[RP Officiel] Chimères & Extravagances ~ Fête des Fous

__ Kasim "Solaufein" Adrikan & le Noir Jahangir

-ஐ-

__ Víðarr Askr & le Brun Iaïros

Spectres des Cendres du Màr Tàralöm


Par Kazièl et tous les autres Dieux du panthéon réunis, comment était-ce possible d’être aussi bouché ? Que fallait-il de plus à Kasim pour comprendre que l’Ondine était très visiblement intéressée par lui et le menait par le bout du nez ? A moins que cette dernière n’ait pas conscience non plus des désirs de son cœur, ce qui rendait la situation encore plus préoccupante aux yeux de Viðarr. Le géant blond soupira et secoua la tête. C’était pourtant simple. Quand on était attiré par quelqu’un, on lui faisait la cour pour la (ou le) séduire, l’autre acceptait ou non, on le faisait mariner un peu histoire de pimenter le jeu, et ensuite on pouvait passer aux choses sérieuses … Et à d’autres formes d’amusement, moins spirituelles et plus axées sur le contentement du corps.

Bien sûr, il ne disait pas de la demander en mariage immédiatement, déjà parce que ce n’était pas toujours dans les mœurs des habitants du Màr Tàralöm, et ensuite parce que les deux compères seraient probablement bien trop paniqués par l’idée. Il fallait y aller progressivement … Du moins, c’était ce qu’il pensait avant … Avant de les voir se tourner autour comme des adolescents énamourés et se regarder avec des yeux de merlan frit. Sang et cendres. Ils n’étaient définitivement pas sortis de l’auberge.

Heureusement le nordique pouvait compter sur l’aide de l’Elfe Engrelotté, qui semblait avoir immédiatement compris la signification de ses clins d’œils insistants. Oui, il avait pris le risque que cela soit interprété de travers comme une forme d’intérêt marqué envers lui (le Bouffon n’était sans doute pas lié à une dragonne pour rien), mais ce n’était pas le genre de malentendu que des mots et quelques verres d’alcool fort n’auraient pu éclaircir ! Son type à lui, de toute façon, c’était les belles blondes plantureuses, pas les oreilles pointues au teint sombre … Et peut-être aussi les femmes de caractère. Il ne se lassait d’ailleurs pas d’admirer en action son ancienne Maîtresse Dragon, la Décurion Daire Orlaigh.

Hélas, arrivés au Repaire des Cocktails Colorés, la petite troupe s’égailla, Kasim se voyant abandonné par Scylla en la triste compagnie de Sire Bleuet, la petite Ondine s’en allant claquer quelques pièces d’or sur le comptoir. L’Engrelotté, toujours aussi volubile, s’était penché quant à lui sur la liste des boissons, conseillant aux uns et aux autres des mélanges aux noms les plus abracadabrants que les autres. Un large sourire barrant sa face, Viðarr décida de suivre les conseils de leur guide, de toute évidence bien plus informé qu’eux sur ce qui pourrait ravir leur palais.

« Oy, l’Farfadet ! Crois pas qu’j’ai oublié qu’t’as promis d’payer ta tournée, hein ! » interpella-t-il le sang-mêlé à la mine bien trop sombre pour cette soirée de débauche. « Envoie ta mitraille, qu’j’aille commander ! »

Roulant des yeux exagérés à l’apostrophe de son ami, le-dit Farfadet glissa une main dans un des replis de sa tunique pour en ressortir une bourse bien rebondie, qu’il lança au géant blond. L’attrapant au vol, le nordique eut un sifflement approbateur en la soupesant. Il était bien placé pour savoir qu’un simple salaire de Spectre des Cendres ne permettait pas autant d’émoluments, et Kasim n’était pas connu pour être particulièrement économe. Mais ce que son comparse faisait de son temps libre ne le concernait pas, et Viðarr écarta bien vite ce sujet de ses pensées. Si cela permettait de tous les régaler, alors c’était aussi bien !


Imperturbable face à ses provocations voilées, le Bleuet lui avait offert une réplique piquante et dégoulinante d’une auto-dérision teintée de venin. Un sourcil haussé, les dents légèrement découvertes en un rictus mordant, Kasim avait soupiré ouvertement. Il ne comprenait pas les motivations de l’autre, ni l’intérêt qu’il pouvait trouver à s’obliger à partager la soirée avec eux. Mais peut-être, à l’instar de sa petite Liée, l’homme trouvait-il son contentement dans la souffrance et la soumission. Chacun ses goûts.

