapie là dans l'obscurité.

Aujourd'hui, Albiréo avait quartier-libre car sa Maîtresse portait conseil au Seigneur Ardent pour les lourds évènements du lendemain : le procès du renégat Martel Dehlekna.
Si parfois Rūna laissait sa pupille sous la "surveillance" de Senakht, son lézard de feu démoniaque et fanfaron, elle s'accorda avec Sărzeghnet à une garde plus rapprochée pour aujourd'hui.
Sous le couvert d'une semi-liberté bien gardée par l'oeil omniscient de l'Incarnate, il apparut que la jeune femme pérégrina où son esprit la porta, et son dévolu fut étrangement jeté à la matrice même du Màr Tàralöm.
Au coeur de cet utérus de roche volcanique et de sable où, finalement, peu de bipèdes osaient s'aventurer, la frêle enfant apparut, telle un ibis se posant au milieu des crocodiles. Celle qui ne connut ni mère ni père semblait remonter le fil de sa naissance oubliée jusqu'à un giron appartenant à une espèce qui n'était ni tout-à-fait la sienne ni vraiment étrangère.

Cette quête à elle-seule demandait un courage certain mais par dessus-tout il en fallait pour oser pénétrer les Cavernes Flamboyantes, pour passer le pas de cet antre plutôt réservé aux dragonnes et aux secrets jalousement gardés par leurs griffes et leur souffle ardent.
A vrai dire, en dépit de sa fonction magnifique, l'endroit avait des allures terrifiantes. Les braséros et les fugaces puits de lumière faisaient se cabrer des monstres évanescents le long de la pierre poreuse aux creux coupants. Après tout la matière à elle-seule ne manquait pas de rappeler qu'ici la lave avait régné en magistrate sur son trône-volcan en déversant des torrents de feu et de magma incontrôlables même par les Dieux. Si les Doués domptèrent l'endroit pour y sceller leur destin, ce furent surtout les dragons qui se l'approprièrent. Ici ils naquirent tous, ici ils se lièrent tous, aux confins de ce Kaerl qui était leur. Chacun d'entre eux fut couvé sur ces sables chauds et sous ces arcades irrégulières d'un noir tantôt gris de cendres tantôt purpurin des métaux remontés depuis les entrailles du Monde.

C'était là toute la poésie de ces alcôves naturelles. Demeurées si brutes, si primitives de fonction malgré l'évolution du peuple qui décida de s'y installer, les Cavernes Flamboyantes revêtaient un caractère sauvage et même hostile lorsqu'une Reine y couvait. Les immenses voûtes qui abritaient les chambres principales où l'on célébrait les cérémonies d'Empreinte n'étaient en réalité qu'une partie visible du dédale de pièces plus petites où les dragons trouvaient refuge ou repos. Un faux silence masquait presque de façon angoissante les bruits d'écailles et de griffes frottées contre la roche ou les feulements si particuliers de leurs propriétaires. Les sons animaliers et minéraux vibraient le long des murs, accompagnés par le sifflement d'un vent méfiant, prudent face à ceux capables de se baigner et régner sur ses bourrasques.
Au sein de ce pan du domaine qui leur appartenait en majeure partie, les bipèdes se devaient de témoigner un respect dû et de garder la place qui était leur. Aussi étaient-il peu à braver le poids des lieux. Car si aucun dragon n'était visible à leur regard, eux les fixaient bel et bien depuis une corniche reculée.


Aux abords de ces frontières reculées s'ouvrant sur un monde demeuré sauvage, une colombe vint se percher. Quelle folie !, pourrait s'esclaffer un observateur sous l'effroi de ce tableau.
La silhouette modelée dans des rayons de lune apparut tel un cygne se posant délicatement à la surface d'un lac où, sous l'onde, grouillaient les plus voraces léviathans. Tout aurait pu, tout aurait dû l'engloutir, la dévorer. Pourtant, l'oiseau déploya son chant et les ombres se ravisèrent puis se turent, peut-être surprises par leur propre propension à s'apaiser sous la caresse d'une escarbille de clarté. Sans orgueil pourtant, l'aigrette au bec mimé par la flûte s'affaira à charmer malgré sa volonté cette tanière de serpents.