« Tu me déçois franchement, l’ami. Nous aurions du te laisser avec le Brun de l’Ours, lui aussi aime à philosopher sur la nature bipède et en observer et consigner toute la dé-ca-den-ce ... » Son élocution se fit volontairement ralentie sur ce dernier mot. « Pour pouvoir ensuite en décortiquer toute l’essence. Pouah ! Quel ennui. »

Se penchant vers lui, son regard s’étrécit dangereusement, une menace inavouée couvant dans ses iris pourpres. Qu’il les considère comme des idiots si cela lui chantait, il n’en avait cure, en revanche il estimait pouvoir se passer de ses avis douteux sur la compagnie des femmes … Et particulièrement quand il s’agissait de celle de Scylla. Avec ses manières irritantes et son ton traînant, l’Englouti lui rappelait bien trop Jahangir pour ne pas troubler sa sérénité de façade. Il n’avait aucune envie qu’il vienne fourrer son nez dans ses affaires.

« Et peut-être devrais-tu oublier tes vices habituels pour en expérimenter d’autres, le Bleuet, qui sait, nous pouvons nous permettre d’espérer que cela te rendrait plus agréable à fréquenter. Je doute après tout que l’on puisse faire pire. Tu ne m’as pas l’air homme à savoir apprécier à sa juste valeur tout ce que ces demoiselles peuvent avoir à offrir comme merveilles. Mais en l’occurrence, ce n’est pas de cela qu’il s’agit avec le Chat, aussi je te prierais de bien vouloir garder pour toi tes insinuations déplorables, et de te trouver un nouveau centre d’attention pour ce soir. Crois-moi, cela sera préférable pour tous. »

Lui tapotant avec familiarité la joue pour ponctuer son avertissement, il se détourna pour accueillir Viðarr et le Bouffon qui revenaient de leur expédition au comptoir, cherchant l’Ondine au milieu de la clientèle attablée ça et là. Où avait donc encore disparu cette satanée Scylla ?


Les verres promptement remplis du cocktail baptisé « Les Exploits de Kazièl », aux couleurs et odeurs alléchantes, l’Humain s’était dirigé vers Kasim, généreusement prêt à le délivrer du Bleuet-au-balais-dans-le-fondement, se voyant rejoint peu après par l’Engrelotté, sa propre boisson en main.

Et c’est donc éclatant d’un rire sonore – et bien peu discret – qu’il avait d’abord répondu à la question de l’Elfique Bouffon, après un regard prudent vers Arlequine la Magnifique, toujours renfrognée.

Essuyant joyeusement le coin de ses yeux, il haussa les épaules avant de chuchoter d’un air grave :

« En vrai, si tu leur d’mandais à eux, j’veux bien t’assurer qu’y diraient foutrement non. Et y s’raient bien les seuls à pas vouloir l’voir ! » Il se fendit d’un coup de coude complice au Bouffon – à la force mesurée, cette fois – avant de tendre son verre au Farfadet, lequel fronçait les sourcils en essayant de capter les propos échangés. Pas de chance pour lui, en dépit de son ouïe fine, le brouhaha ambiant était suffisant pour couvrir la voix de ses compagnons. « Eh quoi, ça crève pas les yeux qu’y z’iraient bien ensemble ? J’crois bien qu’y vont avoir b’soin qu’on les pousse un peu, si tu vois c’que j’veux dire, l’ami. Ça s’rait bien dommage qu’la soirée s’termine sans au moins un bécot … Ou plus. »

Un petit sourire grivois fleurissant sur ses lèvres, Viðarr claqua affectueusement le bras de Kasim, qui, renonçant à comprendre ce que manigançait son frère d’armes, avait opté pour une retraite stratégique au fond de son verre … Dont le niveau avait déjà drastiquement diminué.

« Oy gamin, vas-y tout doux, c’est pas d’la pisse de vache qu’t’as là !  Prends l’temps d’savourer, sinon tu tiendras jamais la nuit !»

Même si le sang-mêlé avait été béni par les Dieux d’une relativement bonne constitution – et d’une remarquable résistance à l’alcool – le blond savait que ce genre de mélanges pouvait se révéler rapidement entêtant.


Un peu plus tard, les verres vides s’accumulant au fond de leurs gosiers – à une vitesse quelque peu inquiétante concernant Kasim, sans que toutefois son contrôle apparent ne s’en voit éraflé - les conversations animées allaient bon train au sein de leur joyeuse petite troupe.

Et au fond de l’établissement, entouré d’une foule de curieux, un Fou jonglait avec une habileté consommée, des lames de toutes tailles et toutes formes voltigeant devant lui tandis qu'il hélait son public à qui voudrait le défier.

Le Repaire des Cocktails Colorés semblait aussi être le Repaire des Bouffons.

Un peu trop éméchés, ou peut-être pas encore assez pour ça, hommes et femmes attroupés là se poussaient les uns et les autres en riant, s’incitant mutuellement à relever le gant, sans que pour autant qui que ce soit ne se dégage. C’était sans compter le sang-mêlé, qui, cherchant de quoi assouvir sa soif d’une ivresse bien différente de celle trouvée dans l’alcool, et sous les vivats de ses compagnons, s’était présenté face au Fou. Couteaux, dagues et autres poignards étaient sa spécialité, et il était à peu près certain de maîtriser leur usage mieux que quiconque ici.

Scylla n’était nulle part en vue, Viðarr et l’Engrelotté persistaient à comploter il ne savait quoi dans son dos, et le Bleuet … N’était pas des plus communicatifs. Bref, en un mot comme en cent, il commençait à s’ennuyer, et n’était pas contre un peu de stimulation supplémentaire.

Jusque là, les divers exercices que lui avait confié le Fou n’avaient présenté aucune difficulté pour lui, et malgré l’alcool ingéré, il s’en était sorti plus qu’honorablement. Peu soucieux de contrarier le saltimbanque, Kasim arborait un sourire satisfait, un rien provoquant, à l’effet rendu un peu trop sinistre par son masque de démon.

Il ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin, allons, n’avait-il rien de mieux à lui proposer ? Après tout, c’était une tournée gratuite qui était en jeu ; tout fêtard qui se respectait se devait de faire de son mieux pour remporter le trophée !

C’était donc ainsi qu’il s’était retrouvé assis à une table, main plaquée sur le bois et doigts écartés, avec la mission d’y venir piquer la lame d’une dague le plus rapidement possible, sans toucher sa propre chair, et ce cent fois de suite. La manœuvre se révélerait déjà délicate en temps normal, mais visiblement résolu à rabattre l’orgueil du sang-mêlé, le Fou avait rajouté une clause supplémentaire : il devrait en plus de cela garder les yeux fermés.

Loin de se voir refroidi, l’enthousiasme du public n’en avait été qu’encore plus grand. En cette nuit dédiée à Kazièl, beaucoup étaient venus rechercher à Lòmëanor une forme ou une autre de ce délicieux frisson qui se manifestait au contact du danger et de l’interdit. Certains simplement en se mêlant, anonymes, aux autres Kaerls … Et d’autres, en se frottant à des spectacles plus brutaux. C’était cette même fièvre qui animait les spectateurs des arènes poussiéreuses du Ssyl’Shar où il avait combattu avant de rencontrer Martel. Qu’ils observent donc, il ne les décevrait pas !

Clac, clac, clac, la lame plongeait dans le bois selon un rythme aussi régulier que les battements de son cœur.

Laissant à la foule le soin de scander le compte à chaque coup de couteau, les paupières étroitement closes, Kasim paraissait comme en transe, plongé dans une intense concentration que rien ne semblait pouvoir troubler. Rien … Sinon la voix de Scylla s’élevant soudain dans son dos, l’intonation moqueuse et acide comme elle savait si bien la manier. Un infime sursaut le fit dévier de sa course, puis la douleur qui implosa dans sa main, lui volant son souffle l’espace d’un instant, lui indiqua que la lame avait hélas raté sa cible.