Entres les vrombissements caverneux émis par les quelques dragons présents, les notes douces d'une flûte s'élevèrent vers les hauts-plafonds. Dans leur sillage l'on pouvait distinguer des arômes de bleuet et des fragrances de nostalgie. La chaleur des Cavernes Flamboyantes parut frémir sous cette bise de début de printemps, de celles des premiers matins encore frais de Iolakyu. Si la mélopée eût une couleur, elle pût être celle d'un ciel bleu de Vaendark ou de ses torrents glacés. Quelque chose de tendre mais lointain. Quelque chose de fragile, de fugace mais à la puissance inégalée et éternelle. A sa façon, Albiréo étendit ses ailes et s'envola à son tour, et ses courbes se muèrent du héron à la vouivre, n'en déplurent aux yeux qui s'arrêtaient à ce corps tout fait de nacre, d'opale et de plumes.Etait-elle venue chercher de l'élan dans le souffle des siens ? Qui donnait la note à qui ? A cet instant précis, l'Aspirante au Don voilé s'alignait pourtant avec bien plus de maestria que ses congénères déjà liés. Ses soupirs transformés par l'instrument de bois et de vents émettaient des vibrations qui s'en allaient rejoindre celles émises par les dragons pour former une singulière mélodie, inaudible pour qui ne savait écouter. Si la Neishaane ne pouvait pas entendre les pensées de ces créatures majestueuses, hormis celles de Sărzeghnet, il apparut qu'elle fut capable de se jouer d'énergies auxquelles le commun des mortels était sourd et aveugle.

Doucement, presque lancinant, une Blanche cachée se mit à fredonner à son tour, bientôt suivie d'un Brun qui s'était approché, curieux. Une Noire incommodée pestait silencieusement plus loin mais ne gronda pas pour autant. Un autre Noir, moins furibond que sa Soeur, s'avança un peu depuis son balcon perché haut avant de poser la gueule entre ses pattes avant, deux iris opalescents rivés sur la Neishaane.
La chanson n'avait pas la puissance de celle qu'on entendait aux Empreintes, certes, mais sa Force poussait le respect de cette harmonie jouée entre une bipède et quelques sauriens. Personne ne venait jamais chantonner pour eux, encore moins ici.

Combien de temps joua-t-elle, cette Aspirante si courageuse pour venir troubler la quiétude des dragons au sein même de leur royaume ? Où la guidèrent ses pas et ses notes, jusqu'où voleta son esprit ? Rien ni personne ne l'arrêta.
En revanche, une silhouette avait pris place au premier rang des gradins qui entouraient la vaste chambre principale.

[RP] « Le cercle bleu de la légende » Sarz

Ses longs cheveux raides à la couleur des neiges éternelles tranchaient au jais de ses atours. Entre ses doigts longs et fins d'un albâtre blême, elle faisait tourner une petite pièce d'or sans y prêter attention. Son visage aux traits durs bien que dénué d'émotion semblait pourtant s'intéresser à la scène qui se déroulait là, à l'endroit même où elle était née. Deux orbes d'un blanc laiteux suivaient les pas d'Albiréo avec la prédation d'un oracle avisant son futur sacrifice.
Sărzeghnet veillait. Et bien que son coeur fut dépourvu de la moindre tendresse, elle apprécia cette énigmatique conjonction entre ses congénères et sa fille adoptive. Albiréo n'avait probablement pas remarqué son arrivée placée sous l'égide d'une apparition quasi ésotérique. Pour autant, la Reine ne dissimula en rien la présence de son âme de ténèbres et d'orage. Quelque part, dans un coin de ce canevas de ciel bleu dépeint par les notes de la Neishaane, l'Incarnate semait des graines de nuit et des nuages annonciateurs de son éternel tonnerre.
Déjà, semblait-il, les Cavernes Flamboyantes se remirent à gargouiller avec plus d'appétit, et l'arrivée de la Reine ne fit que raviver les braises. Mais elle demeura assise telle une statue, ne dit ni ne fit rien d'autre qu'observer et écouter, la férocité de son coeur bercée par la sérénade élégiaque de la nymphe déther.


.:: Qu'ils nous haïssent pourvu qu'ils nous craignent ::.
[RP] « Le cercle bleu de la légende » Sarzlogo2[RP] « Le cercle bleu de la légende » Final
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MessageSujet: Re: [RP] « Le cercle bleu de la légende »   [RP] « Le cercle bleu de la légende » Icon_minitimeDim 20 Fév 2022 - 16:55