« Et ben, s'il est aussi précis, concentré et intense pour tout, ça devient tentant d'en faire plus qu'un pote ! » Vacillant imperceptiblement, s'appuyant sur Viðarr, l'Ondine avait accompagné son commentaire d'un coup de coude égrillard, qui laissait peu de doute sur ce qu'elle sous-entendait. « Y a que la rapidité du truc qui gâche tout. »


[HRP : En raison de l'échange de mon tour de jeu avec celui de Runa/Scylla, j'ai laissé de côté la partie dragons, car Jahangir n'est hélas pas des plus bavards, et n'est de toute façon pas hyper intéressé par ce que propose Âqen, désoléééée. J'ai préféré faire avancer l'intrigue des bipèdes qui est plus active ! Ici s'ouvre donc officiellement le dernier tour de jeu, pensez à conclure !]

[HJ- Ça fait kré kré longtemps que c’est en pause par ici, alors je me permets un petit message pour conclure… Sinon ce pôvre Farfadet va rester estropié à vie ! (au moins).]


Les yeux pétillants, les grelots tintinnabulants, le Bouffon était aux anges. La Fête des Fous, c’était sans aucun doute une des meilleures soirées de l’année. La meilleure, même, peut-être, puisque c’était la dernière. Le souvenir de toutes les autres nuits s’effaçait fatalement dans le brouhaha de la foule, les lumières multicolores des lampions… et les brumes de l’alcool, bien sûr. Même s’il fallait bien plus qu’un pauvre petit cocktail, tout coloré fût-il, pour enivrer Selcot. Il avait bien plus de résistance que sa stature ne le laissait supposer ! La faute à ses mauvaises habitudes, disait Beith, mais ce n’était que médisances ! Il était résistant, voilà tout ! Et c’était tant mieux parce qu’il pouvait ainsi goûter nombre de ces formidables boissons colorées qui n’existaient que pour ce jour unique ! Des éditions plus que limitées !

Après avoir conseillé ses camarades du jour et poussé le vice jusqu’à apporter lui-même son verre au Bleuet-ronchon – La Sagesse de Kazièl, quand même… si c’était pas prédestiné, ça, avec un nom pareil ! – l’elfe rejoignit le membre du groupe qui lui paraissait le plus susceptible de partager sa bonne humeur – et ses ragots – à savoir l’Ours. Et il ne fut pas déçu. Un amour partagé mais ignoré, c’était si romantique ! Et que les concernés soient des ardents potentiellement dangereux – *C’est pas potentiel, c’est sûr !* – capables de réduire en pièce l’ensemble des badauds attroupés autour de la taverne éphémère ne changeait rien au romantisme de la chose. Les auteurs des romances à l’eau de rose avaient l’esprit aussi fermé que les matriarches des Maisons Chantevent et de Leysse : tout le monde avait le droit à l’amour, pas que les belles dames nunuches et les preux et loyaux chevaliers dragons de lumière… et surtout pas dans la pauvre limite des mariages arrangés.

« Je vois, je vois ! s’exclama donc Selcot, sans s’inquiéter une seule seconde que sa conversation puisse être entendue par ses voisins ou les concernés. Et je suis sûr qu’avec l’aide de Kazièl, on devrait pouvoir arriver à quelque chose ! Quoi de mieux pour finir l’année en beauté ? »

Après tout, le dieu du Chaos n’aimait-il pas rendre réel l’improbable ? Le Chat et le Farfadet, tous prêts qu’ils soient à s’amuser, semblaient un peu coincés ou obtus sur certains points. Ils seraient une cible parfaite pour le dieu du jour… ou ses agents engrelottés !

Mais pour cela, encore faudrait-il qu’ils soient là ! Voilà-t-y pas que le Chat, après s’être faufilée jusqu’au comptoir et s’être fait servir, avait disparu ! Ah là là, par Kazièl, ça ne leur facilitait pas la tâche ! … Et justement, ça devait bien l’amuser, le dieu du Chaos, tsss. Il était incorrigible !

*J’en connais un autre…*
*Oh, quand même, Bêtise ! Je ne peux pas prétendre rivaliser avec un dieu ! Mais je sais que je peux compter sur toi !*

Seul un soupir désabusé lui répondit alors que la voix de l’Ours rappelait son attention sur ses camarades de la soirée et, surtout, le Farfadet qui avait déjà vidé la moitié de son verre. Haha ! Il avait bien choisi ! Parce que, avaler autant d’un Exploit de Kazièl en si peu de temps, c’était un véritable exploit justement ! Mais il risquait de ne pas voir la fin de la nuit, à cette vitesse-là ! L’alcool c’était bien pour se détendre, se décoincer et se retrouver en bonne compagnie, mais à trop forte dose on n’était plus trop capable de profiter de ladite compagnie. Et ce serait dommage quand même !

Hélas, le sang-mêlé ne semblait pas décider à écouter la voix de l’Ours et du Bouffon – à défaut de celle de la raison – et le Chat qui aurait peut-être réussi à en tirer quelque chose ne se montrait toujours pas… Les cocktails, eux, ne se faisaient pas prier et le Farfadet avait définitivement une bonne descente. Pour une fois, Selcot n’essaya pas de rivaliser – il faut dire qu’une certaine dragonne verte, toute merveilleuse soit-elle, n’avait pas l’intention de le laisser faire – et, sans trop s’éloigner du groupe qu’il s’était choisi pour la soirée, il proposa plutôt quelques parties de belotte dragon aux personnes intéressées. Il eut du succès, évidemment, et, heureux comme tout, il oublia vite de compter les tournées, préférant se concentrer sur les cartes et le rythme de ses grelots qu’il mettait un point d’honneur à agiter dès qu’il en avait l’occasion. Il était donc un peu gris, lorsque le Farfadet décida de défier le Fou aux couteaux. Plus enthousiaste qu’inquiet, l’elfe renonça à une énième partie de belotte pour aller suivre les exploits du sang-mêlé, ravi de constater que son choix de cocktail était vraiment parfait.

Porté par les vapeurs de l’alcool et l’enthousiasme de la foule, le chevalier vert était complètement imperméable à la désapprobation de son âme sœur, mais l’arrivée subite de l’ondine et, surtout, le soudain sursaut et l’erreur du Farfadet le dégrisèrent quasiment instantanément. L’instinct du guérisseur reprit le dessus au moment où le compte aviné des spectateurs se transformait en protestation déçue.

« Oh nooooon ! s’écria Selcot en même temps que tous les autres, c’est perdu ! Je te dois un cocktail, l’ami ! » renchérit-il à l’adresse de son voisin sans savoir s’il avait vraiment parié avec lui.

Mais ledit ami avait encore un verre à la main et, puisqu’il venait de déclarer qu’il lui en devait un, il se saisit sans scrupule de celui qu’il tenait pour verser un peu de son contenu alcoolisé sur le premier torchon qu’il put attraper. Le morceau de tissu était d’une propreté douteuse, tout comme la lame du couteau qui avait attaqué la chair du Farfadet, mais le plus urgent était d’arrêter l’hémorragie. L’alcool permettrait de limiter les risques d’infection le temps de trouver du matériel un peu plus approprié.

« Et voilà que tu vas tout salir ! poursuivit le guérisseur en enveloppant la main de son camarade de beuverie dans le torchon alcoolisé sans aucune hésitation et sans prêter attention aux éventuelles protestations provoquées par la douleur ou la morsure de l’alcool. Ce serait quand même vachement dommage de crapoter tout ton beau costume, n’est-ce pas le Chat ? »

Avec un soupir à peine contenu, Beith joua des coudes pour se frayer un chemin jusqu’à la table et, surtout, éloigner les badauds et les curieux à peine capables de tenir debout. Se faisant, elle tendit la main vers l’humain et l’ondine.

« Il va avoir besoin d’eau et d’un tissu propre, un mouchoir ou un truc comme ça, » déclara-t-elle d’un ton sans réplique.

Elle n’était pas guérisseuse, elle, mais elle avait suffisamment assisté son crétin de Lié dans ses soins pour savoir ce dont il allait avoir besoin. Et ce n’était certainement pas les curieux ivres morts qui lui seraient utiles. Mais, tous Ardents qu’ils soient, l’Ours et le Chat n’avaient sans doute pas envie que leur imbécile de camarade perde l’usage de ses doigts ou de sa main, n’est-ce pas ? Heureusement, s’ils étaient réactifs, Selcot pourrait lui prodiguer les premiers soins avant qu’ils ne le ramènent au guérisseur de leur Kaerl.