*
Albiréo s’entourait d’un tourbillon de notes suaves qui virevoltaient autour d’elle comme une volée d’oiseaux : mésanges charbonnières au « titû » ouvrant la clé des bois, pinsons au notes descendantes et vigoureuses, chardonnerets aux stridulis hachurés et bavards, grives au chant moucheté s’achevant sur une oblongue et enfin le merle, petit chef d’orchestre noir au bec de feu, cabriolant ses notes d’instrument mature. Elles s’éparpillaient aux quatre coins de la caverne, dansaient sous le plafond, glissaient joyeusement le long des parois de pierre pour revenir à l’enchanteresse et lui rapporter les échos calcaires de leurs petites bravades ingénues. Puis, chacune regagna la cavité secrète de sa clé, s’ébrouant gaiment sur le seuil avant de disparaître. La flûte les soufflait, la flûte les aspirait.
*
Paupières closes, la neishaane écoutait le silence qui la berçait d’avant en arrière telle une houle aux mouvements tranquilles, écho muet de sa musique. Sa partition avait entraîné une ondulation, un mince glissement de l’espace. L’enfant du souffle entendait le courant ténu de la caverne dériver le long de ses hanches puis se perdre en volutes tourbillonnant vers le sol en de multiples petites tornades d’argent. Albiréo eut l’intuition qu’elle devrait avancer en aveugle et suivre le langage sélène de ce qui articule l’ombre. L’ancienne prêtresse connaissait bien les voix murmurantes d’Iolya, cette curieuse aube au front de lune.
*
Une larme d’aurore déposée sur l’encre noire d’une feuille d’acanthe, la discrète irisation - comme un accent de l’air - d’une aile de libellule, une ola de sauterelles, ces points d’exclamation de prairie. Le songe d’une nuit d’été nous laisse perdu en Poésie...Il y avait de la nuit dans ce que les insectes fabriquaient tout le jour, roulant et déroulant une mystérieuse bille d’onyx entre leurs pulvilles veloutées et crochues. Peut-être était-ce à cette origine là que la toute nouvelle aspirante cherchait à retourner, aux origines de la source d’ombre accouchant des étoiles. Ses artisans sans doute ne se cachaient pas loin. Elle ferma les yeux.
*
Elle sentait sa peau glisser sous le tissu et le froid pénétrant avec une acuité presque gênante. Sa chaleur était tiède, mince et sa présence un fétu de lumière au milieu de cette gorge rocailleuse. Alors que les dernières circonvolutions de sa musique s’évanouissaient contre les parois de la caverne, le sol émit un tremblement sourd. De part et d’autre, Albiréo distinguait le glissement rocailleux et décuplé d’un serpent aux dimensions titanesques. Tout le poids d’un mouvement animal cadençait l’ondulation écailleuse de sa pesance colossale. Des nuages de poussière envoyaient leur vrombissement alors que l’air s’engouffrait et mourrait sur le sol au contact du voile membraneux d’immenses ailes. Au-dessus de sa tête, les galeries résonnaient de grondements gutturaux. Elle entre aperçut de-ci l’œil noir, de là le profil acéré émerger de l’ombre, le sourire fauve. Prédateurs.
Ses instincts lui hurlaient violemment de détaler. La peur la pétrifiait et agitait ses mains de tremblements incontrôlables. Aucun être vivant ne peut sciemment se résoudre à être dévoré. Cette terrible issue s’imposait à elle sans alternative et un instant elle se demanda si la voix qui l’avait poussée à l’intérieur n’était pas le plus terrible et le plus intelligent des appâts jamais envisagés. Sa respiration s’agita dans sa poitrine comme un rat pris au piège.
*
* Tu ne pourras pas t’enfuir. * Elle se répéta ce crédo avec détresse au départ, essayant de chasser l’idée d’en sortir sauve autant que du massacre à venir. Pourtant, à mesure qu’elle se répétait cette évidence, aussi affreuse soit-elle, l’impasse s’imposait avec une autre certitude : elle devrait l’affronter. *Tu ne pourras pas t’enfuir.* Résolument, elle souffla, observant le pouls qui agitait son bras sans chercher à le contrôler. Elle descendit profondément, là où l’esprit peut prendre racine. Elle descendit et se sentit pénétrer le sol froid de la caverne là où la roche n’accueille aucun edelweiss, pas même le plantain. Solidement elle s’arrima. Seulement alors, elle se résolut à porter le regard vers la mort, magnifique, qui l’observait de ses yeux fauves, s’extrayant à peine de sa robe d’ombre. Les écailles brunes et spectrales se déroulaient avec lenteur, tournant leur profil rapace et carnassier vers leur proie. Etaient-ils étonnés de la voir sciemment venir à eux ? S’en amusaient-ils ? Leur respiration profonde berçait calmement l’air. Les lionnes étaient capables de ce genre de tranquillité, tapies dans la brousse. Mais visiblement les sauriens ne cherchaient pas particulièrement à cacher leur présence tandis qu’ils l’avisaient du regard.
*
Albiréo humidifia ses lèvres séchées par l’angoisse. Alors que les secondes s’égrainaient au compte-goutte, elle reprit une lampée d’air chargée de leur présence. Elle tâcha de s’oublier, elle et sa terreur, se perdant dans la contemplation des créatures qui grondaient dans l’ombre des galeries. La communion des souffles opéra peu à peu, ils s’alignaient dans le silence. Elle trouvait un nouveau « la », une note gravée depuis des siècles dans le roc de son esprit embrumé par l’occlusion. Une note indéchiffrable, au tempérament de rune, sur laquelle soufflait l’haleine draconique chargée d’une mémoire oubliée même du souvenir. Ce n’était à vrai dire pas vraiment une note mais plutôt son fantôme, traînant une silhouette vague à la lisière de ses lèvres.  Ses membres se délièrent au prix d’un effort prodigieux. Son bras pesait le poids d’un sac de plomb tandis qu’elle le dépliait sous l’œil fixe des créatures sauriennes, ramenant finalement la flûte à ses lèvres.
*
Elle souffla. Certains agitèrent leur tête hérissée de pointes en feulant. Abiréo reprit une inspiration agitée par les mouvements de son cœur et souffla. La dragonne aux allures de mort blanche expira son haleine brûlante au passage de la neishaane, particulièrement agressive pour une native du Vaendark. Les bords de son esprit se replièrent comme un pétale mais la musique jaillit de plus belle envoyant une note à la puissance mélancolique d’un feu d’étoile. La Blanche frémit, prête – le crut-elle - à bondir. Elle déploya son large cou écailleux et un incroyable chant aux profondeurs marines répondit à la flûte. Un Brun enroula son timbre aux chaleurs cendreuses autour de la résonnance océanique de sa Sœur. La flûte d’Albiréo soutenait cette magnifique ode primitive d’une voix nivéenne.
*
Quelque chose s’anima, était-ce le fruit de cette mystérieuse cantate qui unissait soudain une humaine à de splendides créatures ? Quelque part, la nuit des temps agita ses vieilles paupières et du plus noir de ses pupilles le souvenir du souvenir agita les ailes dans son sommeil. Albiréo frémit, étonnée de cette union et par cette saveur vague mais prégnante dont le passé recouvrait ses sens. A cette instant, une silhouette opalescente apparut aux côtés des dragons.
*
« Sărzeghnet ! »
*
C’était tout à la fois un soulagement béni et le sentiment que le mystère s'était enfin résolu à lui prodiguer des réponses. Au cœur de la froidure du Vaendark, son cœur avait invoqué la majestueuse Incarnate. Elle ne savait pas comment, elle ne savait pas précisément pourquoi mais quelque chose en elle en avait la conviction profonde. La Reine était à ses yeux la plus évidente signature des dieux, la plus tonitruante preuve que son choix portait en lui-même toute sa valeur. Mais autre chose berçait sa petite musique dans le cœur d’Albiréo. Le germe de ce qui se murmure entre les voiles du lumineux et de l’obscur, c’était une évidence. Mais aussi de ce qui se fredonne tout bas, timidement, dans la chair des vivants et qui peut-être recèle le pouvoir d’accomplir le destin…ou de le faire mentir. Sa chair, qui réagissait avec tempêtes face à ses frères et sœurs draconiques était appelée, irrésistiblement aimantée par l’Incarnate. Entre tous, la plus terrible. Cela relevait du mystère. Pourtant elle savait, son sang savait quelque chose qu’il charria sans retenue aucune alors que la dragonne déploya sa silhouette sibylline au devant d'elle.
*
Son corps d’emprunt évoquait un mirage d’Achéron – ange, sainte apparition aux yeux de la blonde neishaane – il était presque trouble, presque déformé par l’inconfort qu’il imposait au titan qu’il abritait. Cet inconfort qui était probablement invisible aux yeux du commun dévorait ceux d’Albiréo. Tout simplement parce qu’elle éprouvait le même sans le comprendre. De là elle contractait un sentiment de parenté étrange avec Sărzeghnet, plus proche à son sang qu’un véritable bipède. Pourquoi ? Elle l’ignorait et, bien qu’elle fût présente dans le but de lever le voile sur les questions qui lui taraudaient l’esprit la neishaane fut traversée par un tel élan de joie qu'un instant, rien d’autre ne l’habita que ces retrouvailles. La plaie qui était restée curieusement silencieuse depuis qu’elle s’était mise à jouer se rappela à la jeune femme par une brûlure cuisante alors qu’elle s’approchait de sa Maîtresse dragonne.
*
« Sărzeghnet, cette blessure me faisait souffrir. Puis il y a eu cette voix dans ma tête elle m’a parlé comme tu as pu le faire auparavant. Elle venait du ciel, à vrai dire je ne sais même pas si c'était des mots. J'ai cru comprendre qu'elle m'invitait à…Tout cela est absurde ! Je suis désolée.
*
* Bravo ! Si elle ne te prenait pas déjà pour une folle ma pauvre fille, c'est gagné ! *
*
Albiréo se mordit les lèvres et éluda au plus vite :
*
«Sărzeghnet... Pourquoi suis-je ici ? »
*
Bien entendu, la question contenait et dépassait la situation présente. L’Incarnate ne pouvait réellement ignorer la "surdité" de son aspirante, pour totalité ou partie.

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